JEUDI DE LA QUATRIÈME SEMAINE DE CARtME

Station à Saint-Silvestre et Saint-Martin
      
Le Christ, celui qui ressuscite les morts.
     
Nous allons célébrer successivement deux messes de résurrection des morts, aujourd’hui et demain. La messe de demain est plus ancienne et traite des catéchumènes ; celle d’aujourd’hui est plus récente, composée d’après celle de demain et elle pense aux pénitents. Les pénitents, comme les catéchumènes, doivent être ressuscités de la mort spirituelle, par le Christ. Quant à nous, les fidèles, nous recevons chaque jour dans l’Eucharistie une vie nouvelle.
     
Les antiennes directrices du jour : 
“ Jésus vint dans une ville nommée Naïm et voici qu’on portait en terre un mort qui était le fils unique de sa mère” (Ant. Bened.).
“ Un grand prophète s’est levé parmi nous, Dieu a visité son peuple” (Ant. Magn.).
La liturgie chante, le matin, le commencement et, le soir, la fin de la péricope. Elle veut nous enseigner par là que, pendant toute la journée, nous devons en faire l’objet de nos méditations.
      
1. Thème de la station. — Station à Saint-Sylvestre et Saint-Martin. Les deux saints de station sont les deux premiers saints non martyrs de l’Église romaine. Le pape saint Sylvestre et le grand évêque de Tours, saint Martin, ont toujours joui, dans l’Église, et jouissent encore de la plus grande vénération. Dans notre église de station, qui remonte à un ancien titre (c’est-à-dire une maison appartenant à l’Église romaine et dans laquelle demeuraient des prêtres), on honora d’abord saint Sylvestre. Plus tard, on bâtit à cet endroit une basilique en l’honneur de saint Martin, et le premier saint passa un peu au second plan (c’est sans doute de cette époque C’lue date l’introduction du service de station). Au IXe siècle, on transporta dans cette basilique les ossements de saint Sylvestre et de plusieurs martyrs ; ils reposent aujourd’hui encore dans la crypte. Les lectures de notre messe de station doivent rappeler les résurrections de morts qui rendirent saint Martin célèbre.
     
2. La messe (Laetetur). — C’est une messe de pénitents. Ce qui frappe, c’est la belle concordance entre la Leçon et l’Évangile. Dans ces deux lectures, il est question de résurrection de mort. Dans les deux cas, il y a trois personnages en scène : une mère veuve plongée dans le chagrin, un jeune homme mort qui va être ressuscité et un thaumaturge. Remarquons cependant la différence. Le Prophète ressuscite le jeune homme après de longs efforts. — Jésus ressuscite le fils de la veuve de Naïm d’un seul mot. Jésus est le maître de la mort et de l’enfer. Dans quelques jours, il scellera sa victoire par sa propre Résurrection. Les ressuscités sont les symboles du pécheur qui doit ressusciter à Pâques. C’est pourquoi, à travers toute la messe, on entend les joyeux accents du thème de Pâques. On chante, à l’Introït : “ Que le cœur se réjouisse. ”. L’Introït et la Communion considèrent les voies de Dieu dans notre vie. Comme il les a bien ordonnées ! (Ps. 104). Il était mon Dieu dans ma jeunesse, il est encore mon Dieu dans ma vieillesse (Ps. 70).
     
3. La vie et la mort. — Ces deux notions jouent un grand rôle dans la Bible et la liturgie. Que de fois le Christ parle de la vie, de la vie éternelle ! Ce que nous appelons vie et mort n’est pas la vraie vie et la vraie mort. Notre vie terrestre n’est qu’une ombre de vie et la mort terrestre n’est qu’un sommeil. La vraie vie est la participation à la vie divine, à la vie du Christ ; il est “ la Vie), lui seul peut donner la vie. Seul, l’homme en état de grâce peut dire qu’il vit. Cette vie est nourrie et développée dans l’Eucharistie qui est la source de la vie éternelle. Nous trouvons l’image de cette vie dans les deux résurrections de la messe d’aujourd’hui. Considérons les trois personnages, la mère, le jeune homme et le thaumaturge, Jésus-Christ.
     
a) Les deux femmes représentent très bien l’Église : l’une est l’Église à la prière instante, qui se prosterne aux pieds de Dieu et ne s’éloigne pas avant d’avoir été exaucée ; dans l’autre, nous voyons la douleur maternelle de l’Église qui n’a d’autre souci que les péchés de ses enfants. On lit, au bréviaire, ces belles paroles de saint Ambroise : “ Si tes péchés sont si grands que tu ne peux pas les laver dans tes larmes de pénitence, laisse ta Mère l’Église pleurer pour toi. Elle supplie Dieu pour chacun d’entre vous, comme cette mère veuve pleurait pour son fils unique. Car elle souffre des douleurs spirituelles de mère, quand elle voit ses enfants, par leurs péchés mortels, se précipiter vers la mort. ”
      
b) Le jeune homme mort est l’image de l’âme morte par le péché. L’âme est jeune, créée pour l’éternelle jeunesse. Le péché lui donne la mort. Dans le bréviaire, on poursuit l’allégorie. Le jeune homme est couché sur une civière de bois. Or, c’est par le bois ( de la science du bien et du mal) que le péché est entré dans le monde. Mais lorsque Jésus toucha le bois, c’est-à-dire monta sur la Croix, le mort revint à la vie. Les porteurs sont nos passions. “ Nous aussi, nous gisons, en quelque sorte, inanimés sur une civière, quand brûle en nous le feu des désirs illégitimes ou bien quand la froideur pour tout ce qui est divin nous pénètre, quand la force de l’esprit est paralysée par la paresse de notre corps ou bien quand notre cœur chargé de péchés trouble l’esprit de la pure lumière. Voilà quels sont les porteurs de notre cadavre ” (Saint Ambroise). Ces porteurs se hâtent de nous déposer dans la tombe de l’enfer.
      
c) Le miracle de la résurrection se renouvelle en chacun de nous. Le thaumaturge qui nous ressuscite est le Christ. Le Christ s’approche personnellement de chacun de nous et prononce ces paroles ; “ Jeune homme, lève-toi. ” Cette résurrection s’étend sur toute notre vie, depuis le baptême jusqu’à la parousie. Le Christ réveille toutes les forces de l’âme et du corps. Il nous donne un nouvel esprit, un nouveau cœur, un regard nouveau, une ouïe nouvelle. La résurrection est son œuvre. Le Carême, avec Pâques, est une résurrection en petit. “ Jeune homme, lève-toi. ”