CINQUIÈME DIMANCHE APRÈS LA PENTECOTE

Réconcilie-toi d’abord avec ton frère, puis viens offrir ton présent.
              
Ce dimanche, lui aussi, se distingue beaucoup de ceux qui l’ont précédé. Nous savons gré à notre Mère l’Église de nous offrir de la variété dans la célébration de l’office divin. Dans les derniers dimanches, elle nous a présenté des images du Sauveur. Elle nous a montré d’abord l’hôte bienveillant qui nous invite à son banquet, puis le Bon Pasteur qui charge sa brebis sur ses épaules et la porte au bercail céleste, et enfin le divin pêcheur d’hommes qui recueille ses poissons dans le filet et la barque de l’Église. Aujourd’hui, l’Église ne nous offre pas d’image, mais elle nous donne un enseignement, et un enseignement très important, que nous devons graver profondément au fond de notre cœur : l’enseignement de l’amour du prochain. Quel est l’idéal que l’Église a devant les yeux ? Une communauté unie dans la charité et dans le Christ. Disons plutôt une famille de chrétiens unie intimement au Christ par la grâce, et dont tous les membres sont unis entre eux par une véritable charité. Et cette famille est justement réunie pour assister au sacrifice de la messe qu’elle offre avec le prêtre.
                
1. La messe (Inclina Domine). — Commençons par l’Epître. C’est saint Pierre qui nous parle. Que nous prêche-t-il ? La charité. Songeons bien que la famille chrétienne est rassemblée à la messe ; nous sommes présents et. nous entendons de la bouche de saint Pierre, ou de l’Église, les paroles suivantes : “ Soyez tous unanimes dans la prière, compatissants, animés de sentiments fraternels, miséricordieux, modestes, humbles. Ne rendez pas le mal pour le mal, ni injure pour injure ; ayez, au contraire, des paroles de bénédiction parce que vous avez été appelés pour recevoir l’héritage de bénédiction ”. Réfléchissons à ces simples paroles. Que nous demande l’Église ? Que nous formions une unité. Unité dans la prière, unité dans la charité, unité dans la grâce. Nous avons un Père au ciel ; le Christ est notre Médiateur et en même temps notre Chef, mais aussi notre frère aîné. Pour nous, nous sommes tous frères et sœurs. Et maintenant, la messe, qui est le principal office religieux des chrétiens, nous prions ensemble notre Père. Ce n’est pas la prière de chacun pour soi ; nous prions tous en commun. Mais si nous voulons prier dans l’union, nous devons aussi vivre dans l’union. Ce doit être comme dans une famille unie : quand l’un est malade, tous souffrent. Telle doit être notre vie entre chrétiens. Nous devons avoir les uns pour les autres des sentiments fraternels. Nous sommes frères et sœurs parce que nous le sommes devenus dans le Christ par le baptême. Nous avons une parenté de sang, au sens le plus élevé, car nous participons au sang divin et à la vie divine. Nous devons donc nous supporter mutuellement, nous pardonner, nous montrer volontiers indulgents et humbles. Lisons encore la dernière phrase de l’Épître : “ Conservez le Seigneur, le Christ saint, dans votre Cœur ”. Nous avons ici la seconde union. La première était l’union mutuelle par la charité ; la seconde est l’union avec le Christ. Depuis le baptême, nous avons “ revêtu le Christ ”, comme s’exprime l’Apôtre. De même qu’un habit fait corps avec nous, de même nous sommes intimement unis avec le Christ. Les leçons de l’Épître pourraient réformer toute notre vie sociale. — L’Évangile est encore plus profond. Le Christ est pour nous le grand docteur de la charité et prononce des paroles graves. La haine fraternelle est considérée, dans son royaume, comme un meurtre, et le Père ne reçoit ni don, ni prière, ni offrande de notre main, si nous sommes les ennemis de nos frères. — L’oraison nous donne un beau résumé des deux lectures. “ O Dieu qui as préparé des biens invisibles à ceux qui t’aiment, répands dans nos cœurs le sentiment de ton amour afin que, t’aimant en tout et par-dessus tout, nous obtenions l’effet de tes promesses qui surpassent tout désir ”. Oui, aimer Dieu en tout et par-dessus tout, c’est ce qu’il y a de plus important.
              
Considérons aussi la belle progression des cinq chants psalmodiques. Dans l’Introït, l’âme oppressée s’approche du sanctuaire ; elle fait entendre un appel ardent : “ ne m’abandonne pas ”. Puis vient le cri de confiance du psaume 26 envers le Seigneur qui est notre “ grande lumière ”. Dans le Graduel, nous sommes déjà à l’abri ; le Seigneur est notre protecteur, nous sommes ses esclaves. Le verset de l’Alleluia nous fait songer au retour du Seigneur. A l’Offertoire, quand nous nous approchons de l’autel qui est le trône du divin Roi, nous remercions le Seigneur. (Le psaume récité dans son entier parle des “ voies de vie ”). A la Communion, nous chantons de nouveau le psaume de la confiance. Mais nous insistons moins sur la demande. Nous nous écrions, pour ainsi dire, comme Pierre : il fait bon être ici ; nous voudrions comme lui fixer cet heureux instant : “ Je ne demande qu’une chose au Seigneur, c’est de demeurer dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ”. La sainte communion nous fait atteindre le but que nous avons recherché pendant toute la messe : l’union avec le Christ et avec les chrétiens.
               
2. Le baiser de paix à la messe. — Les paroles de l’Évangile : “ Réconcilie-toi d’abord avec ton frère, puis offre ton sacrifice” ont amené dans les cérémonies de la messe un très bel usage qui malheureusement est tombé en désuétude chez nous : le baiser de paix. Les premiers chrétiens (comme cela se fait encore aujourd’hui dans l’Église grecque) échangeaient le baiser de paix avant l’offrande. Tous le faisaient : les prêtres entre eux, les hommes entre eux et les femmes entre elles. Ils prenaient à la lettre l’ordre du Seigneur. Avant d’aller porter leur offrande à l’autel, ils voulaient exprimer par ce baiser qu’ils voulaient vivre en paix avec tous les hommes, qu’ils n’avaient de “ colère contre aucun frère !). Ils embrassaient donc leurs voisins dans la maison de Dieu. Dans l’Église romaine, le baiser de paix a été transporté avant la communion. Les textes de la messe préparent déjà au baiser de paix : “ Agneau de Dieu qui enlèves les péchés du monde — donne-nous la paix !). (Dona nobis pacem). L’oraison de la paix demande : “ Daigne, selon ta volonté, donner (à ton Église) la paix et l’union ”. Comme, il est beau et pieux, ce baiser de paix avant le banquet de l’Agneau de Dieu qui, par sa mort, a voulu nous apporter la paix ! “ Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix ”, a-t-il dit. Cependant ce baiser de paix ne signifie pas seulement l’amour fraternel, il montre aussi notre union avec le Christ. Observons de près. Le prêtre baise d’abord l’autel, puis il donne le baiser de paix au diacre qui le transmet. Que signifie le baiser de l’autel ?
                   
L’autel est le Christ lui-même. C’est donc du Christ que vient le baiser qui se transmet. Par conséquent, le baiser que nous donnons à nos frères est en même temps le baiser du Christ. Tous les chrétiens sont unis fraternellement dans le Christ. Tel est le sens du baiser de paix.