DIMANCHE DE LA PASSION

Station à Saint Pierre
     
Le Grand Prêtre entre dans son sanctuaire.
     
L’Église déroule devant nos yeux trois images, trois images de la Passion du Seigneur : une image figurative, une image historique et une image dominant les temps.
     
a) L’Église nous ramène en arrière, au temps de l’histoire juive, environ 600 ans avant Jésus-Christ. Il y avait, sur le trône de David, des rois indignes : dans la terre promise, on adorait les idoles ; l’injustice et l’immoralité régnaient dans le pays où Dieu était Roi. Dieu suscita des prophètes qui devaient avertir le peuple et les chefs. L’un des plus grands parmi eux fut Jérémie, un homme d’une grande pureté d’intention, rempli d’amour pour Dieu, pour son peuple et sa patrie. Il voit venir le malheur prochain, l’exil ; il prêche la pénitence, mais les Juifs ne veulent pas l’écouter, ils veulent se débarrasser de l’homme importun, ils le persécutent et le tourmentent. Les avertissements étant restés sans succès, le malheur éclate : la ville et le temple sont en ruines, le roi et le peuple sont conduits en exil. Jérémie s’assied sur les ruines de Sion et chante ses lamentations. Jérémie est la figure du Messie souffrant, mais moins dans ses paroles que dans sa personne. Aujourd’hui, l’Église lit le commencement du livre (le commencement vaut pour le tout). Le Prophète Jérémie nous accompagnera pendant tout le temps de la Passion.
     
b) L’image historique nous apparaît dans l’Evangile. Le Christ est entouré des Juifs hostiles. Déjà, ils prennent des pierres pour le lapider. La mort du Christ était déjà résolue, elle est déjà accomplie dans la volonté de ses ennemis, mais son heure n’est pas encore arrivée. Le Christ se tient au milieu d’eux, plein de majesté. Qui d’entre vous peut me convaincre de péché ? “ Avant qu’Abraham fût, je suis. ”
c) L’image dominant les temps nous apparaît dans l’Épître ; c’est une grande action liturgique. Le divin grand-prêtre, revêtu de ses ornements, pénètre dans le Saint des saints du ciel avec son propre sang et opère la Rédemption éternelle. Dans ces trois images se trouve contenue et expliquée toute la liturgie de ce dimanche.
     
1. Entrée dans le temps de la Passion : “ Aujourd’hui, si vous entendez la voix du Seigneur, ne fermez pas vos cœurs. ” C’est par ces paroles de l’invitatoire que l’Église nous invite à commencer dignement le temps sacré du souvenir de la Passion de Notre-Seigneur. C’est aussi une invitation à nous unir aux souffrances et au sacrifice du Christ dans son corps mystique. — Le premier répons de Matines nous introduit solennellement dans le temps de la Passion et, en même temps, nous fait entrevoir Pâques : encore quinze jours avant la grande fête.
“Ce sont des jours que vous devez sanctifier en leur temps,
Le quatorzième jour au soir commence la Pâque du Seigneur,
Le quinzième jour vous célébrerez la grande fête pour le Seigneur Très-Haut. ”
Nous considérerons, dans le temps qui commence, le Christ, dans ses souffrances amères, comme l’Homme des douleurs ; nous pleurerons avec lui et nous compatirons à ses souffrances. Mais, en même temps, nous verrons en lui le vainqueur qui a triomphé sur le champ de bataille du Golgotha et nous serons vainqueurs avec lui ; nous verrons le Roi qui, sur le trône de la Croix, règne par ses souffrances, et nous régnerons avec lui en triomphant des souffrances de la vie ; nous considérerons le Grand-Prêtre qui entre dans le Saint des saints pour se sacrifier pour nous et nous invite à être prêtres avec lui dans l’abandon de notre vie.
      
2. La messe (Judica me). — Nous nous rendons aujourd’hui dans l’Église de Saint-Pierre, au tombeau du prince des Apôtres. Autrefois, dans la nuit du samedi au dimanche, il y avait vigile à Saint-Pierre et l’on procédait à l’ordination ; c’est ce qu’indiquent la station et le contenu de la messe. Saint Pierre est le premier vicaire du divin Grand-Prêtre. A l’Introït, nous voyons le Seigneur lutter comme au jardin des Oliviers. Il demande une décision judiciaire entre lui, d’une part, et le peuple profane des Juifs et l’homme mauvais et perfide (Judas), d’autre part. A l’Épître, nous voyons le divin Grand-Prêtre s’avancer vers l’autel de la Croix ; en versant son propre sang, il expie pour l’humanité, alors qu’il est lui-même sans péché. Le Graduel et le Trait sont les plaintes du Christ souffrant ; ces chants nous conduisent à la colonne de la flagellation (“ Ils ont labouré sur mon dos, ils ont creusé de longs sillons ”) ; ils nous conduisent à la Croix (“ Tu m’élèveras au-dessus de ceux qui se sont levés contre moi ; sauve-moi de l’homme méchant (Judas) ”). L’Évangile nous montre, de nouveau, notre Grand-Prêtre, le Christ, qui est innocent et éternel. Nous jetons encore un regard sur l’abîme de méchanceté de ses ennemis ; cependant, on voit briller la lumière de Pâques à travers la sombre scène : “Abraham s’est réjoui de voir mon jour (Pâques).” Les Juifs voulaient le lapider, mais il se cache (thème de la Passion et de Pâques). L’Offertoire est un chant de route avec la promesse de devenir sans tache, comme le divin Grand-Prêtre lui-même est innocent. L’antienne de Communion nous rappelle que l’Eucharistie est le mémorial de la mort du Christ : “ C’est le corps qui sera livré pour vous, c’est le calice du Nouveau Testament dans mon sang, dit le Seigneur. Faites ceci, toutes les fois que vous prendrez (ce sacrement), en mémoire de moi.)
     
3. La prière des Heures. — Dans la lecture de l’Écriture, se dresse devant nous le Prophète Jérémie qui est la figure du Christ souffrant. Dans le premier chapitre, nous entendons parler de sa vocation de prophète. Ce chapitre n’a pas de rapport immédiat avec le Christ, mais le commencement vaut pour l’ensemble. Cependant on peut voir, dans le passage suivant, l’introduction de l’histoire de la Passion : “ Et toi, ceins tes reins, lève-toi et dis-leur ce que je t’ordonnerai ; car je te donnerai la force, afin que tu n’aies pas à craindre devant eux. Je t’établis aujourd’hui comme une ville forte, comme une colonne de fer et une muraille d’airain devant tout le pays, devant les rois de Juda, devant ses princes, devant les prêtres et le peuple du pays. Ils te feront la guerre, mais ils ne pourront pas t’abattre, car je suis avec toi, dit le Seigneur, pour te délivrer. ”
     
Nous entendons, en outre, deux sermons des deux grands papes et docteurs de l’Église, saint Léon 1er et saint Grégoire 1er. Ces deux discours sont d’autant plus importants qu’ils furent prononcés, tous les deux, à Saint-Pierre de Rome, pendant l’office liturgique de ce jour, l’un vers 450, l’autre vers 600. Nous ne donnerons qu’un extrait de chacun d’eux. “ Parmi toutes les solennités chrétiennes, nous savons que le mystère pascal est la principale. Pour nous préparer à recevoir dignement et convenablement ce mystère, les institutions de tout le temps (liturgique) travaillent à notre réforme. Mais les jours présents réclament particulièrement notre dévotion, car, nous le savons, ils sont en relation immédiate avec le plus sublime mystère de la divine miséricorde. Dans ces jours, les Apôtres, inspirés par le Saint-Esprit, ont, à juste titre, ordonné un jeûne plus sévère, afin que, par notre participation commune à la Croix du Christ, nous fassions un peu de ce qu’il a fait pour nous, comme le dit l’Apôtre : Si nous souffrons avec lui, nous serons glorifiés avec lui ” (Saint Léon).
     
“ Examinez, très chers frères, la mansuétude de Dieu. Il était venu pour enlever les péchés et il disait : Qui de vous me convaincra de péché ? Il ne dédaigne pas de montrer, par la raison, qu’il n’est pas pécheur, lui qui, par la force de la divinité, pouvait justifier les pécheurs. Mais ce qu’il ajoute est terrible : Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; aussi vous ne l’entendez pas, parce que vous n’êtes pas de Dieu... Que chacun se demande s’il entend les paroles de Dieu avec l’oreille du cœur et il saura s’il est de Dieu... ” (Saint Grégoire).
     
Pendant le jour, nous devons porter constamment, dans notre cœur, l’image et les paroles de l’Évangile. Dès le lever du soleil, nous chantons les paroles du Seigneur : “ Celui qui est de Dieu entend la parole de Dieu, vous ne l’entendez pas parce que vous n’êtes pas de Dieu. ” C’est une parole effrayante au début de la journée. Nous entrons immédiatement dans le combat du Seigneur contre les ténèbres. A chaque Heure du jour, nous chantons une autre parole du Seigneur : “ Je n’ai pas de démon, mais j’honore mon Père. ” (Prime). “ Je ne cherche pas ma gloire, il y a quelqu’un qui la cherche et qui est juge ” (Tierce). “ En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui garde ma parole ne goûtera jamais la mort” (Sexte). Vers la fin du jour, nous chantons le tragique dénouement de la journée : “ Les Juifs ramassèrent des pierres pour les lui jeter ; mais Jésus se cacha et sortit du temple” (None). A Vêpres, s’ouvre une joyeuse perspective sur Pâques : “ Abraham, votre père, a tressailli de joie de ce qu’il devait voir mon jour ; il l’a vu et il s’est réjoui. ”