JEUDI DE LA PREMIÈRE SEMAINE DE CARÊME

Station à Saint Laurent in Paneperna
      
La Chananéenne est “image des pénitents.
      
1. Les prédicateurs de pénitence. — Les messes du jeudi constituent, dans la liturgie du Carême, un type tout spécial ; ce sont nettement des messes de pénitence et elles envisagent les pénitents (Au VIIIe siècle, époque où elles apparurent, la discipline pénitentielle était fortement organisée et dominait tout le Carême). L’Évangile nous offre une image touchante des pénitents. Pendant que les “ enfants” (les fidèles), à l’église, mangent le pain eucharistique, les “ petits chiens “, les pénitents, se tiennent dehors, devant la porte de l’église, et ils attendent que tombent quelques miettes de la table du Seigneur.
     
Nous nous revêtons de l’habit des pénitents et nous prenons place parmi eux, devant la porte de l’église. Trois prédicateurs de pénitence nous adressent la parole : Saint Laurent, Ézéchiel et la Chananéenne. Saint Laurent est notre coryphée et le saint de station. Nous le voyons sur son gril ardent. Il supporte ses tourments avec joie et va même jusqu’a railler ses bourreaux. Et il nous dit : Votre gril, c’est la vie avec ses ennuis, ses sacrifices et ses difficultés. Demeurez sur ce gril. Dominez votre vie. Soyez contents, soyez même joyeux dans vos difficultés. Cela aussi est une pénitence efficace. C’est ce que disait l’Apôtre, dimanche dernier, dans son Épître programme : Montrons-nous des serviteurs de Dieu dans toutes les situations de la vie. — Ézéchiel, le Prophète et le prédicateur de pénitence, parle aussi à notre conscience : Ne rejetez pas votre faute sur d’autres, mais considérez-vous comme responsables de vos manquements. C’est une faiblesse humaine, depuis Adam, de s’excuser aux dépens d’autrui. Adam rejeta sa faute sur sa femme et celle-ci en rendit responsable le serpent. Il est certain que Dieu tiendra compte de toutes les circonstances atténuantes, mais vous-mêmes, soyez pour vous un juge sévère, sans ménagement. Être sévère pour soi-même, indulgent pour les autres, que ce soit votre principe ! — La Chananéenne est une figure favorite de la liturgie ; l’Église en a fait le type des pénitents. Que nous prêche-t-elle ? La persévérance dans la prière et la pénitence humble. Elle ne se décourage pas, même quand le Seigneur ne la regarde pas et ne daigne pas lui adresser la parole. Cette persévérance est déjà une grande preuve d’humilité. Comment reçoit-elle l’humiliation ? Le Seigneur la compare aux chiens. Elle accepte la comparaison et en fait un motif de sa prière : Oui, je suis un petit chien et je me contente des miettes qui tombent de la table des enfants. Elle a supporté victorieusement l’épreuve : celui qui s’abaisse sera élevé. Pénitence humble. Par là, nous atteignons la racine de tout notre malheur ; nous combattons notre susceptibilité, notre amour de l’honneur, notre orgueil.
     
Les deux antiennes du lever et du coucher du soleil chantent le commencement et la fin de la scène évangélique : “ Voici qu’une Chananéenne vint de cette région et cria : Aie pitié de moi, Fils de David “ (Ant. Benedictus) ; “ Ô femme, grande est ta foi, qu’il te soit fait comme tu veux “ (Ant. Magnificat). L’Église veut nous enseigner par là, que, pendant toute la journée, notre âme doit être la Chananéenne, le matin, avec sa grande détresse, le soir, avec sa foi forte. Aujourd’hui, la prière des Heures nous offre un répons propre, d’une grande beauté, qui se rattache à notre Évangile (c’est un cas très rare en Carême).
“ Je serais inconsolable si je ne connaissais pas tes miséricordes, Seigneur ; tu as dit : je ne veux pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive.
Toi qui as appelé la Chananéenne et le publicain à la pénitence,
Selon la multitude de mes douleurs dans mon cœur, tes consolations ont réjoui mon âme.”
2. Thème de la station — Station à Saint Laurent in Panepema. D’après la tradition, c’est à cet endroit que Saint Laurent fut torturé sur le gril ; la crypte est honorée comme le lieu du martyre du saint. C’est dans cette église, depuis l’introduction de l’office de station le jeudi (sous Grégoire II, fin du VIIe siècle), que se célèbre la messe d’aujourd’hui. La station a exercé son influence sur le texte de la messe. L’Introït chante la mort glorieuse du martyr (à sa fête, le 10 août, c’est le même introït). En, outre, l’église de station était célèbre à cause de sa beauté. L’introït est donc comme un cri d’étonnement des fidèles qui entrent. “ Confessio ”, ce mot, dans l’antiquité, avait un sens plus plein (déclaration, profession de foi). Le psaume, dans son entier, chante la grandeur de Dieu. On aimait beaucoup célébrer la grandeur de Dieu dans ses saints. Le Graduel, lui aussi, présente la pensée de notre saint de station. Dans le psaume 16, se trouve le verset qu’on mettait sur les lèvres du saint pendant son martyre : “ Tu as éprouvé mon cœur, Seigneur, et tu l’as visité pendant la nuit. Tu m’as purifié par le feu et il ne s’est pas trouvé de péché en moi.” A l’offrande, nous entrons avec saint Laurent dans le sacrifice du Christ. L’antienne de l’Offertoire fait allusion au saint (d’après les Actes des martyrs, un ange le consola sur le gril et essuya sa sueur). Saint Laurent était déjà un prédicateur de carême, en tant que combattant et travailleur dans la vigne du Seigneur. Tous les jours, nous demandons, dans l’action de grâces après la messe, “ d’éteindre les flammes des passions comme le bienheureux Laurent surmonta les flammes du feu ”. Il doit donc être pour nous un modèle et un patron dans le temps de pénitence et de Carême. Quand nous sommes sur le gril de la tentation, soyons fermes et persévérants.
      
3. L’Eucharistie. — Aujourd’hui jeudi, l’Eglise pense au pain divin de l’Eucharistie. Cette pensée se poursuit à travers toute la messe. Déjà, quand la Chananéenne parle des miettes qui tombent de la table des enfants, nous pensons au pain des enfants de Dieu. Nous sommes si heureux, dans ce temps de carême, de recevoir, en mangeant ce pain, une vie divine renouvelée” alors que les pénitents sont exclus de la table sainte ! Comme les pénitents devaient quitter l’église après l’Évangile, les fidèles pensaient encore davantage, à l’Offertoire, au pain divin ; c’est pourquoi ils chantent l’ancien psaume de communion avec le refrain connu : “ Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux. ” A l’antienne de communion, ils chantent : “ Le pain que je donnerai est ma chair pour la vie du monde ”. Dans l’oraison sur le peuple, le prêtre demande “ que nous aimions les dons célestes que nous recevons si souvent ”.