DIMANCHE DANS L’OCTAVE DE NOEL - (Semi double)

Le Roi jette un regard vers la Croix

Ce dimanche n’est réellement célébré que lorsque l’une des trois fêtes qui suivent Noël ne tombe pas ces jours-là Dans ce cas, on célèbre la fête et le dimanche est renvoyé à un jour libre de la semaine. 

La messe du dimanche constitue un progrès dans l’évolution de la fête de Noël. On peut caractériser brièvement ce progrès en ces mots : de la Crèche à la Croix. 

1. La messe (Dum medium). — Dans cette messe particulièrement impressionnante on peut distinguer trois thèmes : 1. Noël, 2. la Passion, 3. Pâques. L’Introït nous transporte de nouveau à la nuit sainte. Nous voyons le divin Enfant dans sa crèche, mais nous voyons aussi le Roi du ciel descendre de son trône. Le psaume de résurrection, le psaume 92, retentit à travers toute la messe (nous l’avons déjà rencontré à Laudes). Il nous dit qui est l’Enfant de Bethléem et de la Crèche. C’est le Roi du monde revêtu des insignes du Créateur, mais c’est aussi le vainqueur du déluge de l’enfer, le Sauveur. Considérons le symbolisme de l’entrée du prêtre. L’évêque, dans ses habits pontificaux, ou le prêtre célébrant, est aujourd’hui l’image du Roi qui vient sur la terre. L’Oraison est d’un sens tout pratique, elle demande que nous soyons ; riches en bonnes œuvres. L’Épître fait la liaison entre Noël et Pâques : c’est là surtout que se : trouve la signification profonde de la messe : “ Dieu a envoyé son Fils né de la femme..., afin qu’il nous rachète et que nous devenions enfants d’adoption. ” Nous sommes de libres enfants de Dieu ; tout le bonheur pascal est devant nos regards ; dans le Fils de Dieu qui vient de naître nous avons été fait enfants et héritiers de Dieu. Les chants intermédiaires (Grad. Allél.) nous montrent encore le charmant diptyque : le Saint-Enfant — le Roi vainqueur ; Noël et Pâques. L’Évangile nous surprend. Il nous transporte quarante jours après la naissance, dans le temple de Jérusalem, et nous sommes témoins d’une scène saisissante. La Vierge tient l’Enfant Jésus dans ses bras, le vieillard Siméon prédit à l’Enfant et à sa Mère la Croix et la souffrance : “ Celui-ci a été établi pour la chute et la résurrection de plusieurs... et pour un signe de contradiction. Ton âme sera percée d’un glaive… ” Ces paroles ont un accent aigu dans la joie de Noël. Le petit Enfant sera bientôt l’Homme de douleurs, l’heureuse Vierge sa Mère, presque une enfant elle aussi, sera la Mère de douleurs. Le divin héros sera vainqueur des éléments déchaînés, mais comme un nouveau Samson, il sera enseveli sous les ruines de l’édifice qu’il aura renversé. A l’Offertoire, nous reconnaissons de nouveau que la Crèche et le Trône sont notre autel, sur lequel nous attendons, au Saint-Sacrifice, l’Enfant divin, le Roi et le Crucifié. L’Antienne de la Communion (et cela nous montre que cette messe appartient au dimanche après la Circoncision) nous conduit au terme de la petite enfance du Seigneur. C’est un rappel, de l’exil, dans la patrie — pour Jésus et pour nous. Nous pouvons résumer ainsi cette messe impressionnante : Crèche, Croix, Autel. 

2. L’Introït. 
Pendant que le silence enveloppait la terre
Et que la nuit tenait le milieu de son cours,
Ton Verbe tout-puissant voulut descendre, Ô Père,
De son trône royal et partager nos jours. 
Ce chant merveilleux nous fait demeurer un instant : plongés dans une sainte méditation, au pied de la Crèche. Un véritable Introït doit nous mettre dans l’esprit du jour, il doit être comme une goutte de rosée qui, dès notre réveil, tombe sur notre âme, il doit être la première parole du matin et résonner tout le jour comme la voix lointaine d’une cloche. C’est le cas de l’Introït d’aujourd’hui. Nous nous tenons dans la nuit sainte au pied de la Crèche. Tous les bruits se sont tus, on dirait que l’humanité retient son souffle. Alors nous voyons le Fils de Dieu descendre de son trône. Ce n’est pas le petit Enfant que nous voyons, mais le “ Verbe tout Puissant ” descendant de son trône, changeant son trône avec la Crèche. 

“ Pendant que le silence enveloppait la terre. ” C’est dans le silence solennel qu’on approche de Dieu. Dans la bruyante Jérusalem, dans le palais sonore d’Hérode, le berceau d’or reste vide ; dans le silence de la paisible Bethléem, au milieu de Marie et de Joseph silencieux, Dieu descend. Le silence est la clôture de notre âme. Pour que Dieu vienne dans notre cœur, il faut qu’un profond silence enveloppe ce cœur. Silence dans notre intelligence rebelle, silence soumis dans notre volonté, silence dans le monde de nos passions. “ Et que la nuit tenait le milieu de son cours. ” Il était minuit quand le Fils de Dieu descendit sur la terre. Dieu ne fait rien au hasard. Dieu vient volontiers dans le silence de la nuit. Les grands événements du salut se sont accomplis dans l’obscurité. Déjà la délivrance des Juifs de la servitude de l’Égypte, symbole de notre délivrance par le Christ, s’accomplit pendant la nuit ; l’institution de l’Eucharistie se fit dans l’obscurité de la nuit ; sans doute le Christ mourut sur la Croix en plein jour, mais le soleil s’obscurcit. Les premiers chrétiens employèrent précisément la nuit pour vaquer à la Prière et à la célébration des saints mystères. Le silence et la nuit sont donc le manteau sombre dont Dieu aime à se revêtir pour venir à nous par la grâce. C’est aussi dans le silence d’une nuit sombre que le “ Verbe ” du Père, la seconde Personne de la Sainte Trinité, descendit de son trône royal semé d’étoiles sur notre pauvre terre. 

Le Christ voulait gravir d’autres trônes. Je compte six trônes. L’Introït nous parle du premier de ces trônes. Sur ce trône, le seconde Personne de la Sainte Trinité est assise de toute éternité ; sur ce trône, elle prend part à la Création et au gouvernement du monde ; c’est là que fut décidée l’œuvre de la Rédemption. Le second trône fut la pauvre Crèche. La paille nue, les langes misérables, le vent glacial sont les premiers messagers que l’humanité envoya au Sauveur pour le recevoir. Pourtant il veut échanger ce trône avec un autre plus dur encore, la Croix. Dans l’Évangile du jour, le vieillard Siméon nous fait entrevoir ce trône “ celui-ci est établi pour être un signe de contradiction. ” Ce trône, le Christ l’a ardemment désiré, car c’est de “ trône qu’il veut tout tirer à lui. Le quatrième trône est le trône du ciel sur lequel il prend place avec son humanité sainte, en récompense de son dur labeur ode Rédemption. Sur la terre il a encore un trône précieux, c’est l’autel. Il y descend à chaque messe. Il trouve ses délices à demeurer parmi les enfants des hommes. C’est œ trône que chante aussi l’Offertoire d’aujourd’hui ; c’est de ce trône qu’il répand ses grâces. Le sixième trône est notre cœur. Que serviraient le trône de la Crèche et le trône de la Croix, si le Christ ne -pouvait régner dans notre cœur ? C’est pour cela qu’il se voile dans le mystère de l’Eucharistie, c’est pour cela qu’il veut être notre nourriture. Veillons à ce que ce trône soit toujours prêt pour le recevoir. Puisse le chant de l’Offertoire s’appliquer toujours à nous : “ Préparé est ton trône, Seigneur ! ”