Ramassez l’ivraie pour la brûler, portez le bon grain dans
mon grenier
Ce dimanche, célébré à la fin de l’année liturgique,
présente dans son Evangile de très belles pensées. Que signifiait l’Evangile
de l’ivraie dans le temps après l’Épiphanie ? L’interprétation de la
parabole se divise en trois parties : 1. Les semailles du froment et de
l’ivraie ; 2. La conduite du maître envers l’ivraie pendant la
croissance ; 3. La récolte ou moisson. Au temps de l’Épiphanie, c’est
plutôt la seconde partie que nous considérions. Nous voyions le Christ, en Juge
et Roi sage et patient, laisser croître et mûrir la bonne et la mauvaise
semence. Mais, maintenant, à l’automne liturgique où nous avons les yeux fixés
sur la fin de la vie et du monde, le Seigneur nous montre le ciel et
l’enfer. L’Église soulève aujourd’hui le voile de l’audelà ; elle nous
fait jeter un regard dans l’abîme fumant de l’enfer, et aussi lever les yeux
vers les bienheureux dans le ciel. En outre, l’Église nous apprend à comprendre
le mystère du mal ; car, justement dans les derniers temps, à la fin du
monde, le mal relèvera encore une fois la tête. Enfin nous pensons que,
aujourd’hui aussi, à la messe, le Christ veut jeter dans nos âmes la bonne
semence, le froment divin ; celui-ci doit croître dans une vie bien
chrétienne (pensée de Pâques).
1. Pensées du Dimanche. — Les
chants psalmodiques sont du XXIIIe dimanche après la
Pentecôte ; ils nous sont donc déjà connus. Quiconque aime approfondir ces
morceaux les entend résonner de tous les thèmes de l’automne liturgique (depuis
la crainte et le pèlerinage terrestre jusqu’à la nostalgie et au désir du
ciel). Les lectures nous montrent deux images de l’Église qui s’opposent, l’une
gracieuse, l’autre sévère, une image idéale et une image réaliste. Dans l’Épître,
saint Paul nous décrit l’idéal de la vie chrétienne. C’est une communauté de
saints que pare toute une couronne de vertus ; la charité y commande en
reine, à sa suite marche la paix du Christ. L’Apôtre nous fait jeter un regard
sur la vie cultuelle et sur la vie privée. La parole de Dieu règne dans toute
sa richesse au sein de cette communauté ; nous l’entendons chanter des
psaumes et des cantiques spirituels ; mais, en leur particulier, ses
membres vivant en toutes choses au nom de Jésus. L’Evangile nous montre
une image toute différente : nous voyons encore une communauté de
chrétiens, mais là avec des faiblesses humaines, des péchés, ainsi que de
graves scandales, de la tiédeur, de l’indifférence, de la jalousie chez les
chrétiens ; nous en éprouvons de la peine. Toutefois le Sauveur nous aide
à résoudre }e problème du mal dans l’Église et dans les âmes.
Programme de la semaine : En ce qui nous concerne,
efforçons-nous de réaliser parfaitement en nous et autour de nous l’image
idéale ; en ce qui concerne les autres, essayons d’imiter la patience de
Dieu à l’égard du mal et à ne pas nous en scandaliser ; mais pensons aussi
à l’enfer.
2. La Messe (Dicit Dominus). —
L’Église et l’âme attendent “ le jour du Christ ”. Déjà nous entendons
l’amicale invitation du Roi clément, déjà nous voyons les exilés se rendre dans
la patrie (Intr.). ; l’Oraison implore protection pour les derniers
jours : “ Garde ta famille ; elle n’a d’autre appui que la grâce
céleste. ” Maintenant l’Église nous met au cœur deux enseignements : a)
La fin est proche ; c’est maintenant qu’il faut atteindre
l’idéal ; vivons donc comme si le jour du Christ devait venir demain.
Menons, dans la perspective du retour, une vie chrétienne idéale ; “
revêts-toi, pour recevoir le grand Roi, du vêtement de la miséricorde, de la
bonté, de l’humilité, de la modestie, de la patience ” b) Il y a un
enfer et un ciel ; l’ivraie est brûlée, le bon grain va dans les greniers
célestes. C’est une image saisissante du jugement dernier que le Sauveur
esquisse ici : Là, les gerbes embrasées des malheureux damnés éclairent
les profondeurs de la nuit de leurs abominables flammes rouges et les
remplissent de leurs inutiles cris de désespoir ; mais, là-haut, brillant
comme de magnifiques soleils à l’heure du coucher, les bienheureux franchissent
la porte ouverte de l’éternel royaume. Les pensées de la parabole peuvent nous
inspirer de réciter les versets suppliants du De profundis (Off., Allel.). Combien
d’ivraie dans mon âme ! Puisse l’actuel sacrifice de “ la réconciliation ”
écarter l’ivraie et relever nos “ cœurs chancelants ” (Secr.). L’Eucharistie
est le “ gage du salut ” ; reportons-nous à l’Evangile : dès
aujourd’hui, le Divin Moissonneur place nos gerbes mûres dans les greniers
célestes (Postc.).