DIX-SEPTIÈME DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE

Assieds-toi à ma droite
L’Église nous communique au cours de cette semaine trois grandes vérités du christianisme ; ce sont les trois grandes pensées liturgiques suivantes : le Christ, l’Église, l’Amour : 1. Le Christ est le Fils de Dieu, qui règne désormais glorieux à la droite du Père jusqu’à son retour triomphant. 2. L’Église est le corps -mystique du Christ, une unité puissante ; nous sommes membres de ce corps. C’est sur cette vérité que la liturgie édifie sa vie d’union. 3. L’Amour, le plus grand commandement. La pensée du dimanche est l’unité du christianisme. Cette unité, nous devons la faire nôtre et écarter le grand destructeur de l’unité, le péché.
1. La messe (Justus es). – La messe d’aujourd’hui nous montre clairement que la liturgie, par le choix de ses lectures, spécialement dans l’Evangile, n’a pas en vue avant tout l’enseignement, mais plutôt la présentation et l’éclaircissement du mystère. Quiconque a essayé de pénétrer le sens de l’Evangile du jour s’est trouvé, dans la seconde partie, en présence de difficultés. Pour les âmes simples en particulier, le passage en question est bien difficile à comprendre. L’Evangile nous apparaît dans une tout autre lumière si nous le considérons comme le voile du mystère. Alors ce passage difficile est précisément l’essentiel. C’est l’image de la Majestas Domini, du Seigneur assis, avec tout l’éclat de sa majesté, à la droite du Père ; dans la vallée de larmes de l’exil. L’Église aspire ardemment à cette image ; elle brille tout à coup au Saint-Sacrifice de la messe. Cette image s’adapte parfaitement au temps d’automne de l’année liturgique, où nous attendons, parmi les obscurités de la vie terrestre, le retour du Seigneur. Esquissons maintenant les différentes parties de la messe : la pensée de l’Église n’est plus aussi sombre que dimanche dernier, elle est résignée ; les épreuves de l’exil sont l’exercice d’un droit légitime de la justice divine, et l’Église implore la pitié (Intr.). Sa préoccupation est de nous voir “ accomplir avec un cœur pur ”, “ selon la loi de Dieu ” et “ sans fautes, notre pèlerinage terrestre ”, et éviter la “ contagion diabolique du péché ” (Or.). (Remarquez les expressions : via, ambulant, sectari, ambuletis – la vie est un pèlerinage). Maintenant se présente de nouveau à nous l’Apôtre des nations chargé de “ ses chaînes ” ; il nous conjure (l’Église par sa voix) d’avoir une conduite digne de notre vocation chrétienne en marchant dans la voie de la douceur (mansuetudo), de la patience et de la charité, préoccupés avant tout de maintenir le lien de l’unité et de la paix ” (Epître). Voilà l’Église parvenue à ce commandement principal qu’elle nous recommande sans cesse dans sa liturgie, la charité ; et pour l’imprimer profondément dans nos âmes, elle déploie sous le regard de notre esprit cette puissante unité avec ses sept aspects : 1. L’unité du corps de l’Église, 2. animé par le Saint-Esprit ; 3. la fin commune de tous les chrétiens, le ciel ; 4. l’unique Seigneur, JésusChrist ; 5. la foi commune à tous ; 6. notre incorporation commune au Christ par les mêmes sacrements (Baptême, Eucharistie) ; 7. par-dessus tout, le même Père commun qui est au ciel. Quel puissant motif de l’unité intérieure dans l’âme et de l’unité extérieure avec les hommes par l’amour du prochain ! Tout chrétien doit reproduire en sa personne un exemplaire de cette unité ; que ce soit la tâche de notre vie. Cela réalisé, nous sommes, nous chrétiens, un “ peuple bienheureux, élu de Dieu, fort ” (Grad.), un peuple dont la force est la Trinité divine. De cette vision de l’Église de la terre, une dans le Christ, il n’y a qu’un pas pour atteindre la Jérusalem céleste ; aussi l’Alleluia est-il un “ maranatha ”, le cri d’un ardent désir de la patrie lancé vers le Christ (dès lors tout le psaume 101 sera l’expression de la nostalgie de l’âme exilée). Dans l’Evangile, le Maître parle lui-même du grand commandement de l’amour de Dieu et du prochain. Mais voici le point culminant : le psaume 109, que la liturgie nous fait si souvent réciter, est interprété ici par les lèvres divines ; il fait allusion à Jésus, le Fils de Dieu, infini, éternel, consubstantiel au Père ; mais le psaume est l’image liturgique du Christ qui domine en couleurs éclatantes l’abside des vieilles basiliques. C’est l’idée liturgique qui se dégage de l’Evangile : au milieu des persécutions et de la nuit des âmes, l’Église et l’âme lèvent un regard d’ardent désir vers le Christ glorieux qui est assis à la droite du Père, jusqu’à ce qu’il ait fait de leurs ennemis vaincus l’escabeau de ses pieds. Au Saint-Sacrifice le Christ glorieux est près de nous ; aussi l’image nous accompagne-t-elle à l’Offertoire : nous contemplons le visage glorieux du Christ et nous le prions de s’incliner sur le sanctuaire et sur le peuple ; nous appelons son second avènement, mais aussi sa venue actuelle au Saint-Sacrifice, qui est une anticipation de la parousie (l’offertoire est une ardente prière “ parousiale ” de la primitive Église). La Communion, elle aussi, voit le Christ glorieux triomphant, à son retour, de tous ses ennemis (le psaume tout entier convient parfaitement bien ici). La Secrète et la Postcommunion implorent la destruction du péché. Une oreille délicate discerne donc à travers toute notre messe une pensée unique : le retour du Christ Roi : Introït : Le Juge équitable et miséricordieux ; Oraison : Le suivre ; Graduel : le Roi créateur ; Alleluia : Prière de parousie ; Evangile : A la droite du Père ; Offertoire : Fais resplendir ta face ; Communion : Le Seigneur terrible !
2. Le psaume 107. – Pour mieux comprendre l’Evangile, nous voulons envisager de plus près le célèbre Psaume :
1. LE ROI :
Le Seigneur (le Père) a dit à mon Seigneur (le Fils) : “ Assieds-toi à ma droite,
Pendant que je coucherai tes ennemis comme escabeau sous tes pieds.
Le sceptre de ta puissance, le Seigneur l’enverra de Sion (et il dit) :
Règne en maître au milieu de tes ennemis, à toi la victoire.
Au jour de ta puissance, tu attires (tout) dans ta sainte lumière ;
C’est moi qui t’ai engendré de mon sein, avant que se lève l’étoile du matin. ”
II. LE SOUVERAIN, PRÊTRE ET LE JUGE.
Il l’a juré, le Seigneur, et il ne s’en repentira pas :
“ Tu es Prêtre à jamais à la manière de Melchisédech.
Le Seigneur, à ta droite, brise les rois au jour de sa colère ;
Il exerce son jugement parmi les peuples et il entasse les cadavres,
Brise les crânes sur toute l’étendue de la terre.
Au torrent il boit sur son chemin ; après quoi, fièrement il relève la tête.
Le morceau est un psaume directement messianique, le Seigneur l’a lui-même interprété comme une prophétie le concernant. Il peint en images d’une magnifique couleur la victoire et le triomphe du Messie. Il se divise en deux strophes : la première montre le Rédempteur partageant la royauté de son Père. A la manière orientale, l’associé au trône prend place à la droite du souverain. Il exercera sa royauté dans le temps par la victoire sur les ennemis de Dieu ; au jour de la parousie, il apparaîtra dans l’éclat de sa majesté. Le fondement de cette royauté est également indiqué : c’est que le Messie a été engendré de toute éternité de l’essence même de Dieu. Dans la seconde strophe, le Messie apparaît comme Prêtre, et comme prêtre d’un sacrifice non sanglant, à la manière de Melchisédech, et il le demeure, même si une partie de l’humanité dédaigne le labeur sacerdotal du Messie. Pour terminer il est encore présenté comme Juge. Comme un vainqueur de l’antiquité, il réglera ses comptes avec ses ennemis au grand jour de la colère et du jugement. Le réalisme de l’image est puissant : il entasse cadavres sur cadavres, brise le crâne des ennemis. Bien que le psaume présente, dans le texte original et dans la traduction, plusieurs passages obscurs, il demeure très clair pour notre prière ; nous tenons notre regard fixé tour à tour sur le Messie, Roi, Prêtre et Juge.

Nous devrions méditer très souvent ce psaume et recevoir son action vivifiante ; il a une telle valeur ! Le spectacle que le psalmiste ne fait que pressentir, nous le voyons à la lumière du soleil : Nous voyons Jésus en Roi qu’il est ; combien différente est la réalisation : il ne réduit pas ses ennemis par la force à être l’escabeau de ses pieds ; sa grâce les contraint à tomber à genoux. Un saint Paul en sait quelque chose. Son sceptre, qu’il étend de Sion, est la croix ; il règne vraiment au milieu de ses ennemis. Et maintenant le psaume soulève un peu pour nous le voile de l’éternité : Nous voyons le Roi dans la splendeur de ses saints ; quel magnifique cortège ! Pourrai-je un jour être là moi aussi ? – Et maintenant je le contemple comme Pontife éternel, sur l’autel de la croix (à la fois comme prêtre et agneau du sacrifice), – puis je vois ce sacrifice renouvelé chaque jour sur l’autel, j’y tiens sa place. Je suis une étoile de son soleil, égaiement un prêtre selon l’ordre de Melchisédech. Je le vois encore sous un autre aspect, comme Juge, comme Vainqueur. L’histoire de l’Église a été vraiment un jugement du monde rendu par le Messie. Plus d’un Julien a dû finir par avouer : Galiléen, tu as vaincu ! Et pourtant ce n’est là qu’un pâle reflet du dernier “ dies irae ” – puisse-t-il ne pas m’être redoutable ! – Nous devons réciter ce psaume avec un profond sentiment d’hommage, de respect et d’adoration.