DIMANCHE DE LA QUINQUAGÉSIME

Station à Saint Pierre
     
Voici que nous montons vers Jérusalem.
    
1. Pensées du jour. — L’Église nous fait assister aujourd’hui à un drame en trois parties :
     
1er Acte. Un mystère de la Passion dans l‘Ancien Testament. — On voit apparaître le patriarche Abraham, l’homme de l’obéissance dans la foi. Le sens, le trait principal de sa vie, ce fut l’abandon complet à Dieu. Dès sa jeunesse, Dieu le retira de son pays et le conduisit dans la terre étrangère de Chanaan. Sans patrie, il devait mettre toute sa confiance en Dieu. Dieu lui promit un héritier de sa race, Abraham espéra contre toute espérance jusqu’à l’âge de cent ans. Alors Sara lui donna un fils. Cet enfant fut la joie de ses parents. L’enfant devint un jeune homme. Une nuit Dieu se présenta devant Abraham et lui ordonna d’immoler son fils de sa propre main. Abraham obéit. Sur la montagne où plus tard coula le sang des agneaux pascaux, symboles du Christ, où le Christ lui-même devait mourir, nous voyons le vieux Patriarche devant son fils Isaac lié sur l’autel. C’est un prêtre sacrificateur. La victime qu’il offre, c’est sa foi, c’est sa volonté sincère. Nous savons que Dieu fit, à son tour, un présent à Abraham. Il lui rendit son fils et, dans Isaac, lui donna son propre Fils ; il fit d’Abraham l’ancêtre du Christ. — Durant le Carême qui va commencer, nous ne pouvons pas offrir à Dieu un plus beau sacrifice que notre volonté. Le Carême doit fortifier notre volonté.
     
2e Acte. Au tombeau de saint Pierre. — L’Église nous conduit au tombeau de saint Pierre, à Rome ; c’est là que se rassemblent tous les chrétiens pour célébrer un office mondial. Là., au tombeau de l’Apôtre, nous voyons surgir devant nos yeux quelques scènes de la vie de saint Pierre. Nous sommes dans la nuit du Jeudi-Saint. Pierre se tient dans la cour du grand prêtre Caïphe ; il veut voir la fin. Il est reconnu par une servante. Il jure avec imprécation qu’il ne connaît pas cet homme. Alors le regard du Seigneur prisonnier s’arrête sur lui, le coq chante ; Pierre sort et pleure amèrement. — Une autre scène : C’est quelque temps après la Résurrection du Christ, aux bords du lac de Génésareth. Le Seigneur se tient devant Pierre et lui demande trois fois : “Pierre m’aimes-tu ? “ On connaît la réponse : “ Tu sais que je t’aime ; tu sais tout, tu sais aussi que je t’aime. “ Maintenant Pierre se tourne vers nous comme prédicateur : Je vous enseigne le grand amour de Dieu ; l’amour du Christ pour une créature pécheresse, l’amour d’un homme pour le Christ et maintenant écoutez de la bouche de mon frère Paul le cantique de l’amour.
     
3e Acte. Illumination, — Nous voyons le Seigneur dans son dernier voyage vers Jérusalem. Devant Jérusalem, il fait à ses Apôtres sa troisième prédiction de la Passion, Puis il entre dans la ville des palmes ; il descend chez le publicain Zachée, Quand il en sort, le mendiant aveugle est agenouillé sur la route ; cet aveugle crie de toutes ses forces vers la lumière pascale. Jésus le guérit et cet homme, qui voit maintenant, suit la procession vers Jérusalem, — L’aveugle, c’est moi, je dois être illuminé à Pâques. Dans le Saint-Sacrifice, nous pouvons reproduire ces trois actes, Nous donnons ce que nous avons de plus cher, notre moi, et nous recevons, en retour, ce que Dieu a de plus cher, le Christ. Nous pouvons, comme saint Pierre, expier notre infidélité et recevoir le gage du plus grand amour dans le renouvellement de la Passion. Nous voyons déjà le dénouement sanglant du drame de la Croix, la mort du Christ et sa Résurrection et nous recevons nous-mêmes la grâce de l’illumination.
     
2. La messe. — Cette messe constitue le point suprême dans la progression des trois dimanches qui doivent nous préparer au temps sacré du renouvellement : aujourd’hui nous célébrons la sainte Eucharistie sur le tombeau de saint Pierre. Nous revenons implorer le secours dans la maison de Dieu, près du rocher de Pierre ; mais ce ne sont plus des plaintes amères, ce sont des prières pleines de confiance : “ Sois mon guide et celui qui me nourrit “ — aujourd’hui et pendant les quarante jours de “ séjour dans le désert “ du Carême. Le psaume 3° nous accompagne à travers les abîmes de la Passion jusqu’au Thabor de la glorification (Pâques). — L’Epître. La troisième Épître de l’avant-Carême nous conduit au plus haut degré de la préparation du Carême : la charité. Saint Paul chante le cantique de la charité ; c’est ce qu’il y a de plus grand dans le royaume de Dieu, cette charité qui s’oublie elle-même, qui supporte tout, qui ne passe jamais. Le Graduel. L’Epître est suivie d’un chant d’action de grâces pour la Rédemption, c’est même un psaume de Résurrection. Dans l’Évangile, l’Église nous montre le Sauveur sur sa voie douloureuse, mais aussi dans la gloire de sa Résurrection : la Semaine Sainte et Pâques apparaissent devant nos yeux étonnés. Dans le Saint-Sacrifice, nous sommes, comme le mendiant aveugle, assis sur le bord de la route. Le Christ, en passant près de nous, veut nous ouvrir les yeux. A l’Offertoire, “ suivons-le en rendant grâces “. Dans l’antienne de la Communion, l’Église nous assure que, par l’Eucharistie, nos désirs du bonheur pascal seront satisfaits.
     
3. La prière des Heures. — Ce dimanche est également d’une grande beauté et d’une grande harmonie dans la prière des Heures. L’aveugle sur le chemin (Évangile) et le héros de la foi, Abraham (Matines), nous accompagnent comme modèles, le jour et la nuit. En outre, l’Apôtre des nations, saint Paul, nous fait entendre, à toutes les Heures du jour comme à la messe, le cantique de la charité.
“ C’était vraiment un grand homme qu’Abraham. Il est orné de l’éclat de nombreuses vertus, dont la grandeur n’a pu être atteinte par aucune sagesse humaine “ (Saint Ambroise dans le bréviaire d’aujourd’hui). — Aujourd’hui, l’Écriture nous parle du départ du Patriarche qui quitte sa famille incroyante et s’en va vers la “ terre promise “. Le Seigneur dit à Abraham :

“ Sors de ton pays, du lieu de ta naissance, de la maison de ton père et va dans le pays que je te montrerai. Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai et je rendrai grand ton nom qui sera une bénédiction. Et je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront et toutes les tribus de, la terre seront bénies en toi. “ (C’est là une prophétie messianique qui s’est accomplie dans le Christ). “ Abraham partit, comme le Seigneur le lui avait ordonné, et Lot s’en alla avec lui. Abraham avait 75 ans quand il sortit de Haran. Et Abraham prit sa femme Sarai et Lot, fils de son frère, ainsi que tous les biens qu’ils possédaient et ils vinrent dans la terre de Chanaan. Le Seigneur apparut à Abraham et lui dit : “ Je donnerai ce pays à ta postérité. “ Et Abraham bâtit, là, un autel au Seigneur qui lui était apparu.
   
Alors que l’office de nuit s’occupe surtout de l’Ancien Testament, d’Abraham (huit répons lui sont consacrés), l’office du jour, avec ses magnifiques et riches répons, est presque exclusivement consacré au Nouveau Testament. L’Évangile nous prend par la main et nous conduit à travers la journée. “ L’aveugle est le genre humain ; chassé, dans son premier père, du paradis de paix, il ne connaît plus l’éclat de la lumière céleste et souffre de cécité — c’est une conséquence de son bannissement “) (Saint Grégoire).
     
L’Église nous fait encore prendre part, durant le jour, au mystère de l’Évangile. Au lever du soleil, nous entendons de la bouche du Christ : “ Voici que nous montons à Jérusalem et tout ce qui a été écrit du Fils de l’Homme sera accompli. Il sera livré aux païens, moqué, maltraité, conspué, il sera flagellé et mis à mort ; mais, le troisième jour, il ressuscitera. “ C’est une antienne magnifique et qui convient tout à fait au lever du soleil. — Aux quatre stations du jour, nous sommes l’aveugle qui implore du Seigneur “ la lumière “, et, à chaque station, nous l’implorons avec plus d’instance et de ferveur. Le soir, au coucher du soleil, le drame sacré a son dénouement heureux. Le Seigneur me donne la vue, à moi l’aveugle : “ Immédiatement il put voir, et il le suivait glorifiant Dieu ” (magnificans). Nous chantons en action de grâces le magnificat, qui est aujourd’hui le chant de reconnaissance de l’aveugle guéri. Ainsi le jour forme une unité complète. La nuit appartient au symbole annonciateur : Abraham, qui est la figure de notre travail de Carême, comme il est la figure du Christ. Le jour appartient à l’accomplissement : le Christ entre dans sa Passion ; nous implorons la lumière pascale et nous la recevons d’avance.