DEUXIÈME DIMANCHE DE L’AVENT

Station à Sainte Croix de Jérusalem
     
Dimanche dernier nous entendions mainte parole de pénitence et d’avertissement, nous entendions le grondement du tonnerre annonçant le retour du Seigneur pour juger le monde. Aujourd’hui nous entendons seulement des messages joyeux. Nous pouvons les résumer dans cette parole : voici venir le royaume de Dieu. Nous savons déjà ce qu’il faut entendre par ce mot. Le royaume de Dieu a sa manifestation extérieure dans l’Église, l’Épouse du Christ ; dans nos âmes, c’est la vie divine ; du point de vue du Christ, c’est son corps mystique. C’est ce royaume de Dieu que veut instaurer le Seigneur qui va venir. Aujourd’hui nous devons apprendre de nouveau à apprécier le grand bonheur de faire partie du royaume de Dieu. Ce dimanche est une fête du royaume de Dieu. La liturgie nous le montre d’abord dans le symbole de Jérusalem.
     
1. Jérusalem. — Aujourd’hui, l’Église occidentale se rend à la messe à “ Jérusalem ”. L’église de station, “ Sainte-Croix de Jérusalem ” était considérée par les chrétiens de Rome comme leur Jérusalem.
     
Que signifie pour nous Jérusalem ? Dans les fouilles des cités antiques, il n’est pas rare de découvrir un certain nombre de couches superposées. La ville a été détruite par la main des ennemis et sur ses fondements on en a bâti une nouvelle ; aujourd’hui les fouilles font apparaître ces couches différentes, on trouve pour ainsi dire des villes superposées. Notre Jérusalem présente trois ou même quatre de ces couches.
     
Nous voyons d’abord apparaître la Jérusalem du pays de Judée, cette ville vénérable où le Seigneur Jésus a commencé sa mission de Rédempteur, où il a souffert, où il est mort. C’est la Jérusalem juive pour laquelle nous devons avoir un grand respect. Celui qui a le bonheur de faire un pèlerinage en Terre Sainte pénétrera avec un frisson dans cette ville.
     
Pourtant cette Jérusalem est périmée. Sur ces fondements, une autre Jérusalem s’est bâtie : la Jérusalem des chrétiens qui est le royaume de Dieu sur la terre, la sainte Église. Cette Jérusalem est toujours debout, c’est elle que le divin Roi doit visiter à Noël. Nous comprenons maintenant pourquoi, dans cette semaine, on nous parlera tant de Jérusalem. Nous devons commencer dès maintenant nos préparatifs pour la visite du grand Roi. Nous devons orner cette Jérusalem et lui donner sa parure de fête. Nous devons mettre en état les chemins et les rues pour que le Sauveur puisse venir. Maintenant aussi, nous comprenons la parole du Précurseur : “ Préparez les voies du Seigneur, rendez droits ses sentiers, toute vallée sera comblée et toute montagne sera abaissée ”. Quel message nous apporte donc, aujourd’hui, notre sainte Mère l’Église ? Le Seigneur vient dans la Jérusalem des chrétiens, dans l’Église.
     
Mais cette ville a encore un troisième étage. Au-dessus de la seconde Jérusalem s’en élèvera une troisième, la Jérusalem céleste, quand les temps seront accomplis.
     
L’Église pense déjà à cette Jérusalem dans ses chants. Dans l’Avent nous attendons aussi le Sauveur qui doit venir au dernier jour pour nous introduire tous dans la Jérusalem céleste.
     
Enfin nous pouvons découvrir une quatrième Jérusalem, c’est notre âme. Le Roi veut aussi faire son entrée dans cette Jérusalem et c’est cette Jérusalem qu’il nous importe spécialement d’orner et de préparer — cela aussi est une tâche de l’Avent.
     
Au point culminant du Cycle de Noël, à l’Épiphanie, l’Église nous annoncera le message de joie : “ Illumine-toi Jérusalem, car la gloire du Seigneur s’est levée sur toi. ” C’est là le but. Aujourd’hui, pour recevoir la visite du grand Roi, nous devons faire des préparatifs dans Jérusalem. C’est la tâche de cette semaine. L’Église dit dans son oraison : “ Éveille nos cœurs pour préparer les voies à ton Fils unique, afin que nous puissions le servir avec un cœur purifié ”. Nous devons préparer cette Jérusalem en lui donnant les ornements des jours de fête, nous devons construire des routes afin que l’Époux puisse venir. Au temps de l’empire romain, les empereurs aimaient à se rendre de ville en ville et à les visiter, on appelait ces visites : épiphanie ou parousie. C’était pour les villes honorées de cette visite un événement capital ; des mois entiers, on faisait des préparatifs, on construisait des rues... Faisons de même dans la Jérusalem de notre âme. Dans l’antienne de la Communion, nous nous tenons au haut du poste d’observation et nous voyons de loin venir le Seigneur. A l’Évangile a paru le Précurseur, saint Jean, il va se hâter vers la ville de Jérusalem pour annoncer la visite du Roi.
     
Dans la prière des Heures on chante de nombreux cantiques en l’honneur de cette Jérusalem :
“ Voici que le Seigneur vient et tous ses saints avec lui
Et il se lèvera dans ces jours une grande lumière
Et ils sortiront de Jérusalem comme une eau pure
Et le Seigneur régnera dans l’éternité sur tous les peuples ;
Voici que le Seigneur va venir avec force et il a dans sa main la royauté, la puissance et l’empire ” (Répons).
“ Jérusalem, tu planteras une vigne sur tes montagnes
Et tu tressailliras de joie parce que le jour du Seigneur vient ;
Lève-toi, Jérusalem, retourne-toi vers le Seigneur ton Dieu ;
Réjouis-toi et exulte, Jacob,
Car du milieu des Gentils viendra ton Sauveur ;
Tressaille de joie, fille de Sion, jubile, fille de Jérusalem ” (Répons).
Les chants de la messe, aujourd’hui, sont entièrement consacrés à Jérusalem : “ Peuple de Sion, le Seigneur va venir pour sauver les Gentils. Le Seigneur fait entendre sa voix pour la joie de votre cœur (Intr.). “ De Sion resplendit l’éclat de Sa gloire : Dieu va venir, d’une manière visible. Rassemblez autour de lui ses saints qui ont conclu avec lui l’alliance du sacrifice ” (Grad.). “ Jérusalem lève-toi et monte à l’observatoire et vois la douceur qui va te venir de ton Dieu ” (Comm.). Sion, ville de notre force, le Sauveur est en toi comme un mur et un avant-mur : ouvre largement tes portes car Dieu est avec nous, Alleluia ” (Ant. laudes).
     
Ces cantiques de Sion nous suffiront pour aujourd’hui. Mais la liturgie nous montre encore le royaume de Dieu en d’autres symboles.
     
2. Le nouveau Paradis terrestre. — Le Prophète nous décrit le royaume de Dieu comme un royaume de paix, un nouveau paradis terrestre (XI, 1-16).
“ Il sortira un rameau de la racine de Jessé
Et une fleur croîtra de sa racine
Et l’Esprit du Seigneur reposera sur lui,
L’EsprIt de sagesse et d’Intelligence,
L’Esprit de conseil et de force,
L’Esprit de science et de piété
Et l’Esprit de la crainte du Seigneur Le remplira.
Il ne jugera pas d’après ce qui paraît aux yeux,
Il ne se prononcera pas d’après ce qu’entendent les oreilles,
Mais Il jugera les pauvres selon la justice
Et, pour les petits de la terre, Il décidera en équité.
Il frappera le méchant de la verge de Sa bouche
Et du souffle de Ses lèvres, Il tuera l’impie.
La justice sera la ceinture de Ses flancs
Et la vérité la sangle de Ses reins. ”
De qui parle le Prophète ? Quel est ce rameau qui sort d’une racine et produit une fleur charmante ? La racine est le roi David, fils d’Isaï ou Jessé. De David descend Marie ; c’est le rameau verdoyant et la fleur est Jésus-Christ notre Rédempteur. Le Prophète voit ensuite le Messie rempli des sept dons du Saint-Esprit. Ces sept dons du Saint-Esprit, nous les avons reçus nous-mêmes dans le sacrement de Confirmation. Devant les yeux du Prophète, la figure du Messie grandit. Ce n’est plus seulement la fleur du rameau de Jessé. C’est un Roi puissant père et protecteur des pauvres. C’est aussi un juge équitable des bons et des méchants. Le Prophète nous parle ensuite de son royaume qui est la sainte Église.
“ Alors le loup habitera avec l’agneau,
Avec le chevreau se couchera la panthère
Et le veau et le lionceau mangeront ensemble
Et un petit garçon les mènera.
Et la vache et l’ourse paîtront ensemble
Et leurs petits auront le même gîte
Et le lion mangera de la paille comme le bœuf
Et le nourrisson jouera devant le trou de la vipère
Et l’enfant qui vient d’être sevré mettra sa main sur la caverne du basilic
Et il arrivera en ce jour-là
Que le rejeton de Jessé sera un signe de ralliement pour les peuples ;
Les nations le rechercheront
Et son sépulcre sera glorieux. ”
Voilà encore une belle prophétie. Au Paradis terrestre, toutes les bêtes étaient apprivoisées. La même chose doit se produire dans le nouvel Eden du royaume de Dieu. Assurément il faut savoir comprendre cette prophétie. Extérieurement, la terre demeure une vallée de larmes et les bêtes sauvages ne sont pas apprivoisées. Mais la prophétie est symbolique. Le Paradis terrestre sera dans les cœurs, dans les âmes des enfants de Dieu. Le prophète songe à la paix du Christ “ que le monde ne peut donner ”, à cette paix “ qui surpasse tout sentiment ” et que les anges chanteront au moment de la naissance du Christ dans les plaines de Bethléem.
     
3. Concorde et amour. — Saint Paul lui aussi va nous apporter un joyeux message du royaume de Dieu. Dès l’Introït de la messe, l’Église a chanté : “ Peuple de Sion, le Seigneur va venir pour sauver les Gentils. ” C’est là le message de l’Apôtre des Gentils. Il montre dans l’Épître que le Christ est venu pour les deux parties de l’humanité séparées jusqu’ici : les Juifs et les Gentils. Dieu manifesta sa fidélité en faisant naître le Christ dans le peuple juif “ afin d’accomplir les promesses faites à nos pères ”. Quant aux Gentils qui n’ont reçu aucune promesse “ ils louent Dieu à cause de sa miséricorde ”. Saint Paul s’arrête à cette pensée et cite une série de textes de l’Écriture qui montrent comment Dieu a témoigné sa miséricorde aux Gentils dans le Christ. Pour nous, les descendants des païens, ces paroles ont de l’importance : nous apprécierons le bonheur de notre vocation. Mais c’est à tous que saint Paul prêche la concorde et l’amour. Dans la nouvelle Jérusalem, nous sommes tous unis et nous ne formons qu’un seul peuple.
     
4. Le Sauveur. — C’est tout d’abord l’Église qui parle de Jérusalem, ensuite le Prophète nous annonce le royaume de Dieu qui va venir, saint Paul nous parle de la réconciliation des peuples. C’est maintenant le : Christ lui-même qui va nous parler dans l’Évangile : “ Allez et rapportez à Jean ce que vous avez entendu et vu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés et bienheureux celui qui n’aura pas été scandalisé à mon sujet. ” Là encore, il nous faut bien comprendre ce que le divin Maître dit. Dans le royaume de Dieu, tous ces miracles se produisent chaque jour, à chaque heure. Dans ce royaume le Seigneur est continuellement le grand médecin : Il guérit les aveugles qui ne voient pas les réalités célestes. Il fait marcher les boiteux vers l’éternité. Il purifie les lépreux de la lèpre du péché ; c’est lui qui ressuscite les morts. Dans ce peu de mots, le Sauveur nous a décrit d’une manière précise son royaume divin. Cependant, dans l’Évangile, il veut nous faire entendre quelque chose encore : Il nous présente son Précurseur comme modèle de notre attente pendant l’Avent, comme modèle pour tous ceux qui cherchent Dieu. Il nous le présente en même temps comme notre guide pendant l’Avent.
      
Nous avons entendu aujourd’hui des vérités importantes sur le royaume de Dieu et c’est ce divin royaume que nous apporte le Seigneur qui va venir.