JEUDI DE LA TROISIÈME SEMAINE DE CARÊME

Station à Saint-Cosme et Saint-Damien
      
Le Christ est le médecin de l’âme malade, la maison de Dieu est la maison des malades et l’Église est une institution de guérison.
     
Aujourd’hui est la mi-carême. Dans l’antiquité, on passait ce jour d’une manière un peu plus joyeuse. On voulait, au milieu du Carême sévère, accorder au peuple chrétien un peu de répit. Cette impression de joie continue de répartir son action sur dimanche prochain. C’est pourquoi la messe d’aujourd’hui n’est pas, comme celle des autres jeudis, une messe de pénitence. On conduisait la chrétienté dans l’église des célèbres médecins et thaumaturges, saint Cosme et saint Damien.
     
1. Station. - Les saints de station sont originaires de l’Orient. C’étaient de saints médecins qui mirent leur art entièrement au service du bien des âmes. Fidèles à l’exemple du Christ, ils guérissaient les corps pour pouvoir plus facilement guérir les âmes. Le culte de ces saints se répandit bientôt à Rome sous l’influence des Byzantins et on leur dédia une église sous Félix IV (526-530). Dans cette église, a lieu, depuis son introduction (vile siècle), l’office solennel de station. Nous y voyons encore, au fond de l’abside, la magnifique mosaïque qui y fut exécutée par ordre du pape Félix IV. Au centre, se tient debout la figure majestueuse du Sauveur glorifié, porté sur les nuages, la main droite levée et tenant dans la main gauche un rouleau de parchemin. Au-dessous de lui, saint Pierre et saint Paul conduisent au Roi du ciel les deux saints martyrs Cosme et Damien, qui, en tant que médecins, portent un flacon de remèdes. (Ce symbole est plein de sens : les deux saints étrangers sont introduits par les maîtres de maison de l’Église romaine). — Devant cette magnifique image, de nombreuses générations ont célébré les saints offices, nous nous joignons à elles.
      
2. La messe (Salus populi) est d’un contenu riche et substantiel et peu de messes ont autant de relation avec la station. En même temps, nous y assistons à un beau “ mystère “. Nous pouvons résumer le contenu de cette messe en trois mots : Cosme et Damien, le divin “ Médecin ”, la maison de Dieu. a) Les saints de station étaient, comme on l’a dit, des médecins et, en même temps, des intercesseurs dans les maladies. C’est pourquoi la messe commence par le mot caractéristique “ Salus ” (guérison, santé). C’est pourquoi aussi, dans l’Évangile, on raconte la guérison de la belle-mère de Pierre et de beaucoup d’autres malades. — En outre, les trois oraisons se rapportent aux saints de station, c’est le seul cas dans une messe du temps (cf. encore le dimanche de la Sexagésime). b) Le divin “ Médecin ”. Notre pensée passe facilement des deux saints médecins au divin “ Médecin ”, au Sauveur. Il est le médecin de l’âme malade, qui, depuis le péché originel, est blessée. L’Évangile décrit la grande journée dite de Capharnaüm, c’est une belle image de l’Église du Christ. Le Christ “ entre dans la maison de Pierre” et guérit la maîtresse de maison, (le type de l’Église), qui sert le Seigneur et ses disciples et leur prépare un repas (l’Eucharistie). Quand le soleil s’est couché (à sa mort), tous les malades viennent dans la maison de Pierre — dans l’Église — pour y trouver la guérison. Le Christ les guérit tous. C’est pourquoi le Sauveur se tient devant nous dès l’Introït et nous dit : “ Je suis votre santé “ ; c’est une invitation à entrer dans la maison des malades qu’est l’Église. Assurément, il donne aussi les remèdes et le régime : “ Écoutez ma loi “ (Psaume 77). L’Offertoire est un cantique de voyage : reconnaissance pour le “ Médecin” de l’âme et confiance en lui. Le mot “ salvare ” revient souvent au cours de la messe. c) La messe nous livre de très belles pensées sur la maison de Dieu (c’est un formulaire de messe de consécration d’église). La leçon est une prédication que Dieu nous adresse : si nous observons ses commandements, il demeure dans notre maison et nous accorde ses plus riches bénédictions. L’Évangile est merveilleusement adapté aux pensées d’une consécration d’église : “ Jésus entra dans la maison de Simon Pierre. “
      
3. La véritable guérison. — L’Église nous fait réfléchir, aujourd’hui, sur la guérison de notre âme. La Messe commence par le mot : Salus santé ; le tableau que nous présente l’Évangile est la guérison de nombreux malades. C’est en chantant l’antienne : “ Ta droite m’apporte la guérison” que nous approchons de l’autel, à l’Offrande. Comme fruit du sacrifice, nous demandons la “ guérison assurée ” (certa salvatio). Nous réfléchissons à notre besoin de guérison, à notre divin Médecin et à l’institution de guérison qu’est l’Église.
     
a) Il faut, tout d’abord, que le malade ait conscience de sa maladie ; autrement, il ne peut pas guérir. Hélas ! combien de gens circulent avec une âme malade et ne savent rien de leur état. Est-ce que nous connaissons bien le nôtre ? Il y a, d’abord, les maux héréditaires que nous tenons de nos premiers parents : l’amour-propre qui dégénère en égoïsme et en orgueil. L’intelligence est obscurcie, la volonté affaiblie ; la chair, la nature inférieure ne veut pas obéir à l’esprit. Ce sont des maux qui se tiennent cachés dans chacun de nous et n’attendent que le moment favorable pour faire irruption. A ces maux, il faut ajouter notre maladie particulière, nos inclinations dominantes, notre défaut principal et tous les mille péchés de notre vie. Chacun de nous est obligé de se plaindre avec saint Paul : “Je suis charnel, vendu au péché. Je ne sais pas ce que je fais ; je ne fais pas ce que je veux, le bien, et je fais ce que je hais, le mal... J’ai conscience qu’en moi, c’est-à-dire dans ma chair, n’habite pas le bien ; le vouloir est à ma portée, mais non l’accomplissement du bien... je remarque, dans mes membres, une loi qui contrarie la loi de mon esprit et me tient captif sous la loi du péché qui règne dans mes membres. Malheureux homme que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? ” (Rom, VII, 14 sq.). Mais saint Paul ne laisse pas de nous donner cette saisissante réponse : “ Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ! ”
     
b) Le Christ est notre Sauveur, il est le grand médecin de notre âme, il la connaît à fond. Il connaît le siège et la gravité du mal, il connaît aussi le vrai remède. C’est pourquoi, pendant ses jours terrestres, il a opéré tant de guérisons, afin de nous montrer que, dans son Église, il guérirait les âmes malades. Les guérisons des malades sont le symbole de l’action salutaire par laquelle il guérit les âmes. Le divin médecin ne s’est pas contenté de prescrire les antidotes, il a commencé par les employer lui-même. A notre mal principal, l’amour-propre, il a oppose l’humilité. l’humilité est le trait principal de son action rédemptrice, “ il a été obéissant jusqu’à la mort, jusqu’à la mort de la Croix. “ A notre intelligence obscurcie, il a apporté le “ sel de la sagesse céleste ”, de sa doctrine sublime ; à notre volonté affaiblie, il a donné la force de ses sacrements. Bien plus, le divin médecin meurt lui-même, afin de donner, dans son corps et dans son sang, la vie à ceux qui meurent. L’Eucharistie est pour l’âme le plus grand remède.
     
c) La guérison s’opère lentement ; le convalescent a besoin de soins compatissants. Or l’Église est la maison hospitalière de l’âme malade. Nous n’avons qu’à regarder pour constater que toutes les institutions de l’Église tendent à donner des soins patients et charitables à l’âme malade, et à la guérir. Pensons seulement à la discipline pénitentiaire qui est plutôt une cure de l’âme qu’un jugement. Comme l’Église sait bien, dans ses fêtes et ses temps liturgiques, traiter et soigner l’âme ! Le Carême est un temps de cure pendant lequel on attaque à fond le mal. La messe est, chaque jour, l’heure de consultation du divin médecin. Les nombreuses bénédictions de l’Église sont autant de secours qui doivent aider l’âme à se guérir. L’Église ne cherche pas autre chose, depuis notre baptême jusqu’à notre mort, que notre “ salut “ (c’est-à-dire la santé de notre âme). A la mort, nous devons présenter notre âme en bonne santé devant notre Sauveur.