Dans le Missel, comme dans le Bréviaire, outre le Proprium
de tempore, c’est-à-dire les temps et les fêtes de l’année liturgique, et le
Proprium Sanctorum, c’est-à-dire les fêtes des saints, il y a encore une autre
partie intitulée : Commune Sanctorum, en français : le Commun des
Saints. Les saints y sont répartis en groupes d’après leur condition et leur
sexe. Ce sont les Apôtres, les Martyrs (ici nous trouvons trois
sous-groupes : un Martyr, plusieurs Martyrs, les Martyrs au temps pascal),
les Confesseurs Pontifes, les Abbés, les Confesseurs (Docteur de l’Église), les
Vierges et les saintes femmes. Pour terminer, il y a encore le Commun de la
Dédicace d’une église et le Commun de la Sainte Vierge. Comme les fêtes des
saints empruntent la plupart du temps leur office au Commun, l’ami de la
liturgie doit nécessairement pénétrer le sens profond du Commun et en étudier
les différentes formules.
La répartition des saints en divers groupes d’après leur
condition est un usage ancien dans la liturgie. Ainsi nous avons de)à dans le Te
Deum, qui au moins dans sa première partie est très ancien, l’indication
d’une classification de ce genre : “ Le chœur glorieux des Apôtres chante
ta grandeur ; tous les Prophètes réunis, dignes eux-mêmes de louanges, te
louent ; la cohorte immaculée des Martyrs te célèbre” (le cantique remonte
à une époque où aucun Confesseur n’était encore honoré). Les litanies des saints
rangent, elles aussi, les saints en groupes conformes à ceux du Commun. Les
matines de la Toussaint célèbrent avec une grande beauté, dans leurs répons
accompagné de versets concordants, chaque groupe de saints.
Demandons-nous maintenant quels sont le sens profond et le
caractère propre de ces groupes. L’histoire nous apportera à ce sujet des
éclaircissements. Primitivement, on ne célébrait aucune fête de saint. Le culte
liturgique des saints ne prit naissance qu’avec le souvenir des martyrs. Tous les
ans, au jour anniversaire de leur mort, on offrait sur leurs tombeaux le
Sacrifice eucharistique. La célébration des mystères eucharistiques sur la
tombe des martyrs est peut-être une adaptation chrétienne du repas mortuaire
des païens. Les païens prenaient un repas mortuaire sur les tombes de leurs
morts et se croyaient par ce moyen en union avec eux. Nous, chrétiens, nous
sommes unis, en une réalité beaucoup plus haute, avec nos saints par
l’Eucharistie, chaque fois que nous les honorons sur leurs tombeaux ;
c’est une vraie communio = union.
Au souvenir des Martyrs s’ajouta la célébration des
Apôtres. Ces deux groupes furent pendant longtemps les seuls dans la haute
antiquité chrétienne, comme le montre justement le Te Deum. Le martyr
était considéré dans la primitive Église comme le “ saint ”, comme le
“juste” (justus), et c’est à lui seul qu’était accordé le culte des
saints : un long temps fut nécessaire pour que l’Église se décidât à
honorer officiellement un non-martyr (les premiers saints confesseurs sont
saint Silvestre et saint Martin de Tours).
L’idéal que l’Église se faisait des saints contribua à la
formation des groupes de saints. Comment l’Église primitive se
représentait-elle un saint ? Le Martyr et la Vierge étaient pour la
primitive Église l’idéal de la sainteté. C’était sans doute aussi la
signification des trois fêtes qui suivent Noël. Comme Martyr, comme Vierge,
comme Martyr-Vierge, venir à la rencontre du Roi qui arrive ! Nous avons
ainsi pour le Commun deux types de saints étroitement liés.
Dans la formation de l’idéal de sainteté, les deux
prototypes, le Christ et l’Église, ont joué un rôle décisif. En définitive,
chaque chrétien doit être une image du Christ (alter Christus — un autre
Christ). Mais il doit aussi reproduire en petit l’Église ; l’Église et
l’âme doivent se ressembler comme mère et fille. Le Christ est le Roi des
martyrs, “ de qui tout martyr tire son origine ”. Le martyr achève dans sa
chair ce qui manque aux souffrances du Christ (mystique) pour son corps qui est
l’Église (Col., l, 24). Ainsi le martyr est l’image la plus parfaite du Christ.
L’Église était aussi considérée comme l’épouse virginale
du Christ ; elle est donc, figurée dans la vierge ou dans la veuve qui,
pour l’amour du Christ, renonce à un second mariage. La plus haute image de
l’Église, virginale et maternelle, c’est Marie.
Le martyre ayant pris fin dans l’Église vers le IVe
siècle, l’idéal de sainteté devait être transposé. Alors apparut le groupe des
confesseurs. Le mot u confesseur” a son histoire ; dans la primitive
Église, était l’égal du martyr celui qui u confesse librement de vive voix
devant les rois et les puissances de ce monde le grand nom du Fils unique”
(préface de la bénédiction des rameaux). On nomma donc confesseurs les
chrétiens qui, tout en ayant souffert pour le Christ pendant la persécution,
n’étaient cependant pas morts pour lui. Il n’y a qu’un pas de cette conception
à celle du martyre non sanglant ; celui-ci est le fait du chrétien qui,
renonçant aux joies du monde, se sacrifie tout entier au Seigneur. L’image la
plus frappante du confesseur, c’est “ le serviteur vigilant qui,
les reins ceints et la lampe allumée en main, attend le retour de son
maître ”. Dans ce commun, la liturgie revient à l’idéal de sainteté de
l’Évangile et de la primitive Église ; cet idéal, le Christ l’a exposé en
plusieurs images dans son grand discours sur la parousie (Matth., 24, 25).
Le commun des confesseurs s’est encore subdivisé en
plusieurs groupes : les Évêques, les Docteurs et les Abbés. C’est dans
l’évêque que se réalise avec le plus de force le suprême sacerdoce du
Christ ; d’autre part, dans le docteur se continue l’enseignement du
Christ dans son Église. Nous avons ainsi terminé l’examen des groupes de
saints ; nous les avons situés dans l’histoire et nous avons fixé l’idéal
du christianisme. C’est justement parce que, dans ses principales figures de
saints, la liturgie se réfère toujours au prototype et ne se perd pas dans les
détails des particularités individuelles que les textes du commun ont une haute
valeur morale. Chaque chrétien peut, librement et à sa manière, poursuivre cet
idéal. Le regard demeure fixé sur l’ensemble et sur l’essentiel. Ainsi dans la
disposition du commun des saints se cache la haute sagesse pédagogique de
l’Église. Le risque d’une trop grande généralisation des saints dans le commun
est évité grâce aux biographies de ces saints dans le bréviaire ; de cette
manière, sur le fond d’or du commun se détache en un relief plastique la vie du
saint. Nous voyons comment l’idéal conçu par nous se trouve réalisé dans un cas
particulier.
Encore un mot sur l’origine des textes du commun. Que l’on
ne s’imagine pas que l’Église ait rassemblé dès l’origine pour constituer le
commun des formules toutes préparées ; au contraire, ces formules
proviennent d’une messe propre pour un saint déterminé. Elles furent ensuite
employées aussi pour d’autres saints du même groupe, et enfin placées dans le
commun. Nous connaissons parfaitement l’origine de quelques textes, mais on
peut étendre l’enquête à tous les autres[1].
Qu’il soit bien entendu que les offices du commun au
bréviaire peuvent fournir maintes indications précieuses pour l’intelligence
des formules de la messe ; nous y ferons donc appel.
Encore une pensée qui offre une vue différente et nouvelle
sur les messes du commun : Le commun des saints peut aussi être envisagé
au point de vue du temps liturgique ; il apparaît ainsi avec une nuance
nouvelle : comme les groupes de saints nous paraissent différents du temps
de Noël, au temps de Pâques et au temps de l’automne liturgique ! A Noël,
les saints forment la suite du Roi qui vient de faire son apparition dans la
ville de Bethléem ; au temps de Pâques, les martyrs sont en premier lieu
les figures de sa victoire sur la mort et l’enfer. Les messes du commun
présentent un sens particulièrement riche en symbolisme au cours de l’automne
liturgique dont la fin est l’attente de l’avènement du Divin Roi. C’est une
particularité des messes du commun — c’est aussi une preuve de leur ancienneté
— qu’elles expriment si volontiers l’attente du second avènement du Seigneur.
Cette allusion montre aussi le mystère caractéristique des messes du
commun : Le saint va, dans la mort, au-devant du Seigneur qui
revient ; mais la messe est une image de la mort du saint ; nous nous
unissons à lui et nous allons avec lui au-devant du Christ qui revient. Cette
pensée est soulignée davantage pendant l’automne liturgique ; c’est
pourquoi les messes du commun ont une signification particulière pendant ce
temps. Enfin, le culte des saints et par conséquent le commun ont une
signification plus profonde dans le temps après la Pentecôte ; c’est
pourquoi nous traitons le commun avec plus de détails dans cette dernière
partie de l’ouvrage.
1. Le Commun de la Sainte Vierge.
Considérations générales.
“ Tu es bienheureuse, Vierge Marie, Mère
de Dieu, parce que tu as cru ; en toi a été accompli tout ce qui t’a été
annoncé ; voici que tu as été élevée au-dessus de tous les chœurs des
anges ;
Intercède pour nous auprès de Dieu, notre
Seigneur.
Je te salue, Marie, pleine de grâce, le
Seigneur est avec toi ”. (Répons de la Toussaint).
Dans le chœur de tous les saints, Marie se tient au
sommet. Il ne peut donc être question ici d’un commun qui réunirait un groupe
de saints ; la place de Marie est absolument unique ; elle ne peut
être rangée dans aucun groupe ; au contraire, elle se tient au-dessus de
tous les groupes comme Reine des Apôtres, des Martyrs, des Confesseurs, des
Vierges, comme le proclament les litanies de Lorette. C’est, un commun bien
plutôt en ce sens que les textes concernant Marie s’y trouvent rassemblés,
tandis que dans les fêtes de Marie nous ne la considérons et ne la célébrons
que sous certains aspects. Ceci montre l’importance du commun pour
l’intelligence des autres offices de la Sainte Vierge ; nous comprendrons
mieux les pensées de la fête particulière si nous avons saisi la grande idée
générale du commun.
Quelles sont les pensées fondamentales du commun de la
Sainte Vierge ? Nous les trouvons exprimées sous leur forme la plus brève
dans l’invitatoire des matines où il est dit : Sainte Marie, Mère de Dieu
et Vierge, intercédez pour nous. Ici se trouve résumée toute la grandeur de
Marie : 1° Sainte Marie : sa sainteté personnelle ; 2° Mère de
Dieu : sa plus haute dignité et le motif le plus profond de son
élévation ; 3° Vierge : la liturgie a une prédilection pour ce nom de
vierge qu’elle lui donne, car c’est un titre unique qu’elle ne partage avec
personne d’être à la fois vierge et mère ; 4° intercédez pour nous :
c’est le motif de la confiance sans borne de la chrétienté dans le “ Secours
des chrétiens ”. Ce sont là les pensées fondamentales du commun de la
Sainte Vierge, et toutes les prières particulières s’y ramènent.
L’office de la Sainte Vierge (c’est le nom que nous
donnons au commun dans la prière des Heures) ainsi que les fêtes particulières
de Marie offrent une très grande richesse d’images ; la liturgie sait nous
présenter Notre-Dame sous des images et des allégories multiples. Mais il y a
trois de ces images qui reviennent plus fréquemment et qui méritent une
considération particulière : Marie apparaît sous l’image de l’Épouse, de
la Sagesse, et de la ville de Jérusalem.
1. L’Epouse. — L’office de la
Sainte Vierge contient de nombreux passages empruntés au Cantique des
cantiques. Le Cantique des cantiques est l’un des trois livres de la Sainte
Écriture qui sont attribués à Salomon ; il célèbre, au sens littéral, la
liaison du roi Salomon avec une bergère. Les principaux aspects de cette
liaison sont les suivants : l’aspiration des deux jeunes gens à l’union
conjugale, différentes tentatives pour y parvenir : poèmes et couplets où
ils chantent leur amour réciproque, les grands obstacles à leur union qu’ils
rencontrent sur leur route. Mais le sens littéral n’est que l’écorce sous
laquelle se cache le grain de vérités profondes et saintes. Le Cantique des
cantiques peint sous cette image l’amour de Dieu pour son peuple, et, au sens
pleinement chrétien, l’union du Christ et de son Église, du Christ et de l’âme
unie à Dieu. Cette image de l’époux et de l’épouse, du mariage, est très
courante dans les livres inspirés de l’Ancien et du Nouveau Testament. Dieu a
contracté une “ union ” avec le peuple juif, il se nomme un Dieu “ jaloux
” ; le culte des idoles est considéré dans l’Ancien Testament comme un “
adultère ”. Le Christ et après lui saint Paul ont encore creusé davantage
cette idée du lien conjugal ; saint Jean-Baptiste introduit le Christ
comme un époux en Israël, et le Sauveur se nomme lui-même l’époux de l’Église
(Jean, III, 29 ; Matth., IX, 15). C’est donc, contenu dans cette image, le
plus grand bien que nous offre le christianisme : la filiation divine,
l’union du Christ avec l’âme, qui a atteint son plus parfait épanouissement
dans les saints. Maintenant nous comprenons pourquoi, dans l’office de la
Sainte Vierge, cette image et en particulier le Cantique des cantiques sont si
volontiers employés ; c’est en Marie précisément que cette union d’amour
avec Dieu, avec le Christ, a trouvé la plus grande intimité possible, puisque
la Sainte Vierge est non seulement la créature la plus sainte et la plus
parfaite, mais aussi la créature qui a été unie à Dieu par un lien unique en
portant pendant neuf mois dans son sein le Fils de Dieu.
2. La Sagesse. — Marie est
comparée à la Sagesse divine. Dans le livre de la Sagesse, l’un des livres de
la Sainte Écriture, la Sagesse divine est présentée sous les traits d’une
personne, tantôt d’un enfant qui, avant l’origine du temps, jouait devant le
Père et qui l’assista dans son œuvre créatrice, tantôt d’une messagère de Dieu
qui enseigne aux hommes la sagesse et la vertu, c’est-à-dire la vraie religion.
Par cette sagesse, la Sainte Écriture entend tout d’abord l’attribut divin, la
sagesse de Dieu, avec lequel il a tout créé et ordonné dans le monde ;
puis les pensées éternelles de Dieu qu’il a exprimées plus ou moins
complètement dans les créatures... Les Pères de l’Église voient dans cette
sagesse personnifiée le Fils de Dieu “ par qui Dieu a créé le monde ”. Mais
la Sainte Écriture pense aussi à la sagesse créée, à la vertu de-sagesse que
Dieu a donnée au peuple juif par la religion révélée. Le concept de sagesse est
dans la Sainte Écriture beaucoup plus étendu que dans notre langage
usuel ; il signifie philosophie morale, vertu, sainteté, de même que folie
égale penchant au péché. La liturgie aime faire à Marie l’application de ces
sens du mot “ sagesse ”. Pourquoi cela ? Les créatures sont des images de
la sagesse divine ; et plus elles sont Parfaites, plus elles réfléchissent
la beauté, la sagesse et la sainteté de Dieu. Marie, l’image la plus parfaite
de Dieu, est pour ainsi dire la “ sagesse ” elle-même. De plus, le décret
de Dieu qui décida l’incarnation du Verbe dans le sein de Marie fut porté de
toute éternité ; ainsi Marie était présente de toute éternité, avec toutes
ses perfections, devant la face de Dieu. Enfin, elle a possédé au plus haut
degré la sagesse créée, c’est-à-dire la sainteté et la vertu, de telle sorte
qu’en ce sens aussi elle peut être appelée la “ sagesse ”.
3. Jérusalem. — Marie apparaît
enfin, souvent, sous l’image de la ville de Jérusalem ou de Sion (la colline
fortifiée de cette ville). Le motif en est clair : Jérusalem possédait
parmi les autres villes une situation unique ; c’était la ville où Dieu
avait établi son trône, c’était la ville choisie, bien-aimée de Dieu. Une image
qui convient parfaitement à Marie ! A Jérusalem était le Temple, la
demeure du Très-Haut — Marie est le Temple vivant de Dieu ! Jérusalem, la
ville d’élection du grand Roi — Marie, la femme “ bénie entre les femmes ”.
Jérusalem, la mère des peuples ; c’est là que se rendent tous les peuples
même païens — Marie, la mère de la chrétienté. Jérusalem, assiégée et attaquée
— Marie, la mère de douleur. Jérusalem, la plus chère et la plus aimée pour les
Juifs — Marie, la plus aimée après Dieu pour nous, chrétiens.
L’office de la Sainte Vierge le samedi.
Le samedi est considéré depuis longtemps dans l’Église
romaine comme jour de la Sainte Vierge. Quand, ce jour-là, il n’y a pas de fête
de rite plus élevé (semi-double ou double) ou pas de fête du tout, le jour de
Marie jouit de tous ses droits et l’Église consacre la journée au culte de la
Sainte Vierge, aussi bien dans la prière des Heures qu’à la messe. Dans la
prière des Heures, les psaumes sont ceux du samedi et le reste est emprunté à
l’office de la Sainte Vierge. Mais la messe comporte cinq formules différentes
qui se trouvent dans le Missel à la fin des messes du commun. Ces cinq formules
correspondent aux grands temps liturgiques : 1° Pendant l’Avent, la messe
Rorate ; 2° une messe pour le temps de Noël ; 3° une messe pour le
temps qui va du 3 février au carême ; 4° une messe pour le temps
pascal ; 5° une messe pour le temps après la Pentecôte. Cette dernière est
la plus typique ; nous allons l’expliquer ici brièvement.
La Messe (Salve,
sancta Parens) est ancienne et très profonde dans sa simplicité. Deux pensées
s’y trouvent réunies : 1° La pensée de la “ Mère de Dieu” se développe
comme un fil d’or à travers toute la messe. La maternité divine est la plus
haute dignité de Marie et le fondement de sa grandeur. 2° Nous pouvons et nous
devons, nous chrétiens, participer à cette grandeur. Nous devons et pouvons
donc, selon la parole du Christ, devenir “ mère de Dieu ”, et cela dans un
double sens : a) en recevant spirituellement en nous le “ Verbe de
Dieu ”, c’est-à-dire en écoutant la parole de Dieu et en lui obéissant (cela
dans l’avant-messe) ; b) mais aussi en “ recevant ” dans la
Sainte-Eucharistie le “ Verbe de Dieu ” vivant ; alors nous devenons,
en un sens encore plus élevé, mère de Dieu. Si nous retenons ces pensées, un
jour et une messe de la Sainte Vierge seront toujours pour nous un grand
événement.
A Introït, nous saluons dans la maison de Dieu la “
Sainte Mère” qui a porté le Roi du ciel et de la terre (la maison de Dieu est
son image), en employant les paroles d’un poète de la haute antiquité
chrétienne (Sedulius), et nous chantons l’épithalame (Ps. 44) qui s’applique
encore bien mieux à elle, la Reine des saints. Les deux lectures proclament,
elles aussi, la dignité de Mère de Dieu. Dans l’Épître, la Sagesse
divine (c’est-à-dire le Christ) dit qu’elle a établi sa résidence dans la ville
sainte de Sion et que de là elle a poussé ses racines dans le peuple élu, ce qui
veut dire que le Christ est descendu dans le sein de la Vierge Marie,
s’est fait homme et a fondé l’Église, la nouvelle Sion. L’Épître exprime ainsi,
sous le voile du mystère, la maternité corporelle et spirituelle de Marie, de
l’Église et de chaque âme. “ Dans l’assemblée des saints, là est mon
séjour” : que cette parole est particulièrement vraie maintenant à la
messe ; l’assemblée des fidèles est l’image de l’Église ; le Christ,
la Sagesse divine, descend, plein de grâces, au milieu d’elle au Saint-Sacrifice ;
la Vigne divine “ pousse ses racines ”. A l’Évangile, le
Seigneur exprime lui-même, sous une très belle forme, l’idée de l’honneur que
confère la maternité divine spirituelle : à côté de la béatitude de la
maternité divine il place une autre béatitude semblable, celle de “ tous
ceux qui entendent la parole de Dieu et qui la gardent ”. La “ Parole de
Dieu ” est ici, dans l’esprit de la liturgie, le Fils, de Dieu. Les
paroles de la Communion s’appliquent aussi à l’Église et à l’âme :
“ Bienheureux le sein de la Vierge Marie qui a porté le Fils du Père éternel..
Ainsi Marie est l’image la plus expressive de l’Église et de l’âme. A l’Offertoire
(emprunté à la messe Rorate), nous entendons “l’incessante salutation. de
l’ange, l’Ave Maria (c’est aussi l’origine de la prière mariale
populaire, de la salutation angélique). Ici, autant qu’à Marie, la salutation
s’adresse à nous, qui, maintenant au Saint-Sacrifice, participons à son
honneur.
2. Le Commun des Apôtres.
“ Ce sont eux qui, pendant leur vie terrestre,
ont plante l’Église avec leur propre sang ;
Ils ont bu le calice du Seigneur, ils sont
devenus les amis de Dieu.
Leur voix s’est répandue sur toute la terre, et
leur prédication jusqu’aux extrémités du globe ”.
Le commun des Apôtres présente un dessin très net. Deux
pensées principales reviennent sans cesse dans les textes : Les Apôtres
sont les amis du Christ et des princes, les fils princiers de
l’Église. Un verset typique revient souvent : “ Ils sont comblés
d’honneur à mes yeux, tes amis, mon Dieu ; leur empire est
solidement affermi. (au psaume 138 : c’est la raison pour laquelle ce
psaume est employé à l’introït et aux secondes vêpres. Le psaume lui-même n’a
guère de rapport avec les Apôtres ; le sens de ce verset provient même
d’une traduction erronée du texte primitif). Les antiennes des premières vêpres
des Apôtres parlent très bien de l’amitié du Christ ; elles sont
empruntées à l’évangile de la messe de la vigile : “ Vous êtes mes amis si
vous faites ce que je vous commande ”, dit le Seigneur. Outre sa dignité, le
commun des Apôtres expose aussi la mission et les souffrances de l’apostolat.
Cette mission est de fonder et d’étendre le royaume du Rédempteur sur la terre.
Ils sont ainsi les premiers missionnaires. D’où le verset typique du psaume
18 : “ Leur voix s’est répandue sur toute la terre, et leur prédication
jusqu’aux extrémités du globe ”. Le psaume 18 était appelé autrefois “ l’Apôtre
”, justement parce qu’on aimait le chanter aux fêtes d’Apôtres. Saint Augustin
dit dans un sermon que “ les Apôtres ont proclamé la gloire de Dieu, tels
d’autres cieux” (“ Les cieux proclament la gloire de Dieu ”, ainsi
commence le psaume 18). Le capitule de vêpres et de laudes est également très
caractéristique : “ Frères ! Maintenant vous n’êtes plus des hôtes et
des étrangers, mais vous êtes des concitoyens, des saints et des familiers de
Dieu, édifiés sur le fondement des Apôtres et des Prophètes ; le Christ
Jésus lui-même est la pierre angulaire ”. Dans l’imposant édifice de l’Église
le Christ est la pierre angulaire ; mais les Apôtres sont les fondations,
et nous sommes des pierres posées sur ces fondations. C’est pourquoi les fêtes
d’Apôtres ne sont pas de simples fêtes de saints, mais plutôt des fêtes de
rédemption, des fêtes de l’Église.
La communauté d’amour avec le Christ exige aussi la communauté
de souffrance ; les Apôtres ont “ bu le calice du Seigneur ” ;
ils ont pris sur eux le martyre. Les fêtes d’Apôtres doivent être pour nous de
véritables grandes fêtes.
Les messes de la plupart des Apôtres ont un texte propre,
bien que certains chants et certaines lectures se répètent ; toutefois la
messe de la vigile des Apôtres est presque toujours la même ; elle est
très ancienne et fut d’abord une messe de fête d’Apôtre, puis ensuite de
vigile. C’est elle que nous voulons expliquer ici en détail.
La
messe de la vigile d’un Apôtre (Ego autem).
En souvenir probablement des arbres plantés dans l’atrium
des antiques basiliques (nommé paradis), nous nous tenons à l’entrée de la
maison de Dieu comme “ l’olivier chargé de fruits ” (le juste est
volontiers comparé à un arbre couvert de fruits ; olivier — oint, le
Christ et nous). “ Nous espérons en la miséricorde de Dieu ”, c’est-à-dire
le sacrifice eucharistique, et nous “ attendons ” en même temps le retour
du Christ (la prière nocturne est consacrée à l’attente de la parousie). Nous
sommes ainsi heureux de demeurer dans la compagnie des Apôtres (Intr.). Nous
ne pouvons pas attendre la célébration de la fête ; c’est pourquoi nous la
devançons par la célébration de la vigile. Que le résultat soit double :
l’augmentation de la dévotion et des grâces du salut, c’est-à-dire le complet
abandon de notre côté, et la grâce du salut du côté de Dieu (Or.). Dans l’Épître,
l’Église décrit l’élection et la dignité de l’Apôtre : “ La
bénédiction de Dieu ” (le Christ l’a consacré lui-même prêtre) lui a donné
part aux douze tribus, c’est-à-dire le pouvoir universel. Le Christ a fait de
lui la terreur de l’esprit malin ; Dieu fait cesser par lui les maux (péché
et punition). Il le glorifie devant les rois. La fidélité et la patience de
l’Apôtre sont louées ; le Christ lui-même lui a donné des commandements
(l’Évangile nous indiquera le plus important), et maintenant Dieu le
ceint de la couronne de gloire. L’Épître a ainsi peint sous des images
empruntées à l’Ancien Testament la dignité de l’Apôtre. Dans le Graduel, nous
voyons de nouveau l’arbre ; c’est maintenant le palmier, symbole du
martyre, et le cèdre, image de là haute croissance. L’Apôtre “ fleurit comme le
palmier et s’élève comme le cèdre ” en nous qui nous unissons mystiquement
à lui au Saint-Sacrifice, “ dans la maison du Seigneur ”. Maintenant,
“ nous proclamons dans la nuit ” (la vigile) combien le Seigneur a
été fidèle et à lui et à nous ; mais, au matin, nous proclamons au
Saint-Sacrifice “ sa miséricorde ”. L’Évangile nous donne une leçon
du Maître à ses disciples. Il parle du commandement de l’amour ; la mesure
de l’amour est “ son amour qui va jusqu’à la mort” (maintenant, à la messe,
nous rappelons cette mort, la sienne) ; l’Apôtre a appris du Maître cet
amour, il l’a traduit en acte dans son martyre. Les Apôtres sont les amis du
Christ (une pensée capitale du commun des Apôtres). (Remarquons les antiennes
des vêpres et des laudes de l’antique vigile ; elles sont tirées de
l’évangile). A l’Offertoire et à la Communion, nous chantons la
glorification de l’Apôtre, qui a été réalisée dans sa mort et à laquelle nous
prenons part au Saint-Sacrifice.
L’Introït (explication détaillée).
L’Introït commence par les mots “ Ego autem ” — “ Quant à moi ”. Nous pourrions nous demander quel est celui qui débute d’une façon si impertinente, en insistant par ce “ quant à ”. Si nous feuilletons le Missel, nous constatons que plusieurs introïts commencent par “ moi ”, ou du moins parlent à ta première personne. C’est tout à fait dans l’esprit d’une entrée. Je viens du monde avec mon pauvre “ Moi ”. La prière graduelle s’exprime de la même façon : “ Je me présenterai à l’autel de Dieu ” ; “ Je confesse à Dieu... mes péchés…” Mais ce “ Je ” devient bientôt un “ Nous” : Kyrie eleison : aie pitié de nous ; Gloria : nous te louons, nous te bénissons ; Oremus : prions. Plus nous avançons, plus l’idée de communauté s’affirme, pour atteindre son point culminant au Canon. A la Communion, le “ Nous ” fait volontiers place au “ Tu ” ; maintenant la grâce de la Rédemption s’incline vers les individus ; le Christ se tient devant chaque âme et lui dit : “ Tu ”. — Continuons à nous demander qui est ce Moi. C’est en premier lieu l’Apôtre. La liturgie voit présent le saint qu’elle honore ; dès l’introït, il se tient devant nous ; l’église, surtout quand elle est consacrée au saint, représente ce saint lui-même, Celui-ci célèbre avec nous, nous parle. — Toutefois, ce “ Moi ”, c’est encore nous, qui sommes unis au saint par une union mystique ; aujourd’hui, par exemple, je suis uni à saint Jacques ; il me prête sa sainteté, son martyre ; je puis, en lui [SIC!!! ASK Philipp., GUY], aller à la rencontre du Seigneur qui revient. Maintenant nous comprenons pourquoi la liturgie place en tête les mots “ Quant à moi ” — “ Comme un olivier qui porte des fruits dans la maison du Seigneur” : il y avait des arbres à l’entrée du Temple de Jérusalem, il y en avait autrefois aussi à l’entrée des anciennes basiliques, dans ce que l’on appelait l’atrium ou le paradis ; à l’introït, nous passons justement de l’atrium dans la maison de Dieu ; ainsi la comparaison se précise. La comparaison du juste avec un arbre qui porte des fruits est nettement biblique (psaume 1), nettement évangélique (Matth., VII, 16, et suiv.), nettement liturgique (voir les vieilles mosaïques). La comparaison avec l’olivier convient bien ; l’huile appartient au symbolisme le plus cher à la liturgie ; elle rappelle “ l’Oint ”, le Christ. chrétien baptisé est un “ oint ”, un autre Christ. Maintenant l’image de l’introït empruntée à la littérature de l’Église primitive devient très vivante ; le saint Apôtre et moi avec lui, nous sommes dans la maison du Seigneur comme un olivier qui porte des fruits ! Pénétrons bien le symbolisme de cette image ! “ J’espère en la miséricorde de mon Dieu ”, car l’Eucharistie, c’est pour nous le Christ et l’œuvre de la rédemption (opus redemptionis) ; “ et j’attends ton nom ”. Le nom signifie ici la personne = je t’attends ! Oui, c’est l’esprit de la primitive Église ; elle “ attend ” le Seigneur. C’est pourquoi elle se rassemble si volontiers pendant la nuit (Grad.) ; la nuit est l’image de la vie terrestre, de l’exil ; la prière nocturne, la vigile, était dans la primitive Église la prière de la parousie ; les chrétiens aimaient cette prière parce qu’elle était l’expression de leur état d’âme ; ils attendaient, en priant, le matin, le “ lever d’en haut ”, de la célébration matinale du sacrifice eucharistique dans laquelle ils voyaient l’anticipation du retour du Christ. Dans l’Eucharistie, le Seigneur vient comme il viendra au jugement dernier. “ Car il fait bon ici en présence de tes saints ”. “ Seigneur, il fait bon ici ”, pouvons-nous dire avec Pierre ; c’est l’heure bénie de la transfiguration ; le Seigneur n’est pas seul là, il apparaît avec ses saints. Par l’Eucharistie, les saints sont aussi présents : ce n’est pas pour rien que nous énumérons deux fois au canon tout le chœur des saints et que nous disons “ Communicantes et memoriam venerantes ”, c’est-à-dire “ nous nous unissons et nous honorons ce souvenir ; ce n est pas une union et un souvenir tout platoniques, c’est une union et une présence sacramentelles. Ainsi, à la messe, le Christ nous apparaît dans la lumière de ses saints ! Nous laissons de côté le verset de l’Introït, il n’entre pas dans le cadre de nos pensées. Ceci prouve bien que le premier verset du psaume n’offre par lui-même aucun sens, mais qu’il suppose justement le psaume tout entier.
3. Le Commun des Souverains Pontifes.
Le 9 janvier 1942, le Pape Pie XII a introduit dans le Missel et dans le Bréviaire un nouveau Commun pour un ou plusieurs Souverains Pontifes. Il base cette nouveauté sur les motifs suivants : “ La Sainte Église a toujours entouré d’un honneur particulier les Souverains Pontifes qui ont défendu avec zèle les droits du Saint-Siège, ont propagé par toute la terre la vérité de l’Évangile et ont donné aux membres de leur troupeau un lumineux exemple par la sainteté de leur vie et leur mort. Si les portes de l’enfer ont, en tout temps, attaqué la solidité du roc apostolique par des persécutions vaines, mais toujours cruelles et sanglantes, les ennemis de l’Église essayent actuellement de couvrir les papes de leur bave et de les déshonorer par leurs calomnies. Pour lutter contre ces attaques et relever toujours davantage la dignité de la papauté qui est une charge conférée par Dieu et pour célébrer en même temps la mémoire des papes qui se sont distingués par leur sainteté, Pie XII a institué le nouveau Commun ”.
Ce nouveau Commun ne comporte dans le Bréviaire que les Oraisons et l’homélie du troisième nocturne sur le nouvel Evangile ; tous les autres textes sont empruntés au Commun des Martyrs ou des Confesseurs Pontifes.
3. Le Commun des Souverains Pontifes.
Le 9 janvier 1942, le Pape Pie XII a introduit dans le Missel et dans le Bréviaire un nouveau Commun pour un ou plusieurs Souverains Pontifes. Il base cette nouveauté sur les motifs suivants : “ La Sainte Église a toujours entouré d’un honneur particulier les Souverains Pontifes qui ont défendu avec zèle les droits du Saint-Siège, ont propagé par toute la terre la vérité de l’Évangile et ont donné aux membres de leur troupeau un lumineux exemple par la sainteté de leur vie et leur mort. Si les portes de l’enfer ont, en tout temps, attaqué la solidité du roc apostolique par des persécutions vaines, mais toujours cruelles et sanglantes, les ennemis de l’Église essayent actuellement de couvrir les papes de leur bave et de les déshonorer par leurs calomnies. Pour lutter contre ces attaques et relever toujours davantage la dignité de la papauté qui est une charge conférée par Dieu et pour célébrer en même temps la mémoire des papes qui se sont distingués par leur sainteté, Pie XII a institué le nouveau Commun ”.
Ce nouveau Commun ne comporte dans le Bréviaire que les Oraisons et l’homélie du troisième nocturne sur le nouvel Evangile ; tous les autres textes sont empruntés au Commun des Martyrs ou des Confesseurs Pontifes.
Mais la messe offre un formulaire complètement propre qui
est désigné par les premiers mots de son Introït “ Si diligis me ”. Ce
formulaire est dominé par cette pensée que les promesses du Christ à Saint
Pierre se continuent et demeurent efficaces chez ses successeurs. Il y a, en
particulier, deux paroles du Christ à Saint Pierre qui reviennent dans toute la
messe comme un leitmotiv : “ Si tu m’aimes, Simon Pierre, pais mes
brebis, pais mes agneaux ” ; elles servent de thème à l’Introït et
continuent dans la première partie de la messe ; puis cette autre parole “
Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église ”, elle domine le
reste de la messe à partir de l’Alleluia. L’Introït ne suit pas la règle
classique et emploie comme verset la parole du Christ. Le psaume 29 est mis
dans la bouche du saint Pape qui remercie pour sa vocation de pasteur du
troupeau du Christ ainsi que pour la protection divine contre ses ennemis.
C’est là un écho de cette autre parole du Sauveur “ les portes de l’enfer ne
prévaudront point ” (la suite du psaume n’est pas évoquée).
Dans les deux Oraisons aussi
il est fait allusion aux paroles du Christ ; Dieu est appelé
“ Pasteur éternel ” à qui l’on demande de regarder avec bienveillance
son troupeau et de le protéger par l’intercession du saint Pape que Dieu a
établi Pasteur de toute l’Église. Nous voyons que l’on insiste sur le motif du
Pasteur. La seconde Oraison qui trouve rarement son emploi est inspirée par la
parole “ Les portes de l’enfer... ”.
L’Épître est entièrement nouvelle : c’est
Saint Pierre qui parle. Le premier Pape s’adresse à ses successeurs :
“ J’exhorte les Anciens qui sont parmi vous, moi qui suis Ancien comme eux
et témoin des souffrances du Christ et qui ai part aussi à la gloire qui va se
révéler (Saint Pierre en effet a été témoin de l’agonie au Jardin des Oliviers,
témoin de l’arrestation de Jésus, comme il avait été témoin de la
Transfiguration) ; faites paître le troupeau de Dieu qui est parmi vous,
non par contrainte, mais de bon gré, non par vénalité, mais avec générosité,
non pas comme si vous tyrannisiez vos sujets, mais en vous faisant des modèles
pour votre troupeau. Et quand paraîtra le chef des pasteurs (le Christ), vous
recevrez la couronne de vie qui ne se flétrit pas. Que le Dieu de toute gloire
qui vous a appelés à sa gloire éternelle dans le Christ Jésus, après de brèves
souffrances (allusion aux Papes-Martyrs) vous rende parfaits, forts,
inébranlables. A lui puissance et gloire dans les siècles. Amen ”. Il est
inutile de souligner que cette Épître constitue un enrichissement éminent du
trésor des lectures du Missel.
Le Graduel qui doit être l’écho de l’Épître se
rattache aux mots “ seniores ” et “ consenior ”
et vise l’élévation du saint Pape sur la chaire de Saint Pierre.
L’Alleluia est une préparation à l’Evangile et en
met en relief le passage principal “ Tu es Pierre et sur cette pierre je
bâtirai mon Église ”. Cette promesse du Christ s’est vérifiée aussi dans
la Papauté ; la Papauté est, en tous les temps, le roc qui sert de base
inébranlable à la sainte. Église.
L’Évangile apporte, pour tous les siècles, la
preuve que la primauté de Saint Pierre et de ses successeurs a été voulue et
instituée par le Christ. Les Papes sont, pour tous les temps, le rocher
fondamental ainsi que les gardiens des clefs de l’Eglise et ils ont reçu la
promesse que l’enfer avec toute sa puissance ne pourra rien contre eux.
L’Offertoire renferme un passage du prophète
Jérémie (1,9-10) que la liturgie aime à appliquer au Précurseur du
Christ : “ Voici que je mets mes paroles sur tes lèvres ; je te donne
aujourd’hui le pouvoir sur les nations et les royaumes, pour arracher et pour
détruire, pour ruiner et pour démolir, pour bâtir et pour planter”. Le Christ
s’adresse ici à Saint Pierre et à ses successeurs ; il leur transmet le
magistère de l’infaillibilité et pose sur leur tête la triple couronne :
il leur donne le pouvoir de lier et de délier.
Dans la Secrète réapparaît le thème du
Pasteur : puissent le Pasteur et le troupeau trouver la complaisance de
Dieu. Pendant que la communauté s’avance vers la table du Seigneur, nous
entendons encore une fois : “ Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai
mon Église ”. Mais ces paroles ne s’appliquent pas seulement au saint Pape,
elles valent aussi pour chaque fidèle. Lui aussi doit être un roc dans sa foi,
dans la grâce et dans l’amour ; c’est sur lui que le Christ bâtira
l’Église spirituelle.
La première Postcommunion est d’une beauté
classique ; elle ne vise pas tant le chrétien isolé que l’Église qui “
goûte un saint rafraîchissement” dans la Communion ; elle demande liberté
et unité de foi pour l’Église par rapport à la papauté. La seconde
Postcommunion fait encore écho au thème du Pasteur : “ que
l’obéissance du troupeau ne fasse pas défaut au Pasteur et que le Pasteur
prenne soin de son troupeau ”.
Nous avons donc là un formulaire de, messe magnifique et
riche d’idées. Peur-être est-il permis de regretter que sa trop fréquente
répétition (24 fois dans l’année) ne nuise à la ferveur, alors qu’autrefois il
y avait plus de variété dans les offices et les messes des saints Papes.
4. Le Commun des Martyrs.
“ Vous, mes saints,
qui, aux jours de votre chair, avez dû soutenir un dur combat,
Maintenant je veux vous donner la récompense de
vos peines.
Venez, les bénis de mon Père, prenez possession
du royaume ”.
De quelle haute estime jouissent les martyrs dans
l’Église, on le voit dans les nombreux textes du commun. Nous distinguons trois
groupes : un martyr, plusieurs martyrs et un commun spécial pour les
martyrs au temps pascal.
a) Le Commun d’un martyr.
Ce commun comprend quatre formulaires de messe : deux
pour un martyr-pontife, deux pour un martyr non-pontife.
1. La Messe
“ Statuit ”.
La messe réunit deux pensées : la dignité sacerdotale
qui est un reflet du souverain sacerdoce du Christ (Allel.), et la
dignité du martyre. Quand le prêtre monte à l’autel, nous avons t’idée de ce
qu’est notre martyrpontife. En lui le saint nous est actuellement présent.
C’est pourquoi, à la vue du prêtre, l’Introït dit de lui :
“ Le Seigneur lui a remis le testament de paix ”, c’est-à-dire les trésors
de l’Église ; c’est un prince dans le royaume de Dieu ; sa dignité
sacerdotale est une dignité éternelle, parce qu’elle est précisément celle de
Jésus-Christ. Maintenant l’Église chante le psaume 131 ; le psaume entier
motive ce choix : David est l’élu de Dieu et la figure de t’évêque
consacré ; le psaume rappelle deux serments réciproques : David fait
le serment de bâtir un temple à Dieu, Dieu fait à David le serment de conserver
son trône royal à ses successeurs. David est ici la figure de notre saint
évêque qui a servi l’Église avec fidélité et a même versé son sang pour elle.
Nous évoquons maintenant ses mérites : “ Souvenez-vous, Seigneur, de
David et de sa soumission ” L’oraison est très suggestive :
dans notre faiblesse qui nous jette a terre, nous nous tournons vers notre
saint martyr-pontife pour implorer son intercession. Dans l’Épître ou Leçon,
tantôt c’est le saint du jour qui nous parle, tantôt c’est l’Église qui
nous parle de lui. Voici un exemple de ce dernier cas. Saint Jacques le Mineur,
qui fut lui-même un vénérable évêque (le premier de Jérusalem) et en même temps
un martyr, inspire à l’Église les paroles suivantes : Bienheureux martyr,
qui as subi l’épreuve. Ainsi le martyre est l’épreuve que Dieu fait
subir (l’épreuve de maturité). La récompense en est “ la couronne (de paix) de
la vie éternelle que Dieu a promise à ceux qui l’aiment ”. C’est la
béatitude éternelle. Aujourd’hui, au jour de sa mort, le martyr a reçu cette
couronne des mains de son divin Roi ; dans l’Eucharistie, nous pouvons
participer à cette gloire. Le reste de l’Épître n’a pas de rapport avec les
pensées de la fête ; sauf peut-être la fin : Cette récompense
éternelle est “ le don excellent, parfait, qui vient d’en haut, du Père
des lumières ”. Tant il est vrai que Dieu aime ses enfants, les prémices
de sa création, parmi lesquels nous pouvons aussi nous compter. — Dans le Graduel,
Dieu ou le Christ parle : “ J’ai trouvé en David mon serviteur ”.
Encore l’image de David ; David est la figure des élus. Comme lui,
l’évêque a reçu j’onction de l’huile sainte ; dans toutes ses actions la
main de Dieu l’aide, le bras de Dieu est sa force. (Nous pourrions peut-être
nous inspirer ici de l’image connue : Le Christ et Pierre marchent la main
dans la main vers la barque). Contre une pareille union défensive et offensive
l’esprit mauvais ne peut rien. C’est sur cette parole de Dieu que nous fondons
notre confiance en notre saint évêque. — Le chant de l’Alleluia annonce
l’arrivée du Roi. Celui-ci paraît aujourd’hui comme prêtre ; nous le
saluons par les paroles du psaume 109 : “ Tu es prêtre pour
l’éternité selon l’ordre de Melchisédech ! ” Le Christ est bien le
prêtre eucharistique éternel : son sacerdoce se perpétue dans notre saint
évêque et aussi dans le prêtre qui célèbre. Maintenant, à l’Evangile, le
Divin Prêtre se tient devant nous ; il a à côté de lui le saint qu’il nous
montre sans cesse ; il nous adresse un grave avertissement : Nous ne
pouvons être les disciples du Christ que si nous haïssons père, mère, femme,
enfants, frères, sœurs, et même notre propre vie ” ; tout ce qui
plaît à la nature doit être sacrifié si Dieu l’exige ; bien plus, la croix
de la vie doit être portée avec patience et résignation à la suite du Maître
portant lui-même la sienne. C’est de la sorte le martyre du sang qui est
désigné. Le Christ, roi des martyrs, a le droit de nous parler ainsi, car en
toutes choses il nous a tracé le chemin ; il peut aussi parler en ces
termes de notre martyr. Si nous ne comprenons pas les mots “ haine ”
et “ portement de croix ”, nous en trouvons le sens dans la vie du
Christ et des saints. Il s’agit de construire une tour, le royaume de Dieu,
dans notre âme ; il s’agit de combattre contre un adversaire puissant. Il
nous reste encore à placer le couronnement de la tour, à conquérir la couronne
de paix. Le saint a terminé l’œuvre. A l’Offertoire, Dieu ou le Christ
nous parle encore de notre martyr : Deux anges l’accompagnent à travers la
vie, la fidélité et la miséricorde. La fidélité a accompli toutes les
promesses, la miséricorde a prodigué les grâces de la rédemption ; ainsi
est arrivé le jour de sa mort qui “ a élevé sa corne au nom de Dieu ”. Une
dernière fois encore, à la Communion, Dieu nous parle de son saint, toujours
sous l’image de David : Dieu avait juré à David que ses successeurs
demeureraient à jamais assis sur le trône. Ce trône serait brillant comme le
soleil et comme la lune. Ce serment a été réalisé d’abord dans le Christ ;
et tous les siens, en premier lieu les martyrs, participent à son éternelle
royauté, La Sainte Eucharistie nous en donne le gage et l’assurance.
2. La Messe
“ Sacerdotes ”.
Dans cette messe, plus encore que dans la précédente, la
récompense éternelle du saint martyr est mise en relief ; le caractère de
joie et de victoire est aussi plus accusé. A l’Introït, les deux états
de la chrétienté sont appelés à louer Dieu : les prêtres et les laïcs (ces
derniers sont nommés saints et humbles) ; mais la création tout, entière
doit, elle aussi, glorifier Dieu (exceptionnellement nous n’avons pas ici de
psaume, mais le cantique bien connu des trois jeunes gens). La raison pour
laquelle nous louons Dieu dans l’allégresse est l’exaltation de notre
martyr-pontife, à l’anniversaire duquel nous nous réjouissons (Oraison). A
l’Épître, le saint martyr nous parle en empruntant les paroles de saint
Paul. C’est un passage particulièrement beau qui nous présente la fête du
martyr dans une nouvelle lumière : c’est une communauté de souffrance et
de consolation avec le saint, mais aussi avec le Christ. Nous nous représentons
le saint qui vient à nous et nous dit : “ la Passion du Christ ” a été en
moi abondante, c’est pourquoi ma “ consolation” est grande maintenant au
ciel ; mais vous devez participer à ces deux états, “ vous devez être
associés à la souffrance et à la consolation dans le Christ Jésus, notre
Seigneur”. Cela se réalise justement au Saint-Sacrifice. A l’Offertoire, notre
martyr dépose la palme sur la table du sacrifice et nous l’imitons ; ce
sacrifice total, nous l’unissons à la Passion du Christ. Ainsi la Passion du
Christ et celle du martyr passent abondamment en nous aussi. A la communion,
nous participons à sa “ consolation ”, car le fruit du Sacrifice est une part à
son exaltation ; c’est pourquoi nous chantons à la Communion : “ Seigneur,
vous avez placé sur sa tête une couronne de pierres précieuses ”. C’est vrai
pour lui, mais aussi pour nous qui sommes mystiquement unis au saint. La messe
du martyr est donc une communauté de souffrance et de consolation. Au Graduel
aussi, nous voyons le saint “ couronné de gloire et d’honneur ” ; à l’Alleluia,
nous voyons en lui un prêtre royal. Maintenant se tient devant nous le
Christ, le premier martyr (Évang.). Il nous prêché l’évangile de la
croix. Il n’y a pas, pour conduire à l’éternelle récompense, d’autre voie que
la voie de la croix : “ Quiconque veut me suivre, qu’il se renonce
lui-même, qu’il prenne sa croix et vienne à ma suite ”. Nous devons donc
pendant notre vie être “ associés à la passion” du Christ et des martyrs. Nous
devons pour l’amour du Christ “ perdre” notre vie terrestre. A la fin, le
Seigneur nous montre son second avènement “ avec les anges dans la gloire du
Père ” ; alors nous serons associés avec lui à la consolation. Dans
les messes anciennes, l’allusion constante à la parousie est typique ; le
Seigneur est revenu à la mort du saint, et “ l’a récompensé selon ses
œuvres ”. Ce retour du Sauveur glorifié avec ses anges et son martyr, nous
pouvons le vivre au Saint-Sacrifice quand il apparaît à la consécration sous
les voiles des saintes espèces. A l’Offertoire, Dieu , dit :
“ J’ai trouvé en David mon serviteur ”. David est l’image de l’élu ;
comme lui, l’évêque est oint de l’huile sainte ; mais le martyr est oint
aussi pour le combat ; la main de Dieu le soutient dans le combat de la
souffrance. — Retenons les pensées fondamentales de la messe : communauté
de souffrance et communauté de consolation. Dans l’avant-messe, c’est la
première pensée qui domine ; dans la messe proprement dite, c’est la
seconde. D’ailleurs, c’est la signification de la plupart des messes de saints.
3. La Messe “ In
virtute ”.
La première messe d’un martyr non-pontife ! Aussi
dans cette messe, c’est la joie de la victoire remportée sur la souffrance qui
prédomine. Dès l’Introït, nous voyons (dans le prêtre qui fait son
entrée) le saint (Justus) dans sa bienheureuse glorification : il se réjouit
en la puissance de Dieu, il tressaille d’allégresse à cause du
salut ; sa soif est apaisée ; il se tient là en vainqueur avec sa
couronne ! (Tout le psaume 20 convient bien ici ; il suffit de
substituer au mot : roi, le mot : saint ; le psaume est un
cantique d’action de grâces du roi après la victoire). L’Oraison demande
que cette fête de martyr “ nous fortifie dans l’amour du nom de Dieu ”.
Nous devrions célébrer les antiques fêtes de martyrs avec une particulière
ferveur, car elles nous remplissent de l’esprit de la primitive Église. Dans l’Épître,
l’Église brosse un tableau de la vie de notre saint : “ Le Seigneur
l’a conduit dans le droit chemin et lui a montré le royaume de Dieu ; il
l’a dirigé à travers tous les combats ; il ne l’a pas abandonné dans le
besoin ; il descendit avec lui dans la fosse du cachot et fut avec lui
dans les fers ; mais il lui donna ensuite le “ sceptre de la
royauté ” et “ il lui donna la clarté éternelle ”. (Dans le
texte original, le passage se rapporte à Joseph l’égyptien ; la leçon
s’adapte bien au martyr si nous avons sous les yeux l’image de ce patriarche au
milieu de ses souffrances et dans son élévation). Le Graduel est un
véritable chant choral, un écho de l’Épître renvoyé par la communauté :“
Heureux l’homme qui craint Dieu ! Puissants sur terre, sont ses
descendants ”. Ces descendants, c’est nous qui sommes unis maintenant à
lui au Saint-Sacrifice. A l’Alleluia, nous voyons le Christ-Roi ; à
côté de lui se tient le martyr “ couronné ”. A l’Évangile, le
Maître parle (comme dans les deux messes précédentes) du portement de croix
à sa suite. Nous apprenons ainsi à comprendre la signification du martyre,
mais nous apprenons aussi à le faire passer dans notre vie ; le Christ
prononce de sévères paroles : “ Je ne suis pas venu apporter la paix, mais
le glaive ” ; ce n’est pas une vie de repos ni une vie bucolique que
la vie du chrétien, mais une vie de combat. Il faut d’abord mener la guerre
contre la chair et le sang ; mais il faut surtout “ prendre la croix sur
soi” et suivre le Christ. (Remarquons que cette exigence est exprimée par le
Maître dans les trois messes !) Jésus montre sans cesse le saint martyr
qui a satisfait à cette exigence. Mais nous aussi, bien que ne pouvant pas
soutenir d’aussi rudes combats que notre saint, nous pouvons cependant partager
avec lui l’honneur d’être “ les témoins” du Christ si, pour notre modeste
part, nous rendons témoignage au Maître, même si ce n’est qu’un verre d’eau que
nous donnons à ses serviteurs. A l’Offertoire encore, nous voyons le
saint s’avancer à l’autel, paré de la couronne des héros. A la communion, nous
ne chantons pas, comme précédemment, un cantique de gloire pour le saint et
pour nous, mais une grave parole du Christ : “ Quiconque veut me
suivre, qu’il prenne sa croix... ” Pourquoi cela à la communion ? La
suite des pensées est peut-être celle-ci : l’Église veut dire : Après
le Saint-Sacrifice commence ton chemin de croix ; et la source de ta
force, c’est ce banquet sacré.
4. La Messe
“ Laetabitur ”.
La seconde messe pour un martyr non-pontife. Nous voyons
le saint martyr (Justus) dans la gloire du ciel et nous nous réjouissons
tous ; c’est l’image fondamentale de la messe d’aujourd’hui (Intr.) ;
le psaume 63 peint très bien le martyre (“ c’étaient des flèches
d’enfants que les coups des méchants ”). L’Épître est une
prédication venant de la prison du saint martyr qui, “ pour annoncer la
résurrection du Maître, s’est sacrifié jusqu’aux fers, comme s’il était un
criminel ”. Et il nous assure qu’il souffre aussi pour nous, “ les élus ”, afin
que nous “ obtenions le salut ”. Maintenant il nous exhorte à une
semblable patience dans les souffrances et les persécutions. “ Tous ceux qui
veulent vivre pieusement dans le Christ Jésus souffriront persécution ”.
Nous marchons ainsi sur les traces du saint martyr, comme martyrs du Christ
nous-mêmes. Le Graduel exprime de nouveau une pensée de la communauté
sur notre saint : Dans ses tourments il a été abattu, mais le Seigneur lui
a tendu la main ; maintenant, dans sa gloire, il se tient de nouveau
debout. Il a fait le bien pendant sa vie, aussi est-il maintenant comblé de
bénédictions. A l’Alleluia, nous entendons le Maître parler : il
veut nous conduire à travers la nuit vers la lumière ; il en fut ainsi du
martyr, il en sera ainsi de nous. A l’Évangile, c’est le Seigneur
lui-même qui nous exhorte à le confesser sans crainte ; maintenant,
dans l’obscurité de l’église, il nous adresse à l’oreille de saintes
paroles ; nous devons ensuite sortir et le “ confesser ” devant les
hommes, sans craindre ceux qui ne peuvent tuer que le corps. Tandis que le
Seigneur nous adresse cet enseignement, il nous montre le saint du jour qui a
réalisé ces paroles. Le chant de l’Offertoire éclate comme une réponse
aux dernières paroles du Maître : nous voyons le saint “ reconnu” devant
le Père céleste et couronné de “ la couronne de vie ”. A la Communion,
le Maître nous murmure de nouveau à l’oreille : Suivre le Christ ici au
banquet sacré, mais aussi dans sa Passion et sur la croix.
b) Le Commun de plusieurs martyrs.
Comme la liturgie se représente les saints présents devant
elle, elle s’applique aussi, dans ses textes, à les désigner par le singulier
ou par le pluriel. C’est la raison pour laquelle le commun établit cette
distinction. Trois formules différentes nous sont ici présentées ; la
distinction entre martyrs-pontifes et martyrs non-pontifes n’existe pas.
1. La Messe
“ Intret ”.
Cette messe diffère beaucoup des autres messes de
martyrs ; car ici ce n’est plus tant le triomphe qui est au premier plan que les tortures du martyre. La
messe commence par un ardent appel de l’Église qui voit ses enfants languir
dans les prisons. Imaginons que nous sommes au tombeau de nos martyrs ;
pendant la vigile nocturne, nous avons lu les actes des martyrs ; nous
sommes là maintenant pour célébrer la messe. Les saints se tiennent au milieu
de nous. Tout d’abord, c’est le sentiment de l’homme selon la nature qui
s’empare de nous devant le spectacle présent : nous entendons les
“ soupirs des martyrs enchaînés ”, nous voyons comment leur sang a
coulé. Alors l’homme naturel se révolte, il fait appel à la justice (Intr.).
Notre mère l’Église cherche maintenant à nous inspirer des sentiments plus
élevés. L’Épître prend le ton d’une consolation venue du ciel :
“ Les âmes des justes sont entre les mains de Dieu. Aux yeux des insensés
ils ont semblé mourir, mais ils sont dans la paix (c’est-à-dire dans la
gloire) ; Dieu les a éprouvés et les a trouvés dignes de lui… ils ont été
pris comme victimes, maintenant ils resplendissent et ils règnent ; le
Seigneur est leur roi à jamais ”. Comme l’Église sait nous enthousiasmer
nous aussi pour le sacrifice ! Maintenant nos pensées sont déjà tout
autres ; de la plainte nous avons passé à la louange de Dieu ; si, à
l’introït, nous n’avons pu comprendre le regard impassible de Dieu, maintenant
nous glorifions sa souveraineté et la force de son bras dans le martyre des
saints. Comme la nature et la grâce jugent différemment d’une seule et même
chose ! A présent nous comprenons le secret du martyre : “ Les corps
des saints sont ensevelis dans la paix ; mais leur nom vit ” (Allel.).
A l’Évangile, nous entendons de la bouche même du Christ l’annonce
de son retour ; les paroles suivantes font également allusion au
martyre : “ Ils porteront la main sur vous, ils vous persécuteront... ils
vous traîneront devant les rois et les juges à cause de mon nom... vous serez
haïs par tous ”. Cela s’est réalisé à la lettre pour nos saints. Nous
aussi, unis à eux par le lien du corps mystique du Christ, nous devons être les
témoins du Christ : “ Par votre patience vous serez maîtres de votre
âme ”. Aujourd’hui apportons au moins à l’autel le martyre de notre vie en
sacrifice. La Communion est pour nous une, force dans les épreuves.
Remarquons encore la différence qui existe entre les deux chants extrêmes de la
messe : A l’Introït, nous avons sur le martyre des pensées encore
toutes naturelles ; au cours de la messe, notre regard s’est purifié.
Maintenant, à la fin de la messe. à la Communion, nous portons sur le
martyre un regard surnaturel : c’est Dieu qui éprouve les martyrs. Ils
sont l’or qui doit être débarrassé de ses scories, ce qui n’est possible que
par le feu de la souffrance. Le martyre est le sacrifice total, agréable à
Dieu, qui, uni au sacrifice du Christ,.constitue l’œuvre la plus haute. Mais le
contraste entre ces deux pensées trouve une application particulièrement typique
dans la messe : L’homme entre au sanctuaire avec ses sentiments naturels,
comme s’il n’était pas racheté ; mais, au Saint-Sacrifice, il est consacré
avec ses souffrances et son travail. Il vient à la messe encore tout
charnel ; il repart chez lui pacifié et consolé. Dieu ne lui a pas enlevé
la croix, il l’a seulement transfigurée.
Cette messe est la messe
propre des saints médecins Cosme et Damien ; c’est ce qui explique le début
de l’Évangile concernant les guérisons opérées par le Seigneur. L’Introït
loue également la “ sagesse ” de ces saints. Plus tard la messe prit
place dans le commun.
A l’Introït, “
l’assemblée des chrétiens ” et les “ peuples ” venus de loin
entrent dans l’église où se trouve le tombeau des saints et admirent leur
“ sagesse ”. En même temps nous invitons les saints à “ se
réjouir dans le Seigneur ”. Dans l’Épître, c’est encore l’Église
qui glorifie les saints : “ Les justes vivent pour l’éternité, et
leur récompense est auprès du Seigneur... ” “ C’est pourquoi ils
recevront le royaume de sainteté et une précieuse couronne des mains du
Seigneur ”. Mais les saints seront aussi, dans le combat spirituel qui
fait rage jusqu’à la fin autour du royaume de Dieu, des combattants bien
armés ; ils nous accorderont aussi leur protectIon. Au Graduel, nous
entendons parler les martyrs : Nous étions comme des passereaux que
l’oiseleur a pris dans son filet ; mais le filet a été déchiré, Dieu nous
a délivrés (c’est ainsi qu’ils décrivent leur martyre). A l’Alleluia, nous
voyons encore une autre image : nous voyons les justes là-haut, au banquet
des noces célestes, dans la joie et la jubilation. Pour comprendre l’Évangile,
il faut se rappeler que l’on avait coutume autrefois de porter les malades
aux tombeaux des martyrs ; on déposait aussi volontiers les malades sur
des linges qui avaient touché le tombeau. On était persuadé qu’une vertu
émanait de leurs corps sacrés. L’Évangile présente aussi un beau mystère
en action, c’est-à-dire que la scène se renouvelle sous une forme mystique au
Saint-Sacrifice : “ Un peuple nombreux ” (c’est-à-dire nous) est
rassemblé pour être guéri de maladies de l’âme. Jésus descend de la montagne
(céleste) dans la plaine (vers nous). “ Et tout le peuple cherchait à le
toucher (autrefois chaque fidèle recevait la Sainte Hostie dans sa main) et une
vertu sortait de lui (de la Sainte-Eucharistie). Il En même temps, le Seigneur
proclame nos saints martyrs bienheureux, car ils ont réalisé dans leur vie les
béatitudes. spécialement la quatrième : “ Bienheureux serez-vous quand les
hommes vous haïront, vous rejetteront, vous couvriront d’injures et vous
raviront votre réputation à cause du Fils de l’homme ; réjouissez-vous
et exultez car votre récompense est grande dans le ciel ”. A
l’Offertoire, nous portons un regard sur le ciel et là nous voyons cette
promesse réalisée : les saints, dans leur demeure céleste, dans la gloire
et dans la joie, louant Dieu. A la Communion, le Seigneur nous parle (il
nous appelle ses amis) : “ Ne craignez pas en présence de vos
persécuteurs ”. Il nous donne deux motifs (bien que non exprimés) de cette
assurance : Regardez les martyrs, ils n’ont pas craint et ils sont
maintenant glorifiés ; pensez aussi que je suis avec vous ;
l’Eucharistie est votre puissance et votre force. (N’oublions pas que l’antienne
de la communion doit être chantée pendant la distribution de la Sainte
Eucharistie).
3. La Messe “ Salus
autem ”.
Dans cette troisième messe, le thème du retour du
Seigneur se fait entendre de nouveau avec force. Nous pouvons définir le
caractère de la messe à peu près comme ceci : le Christ apparaît au
Saint-Sacrifice avec la “ phalange des martyrs vêtus de blanc ” ; c’est
l’anticipation de son retour au jour du jugement (Ép. et Év.).
L’Introït chante la vie des martyrs (le psaume tout entier éclaire le sens
de l’image) : Les méchants étaient puissants et heureux, ils opprimaient
les bons, ils les torturaient même et les conduisaient à la mort ; mais
Dieu fut le salut des bons, il ne les abandonna pas au temps de la nécessité.
Dans l’Épître, les martyrs nous parlent. Ils nous parlent des “ jours
passés ” où les premiers chrétiens, “ après leur illumination (le
baptême), avaient à soutenir une dure persécution ”. Ils languissaient
dans les prisons, supportaient avec joie la perte de leurs biens... Maintenant
ils se tournent vers nous et nous demandent : Voulez-vous devenir nos
compagnons ? “ Il est nécessaire que, vous aussi, vous pratiquiez la
patience ; c’est le seul moyen d’accomplir la volonté de Dieu ”. L’épreuve
ne sera pas de longue durée ; le Seigneur “ viendra bientôt et il ne
tardera pas ” (en ce moment, à la messe, il anticipe déjà son retour). Le Graduel
est encore un écho de l’Epître : Dans leur besoin, les martyrs ont
jeté un cri d’appel et Dieu les a entendus ; il en sera de même pour nous,
car Dieu est proche de ceux qui ont le cœur oppressé et il élève ceux qui ont
l’esprit abattu ”. A l’Évangile, le Seigneur apparaît dans la
splendeur de ses martyrs (Allel.) et il nous insuffle l’esprit des
martyrs : Ce que le Seigneur nous révèle dans le silence des saints
mystères, nous devons le réaliser dans le monde ; aussi nous ne devons
rien craindre des hommes, qui ne peuvent tuer que le corps. La seule crainte
que nous devions avoir, c’est celle de la mort éternelle ; à part cela,
nous n’avons rien à craindre. Nous devons savoir que nous sommes en toute
tranquillité entre les mains de Dieu ; pas un seul cheveu ne tombera de
notre tête sans sa permission. Confessons donc le Christ sur la terre
.et le Christ nous confessera “ devant les anges de Dieu ” au Jour de
son retour. Les deux lectures nous insufflent donc l’esprit des martyrs :
dans la première, ce sont les martyrs qui nous parlent ; dans la seconde,
c’est le Christ ; ces deux paroles tendent au même but et atteignent leur
point culminant dans le thème de la parousie du Seigneur. A l’Offertoire, nous
considérons le martyre d’un point de vue plus élevé : “ Les âmes des
justes sont dans la main de Dieu… ; aux yeux des insensés ils ont paru
mourir, mais, en réalité, ils sont dans la paix ”, c’est-à-dire dans la
glorieuse béatitude. La Communion évoque le souvenir des catacombes d’où
sont sortis les martyrs. Ce que le Maître leur a dit à l’oreille là, au
Saint-Sacrifice, dans le silence de la nuit, ils le proclament et le confessent
devant le monde ; c’est aussi notre devoir. Le matin, à la messe, le
Christ vient à nous silencieusement, pour ainsi dire dans l’obscurité, et il
nous parle à l’oreille ; ensuite, il nous faut retourner dans le monde
hostile comme les témoins du Christ.
5. Le Commun des Confesseurs.
“ Ayez les reins ceints et une lampe
allumée à la main.
Vous devez être semblables à des serviteurs qui
attendent leur maître quand il reviendra de la noce.
Soyez donc sur vos gardes, car vous ne savez
pas à quelle heure le Maître reviendra ”.
Le confesseur est, dans l’esprit de l’Évangile, le
chrétien idéal qui, dans la nuit de la vie terrestre, il attend, les reins
ceints et une lampe allumée à la main, le retour de son Maître ”. Cette
attitude, il nous est bien facile de l’imiter.
La liturgie partage les confesseurs en quatre
groupes : les Confesseurs-Pontifes, les Docteurs de l’Eglise, les Abbés et
les autres Confesseurs.
Ce commun comprend deux formules de messe ; la
première envisage plutôt la vocation, pleine de grâces, du saint ; la
seconde, plutôt l’honneur du sacerdoce dans sa plénitude.
1. La Messe
“ Statuit ”.
L’évêque est le “ dispensateur ” fidèle des
sources de la vie divine dans l’Église, de la parole de Dieu et des
sacrements ; en lui, le sacerdoce suprême du Christ c, trouve aussi sa
pleine expression. Le prêtre à l’autel est son représentant et son suppléant.
Nous avons, donc aujourd’hui l’équation suivante : le saint du jour
— le Christ — le prêtre à l’autel. Dans les actes et les mouvements du prêtre
le texte de la messe voit toujours le saint et, en lui, le Grand-Prêtre divin.
Quand le prêtre s’avance vers l’autel, c’est notre saint évêque. L’Église
glorifie sa vocation pleine de grâces : “ Le Seigneur lui a confié le
testament de paix ” (c’est-à-dire les trésors de l’Église) ; il est un
prince dans le royaume de Dieu, il est prêtre à jamais (Intr.). Maintenant
l’Église chante le psaume 131 ; il exprime un double serment : David
a juré au Seigneur de lui bâtir une demeure ; Dieu a juré à David de lui
donner le trône royal éternel. David est ici la figure de notre saint évêque,
qui a si bien servi l’Église qu’il reçoit la récompense éternelle et des grâces
pour l’Église. L’Épître célèbre de nouveau la vocation pleine de grâces
du saint évêque. “ Voici devant vous (dans la personne du prêtre) le
grand-prêtre (le saint, mais aussi le Christ) qui pendant ses jours mortels a
plu à Dieu ” ; il apporta et appliqua la rédemption ; son exaltation
est célébrée en termes enthousiastes : “ il lui a donné la couronne
de gloire, il a conclu avec lui une alliance éternelle... il devait être son
prêtre et glorifier son nom et lui offrir un digne encens en agréable odeur ”.
Le Graduel est l’écho de l’Épître dont il ne fait que reprendre les
paroles avec admiration ! Mais à l’Evangile, devant nous se tient
le Grand-Prêtre divin qui veut offrir le sacrifice “ selon l’ordre de
Melchisédech ”. C’est encore une indication très nette sur le caractère
mystique des messes anciennes : Le maître à Ion retour demande
compte des talents confiés. Ces talents sont les grâces du sacerdoce ;
aujourd’hui, au jour de sa mort, notre évêque “ entre dans la joie de son
Maître ” ; nous n’avons pas reçu un aussi grand nombre de
talents ; cependant nous devons, nous aussi, faire fructifier fidèlement
les deux talents. Maintenant commence le Saint-Sacrifice : le saint évêque
est à l’autel ; “ David oint de l’huile sainte ”, il se tient là
au nom du Christ ; “ le bras” du divin Grand-Prêtre le soutient (Offert.).
A l’Offertoire, nous déposons sur l’autel tous les talents de notre
vie ; au SaintSacrifice, “ le maître de ces serviteurs est revenu pour
nous demander compte, mais aussi pour nous donner la grande récompense ”.
Le gage de cette grande récompense est l’Eucharistie que le saint évêque nous
présente aujourd’hui à la communion, “ comme le serviteur fidèle que le Maître
a établi sur sa famille et qui nous présente maintenant la mesure convenable du
divin froment. (Comm.). La Postcommunion est, elle aussi,
remarquable : nous commençons par remercier pour les dons reçus (il est
rare que cette oraison exprime le remerciement), mais nous demandons aussi “ de
plus grands bienfaits ”. Y a-t-il donc quelque chose de plus grand que
l’Eucharistie ? Elle est la nourriture des âmes pour la vie de
grâce ; le plus grand bienfait est la vie de gloire.
2. La Messe
“ Sacerdotes ”.
Dans cette messe, plus rarement utilisée, Je sacerdoce
nous est montré, mieux encore que dans la précédente, comme une participation
au sacerdoce suprême du Christ. Nous voyons de nouveau, dans le prêtre qui
célèbre, notre saint du jour arriver à l’autel (autrefois l’entrée du clergé se
faisait solennellement) et offrir le SaintSacrifice. Nous avons aujourd’hui
l’équation suivante : le prêtre — le saint du jour — le Christ, souverain
prêtre. L’avant-messe considère la dignité de pontife. Le saint évêque revêt
les ornements de la messe, “ le vêtement de la justice ” ; à sa vue, nous
exultons de joie, nous “ les saints ”, car à cause de ce saint (David est
une figure), en ce moment, à la messe, “ le Christ lui-même tourne sa face
vers nous ”. Le psaume 131 contient les deux serments réciproques de Dieu et de
David : David (la figure de notre saint évêque) travaille fidèlement au
bien de l’Église. L’Épître nous montre le fondement le plus profond de
la dignité sacerdotale : le prêtre est la manifestation visible du
Grand-Prêtre éternel, le Christ : par le sacerdoce “ le Christ vit sans
cesse comme médiateur pour nous ” ; son sacrifice unique — il est à la
fois prêtre et victime — nous est appliqué et rappelé dans l’Eglise par le
sacerdoce. L’Épître nous expose en quelques mots la haute signification
de la sainte messe et des fonctions sacerdotales, mais aussi la stricte
obligation pour le prêtre d’être “ saint, innocent, pur, séparé des
pécheurs ”. Notre saint évêque a satisfait à cette exigence ; le
vêtement sacerdotal est un symbole de cette pureté dont nous, “ les saints
”, nous nous éjouissons (Grad.). A l’Évangile, le Grand-Prêtre
éternel paraît lui-même ; c’est pourquoi le chant de l’Alleluia le
célèbre déjà. L’Évangile fournit de nouveau un très beau cadre au
mystère : notre évêque est le “ serviteur fidèle et prudent que le Maître
a établi sur sa famille ”. Jusqu’à son “ arrivée ”, le Maître nous
donne, dans son image et son représentant, le prêtre célébrant, “ la
nourriture” (l’enseignement et l’Eucharistie) en temps opportun (c’est-à-dire
maintenant). Notre saint évêque a été trouvé fidèle à l’arrivée du Maître (au
moment de sa mort) ; cette arrivée, nous pouvons la vivre maintenant, à la
sainte messe, en union avec notre saint au jour anniversaire de sa mort. C’est
pourquoi, à la Communion, nous devenons aussi le “ serviteur vigilant
que le Maître établit sur tous ses biens ”. L’Eucharistie est le gage de
ces biens éternels. Remarquons que l’antienne de Communion n’a un sens
que si elle est accompagnée de la distribution de l’Eucharistie.
La messe (In medio) du commun des Docteurs est tout à fait
suggestive ; l’Église voit dans le prêtre qui célèbre notre Docteur (les
textes deviennent ainsi plus intelligibles). Quand le prêtre (autrefois
l’évêque) monte à l’autel, revêtu des ornements sacerdotaux, l’Église
chante : “ Au milieu de l’Église, Dieu ouvre sa bouche, le Seigneur le
remplit de sagesse et d’intelligence ; il l’a revêtu du vêtement de
gloire” (Intr.). Le Docteur de l’Église nous parle aujourd’hui encore
dans l’Église de Dieu. Il nous adresse la parole dans la personne du
prêtre ; les ornements sacerdotaux sont l’image de la stola gloriae, du
vêtement de gloire. Dans le psaume 91, nous glorifions Dieu dans ses saints. L’Oraison,
elle aussi, vaut la peine d’être méditée : le Docteur est pour nous
ici-bas un doctor vitae, un maître de vie (c’est-à-dire de la vie orale et
aussi de la vie divine), mais en même temps aussi un intercesseur au ciel. Dans
l’Épître, nous voyons le saint marcher sur les traces de saint
Paul ; il fut un soldat et un héraut intrépide et infatigable du royaume
de Dieu — à “ temps et à contretemps ” il a “ exercé le ministère de
l’évangéliste ”. En ce jour, celui de sa mort, pour lui celui du retour du
Maître, il peut nous dire : “ J’ai combattu le bon combat, j’ai
terminé ma course... à présent m’a été réservée la couronne de justice que me
donnera en ce jour le Seigneur, le Juge équitable ”. Nous pouvons aujourd’hui
vivre, en union avec le saint, à la messe, le retour du Maître. Le saint
Docteur est le sel de la terre, une lumière de l’Église, une ville sur la
montagne (il nous suffit de penser à l’évêque assis dans l’église sur son trône
surélevé), une lumière placée sur le chandelier dans la maison de Dieu ;
nous pouvons devenir, nous aussi, un petit flambeau, en allumant notre lumière
à la sienne. Il est appelé grand dans le royaume des cieux, parce qu’il agit et
enseigne (Évang.). Quand nous nous présentons à l’autel pour y apporter
nos dons, alors le saint Il se développe” en nous : il est comme un
palmier ou un cèdre qui “ croît ” ; nous devenons semblables à lui (Offert.).
A la Communion, nous voyons de nouveau dans le célébrant le Docteur
de l’Église : Nous voyons en esprit l’évêque de la primitive Église dans
son ministère liturgique, comme, prédicateur et prêtre ; dans
l’avant-messe, nous entendons son enseignement ; au Saint-Sacrifice, nous
le voyons distribuer la Céleste Nourriture ; enseignement et Eucharistie
sont le double froment de Dieu que l’administrateur de la famille de Dieu
distribue “ avec prudence et fidélité ”. Aujourd’hui encore, ce même
froment nous est distribué par le prêtre célébrant dans l’esprit du saint du
jour.
c) Le Commun des Abbés
La messe du commun des Abbés (Os justi) se rattache en
partie au commun des Confesseurs-Pontifes et en partie au commun des
Confesseurs non-Pontifes. L’Abbé tient le milieu entre l’évêque et le
confesseur : dans sa famille religieuse, il est chef et père ; mais,
par contre, il ne jouit ni du pouvoir ni du caractère épiscopal. La messe
exprime bien ces deux aspects ; nous le voyons sous les traits de
l’administrateur fidèle et prudent qui, placé à la tête de sa “famille ”
religieuse, lui distribue en temps opportun la mesure de froment (Comm. ;
cette même antienne se retrouve au commun des confesseurs pontifes et à
celui des docteurs de l’Église). Le moine a fidèlement suivi le conseil du
Maître, il a “ tout quitté ”, “ maison, frères, père, mère et champs ”,
pour l’amour du Maître ; c’est pourquoi, au retour du Maître, il aura plus
large part que d’autres à sa gloire (Évang.). Aujourd’hui, au jour de sa
mort, il est entré dans la gloire ; aujourd’hui “ le désir de son cœur. a
été comblé, il a été couronné de la“ couronne de pierres précieuses ” (Grad.,
Offert.). Nous pouvons nous aussi à la messe participer à cette
glorification. Dans la Leçon, il est question de son élévation à la
dignité d’Abbé, de la mystérieuse conversation entre Dieu et lui. Dans le texte
original, le passage concerne Moïse ; à coup sûr, il y a une belle
ressemblance entre Moïse et l’Abbé.
d) Le Commun des Confesseurs non-pontifes.
Ce commun comprend deux formulaires de messe ; la
première est la messe type des confesseurs ; nous la nommerons la messe du
“ serviteur vigilant -. Tandis que cette messe a un caractère plus positif, la
seconde fait ressortir le côté ascétique de la vie chrétienne, le renoncement à
soi-même.
La messe du “ serviteur vigilant ” s’apparente
étroitement à la “ messe nuptiale” des Vierges ; toutes deux mettent
l’accent sur l’attente du retour du Maître comme sur le trait essentiel de la
vie chrétienne. Le juste découvre et expose la véritable sagesse ; c’est
le titre de notre messe (Intr.). L’image symbolique se trouve dans
l’allégorie du serviteur vigilant qui, “ les reins ceints et une lampe allumée
à la main, attend le retour de son maître ”. Telle fut la vie de notre saint.
Dans la nuit de la vie terrestre, il se tenait toujours prêt à partir, et la
lumière de son amour pour Dieu brillait d’un éclat ininterrompu ; sa vie
fut une attente du retour de son Maître. A l’heure de la mort le Maître a “
frappé ”, et le saint lui a “ aussitôt ouvert ” ; “ le Maître l’a
trouvé veillant ”, il l’a accueilli au banquet céleste et l’a
“ servi ” de ses propres mains. Aujourd’hui, à la messe, nous
n’évoquons pas seulement le jour auquel le Maître est revenu pour notre
saint ; sa glorification est rendue présente dans l’Eucharistie et, unis
au saint, nous pouvons prendre part à la rencontre du Maître à son retour. L’Évangile
parle aussi de nous. Au SaintSacrifice et à la communion, ceci est
mystérieusement vrai : le Maître frappe, nous lui ouvrons, il nous invite
au banquet des noces ; “ transiens ministrabit ” — “ en passant il nous
sert, c’est la plus belle expression de l’Eucharistie ; en passant, par
opposition à “ l’éternelle jouissance de sa Divinité" au ciel. Notre
devoir est de “ veiller” avec le saint, les reins ceints et la lumière en main.
Alors, dès maintenant nous participons déjà à l’empire sur tous ses biens. Ici
encore, l’on voit le sens profond de la Communion, quand, au moment de
la réception de l’Eucharistie, on récite l’antienne : “ quand le Maître
vient ”. — Les autres parties de la messe ne réclament aucune explication
particulière. A Introït, on remarque que le premier verset du psaume
suppose le psaume tout entier (ce verset n’a justement aucun rapport avec la
fête) ; la leçon présente le portrait de “ l’homme fort” qui, en présence
du monde, demeure incorruptible ; l’ecclesia sanctorum, que nous sommes,
célèbre maintenant ses bonnes œuvres. Le saint “ fleurit comme le palmier ”, et
“ comme le cèdre il croît” en nous qui, au SaintSacrifice, lui sommes unis
mystiquement (Grad.) ; la souffrance ne lui a pas été épargnée
pendant sa vie ; c’est pourquoi il a reçu à sa mort et maintenant encore,
au Saint-Sacrifice, la couronne de vie et de paix a (Allel.).
Les deux messes du commun se complètent : la première
fait ressortir plutôt le côté positif, la seconde plutôt le côté négatif de la
dignité de confesseur. Dans la première, l’image qui prédomine est celle du
serviteur qui, les reins ceints et la lampe allumée en main, attend le retour
de son maître ; c’est donc une préparation et une attente de la parousie.
Dans la seconde, celle d’aujourd’hui, la pensée qui est au premier plan, c’est
celle de la mortification et du renoncement à soi-même. Le confesseur s’est
dégagé de l’emprise du monde ; il a “ tout quitté et a suivi le Maître
” ; ces paroles de la Communion pourraient servir de titre à notre
messe. La structure de la messe est belle et claire : A l’Introït, nous
passons devant les arbres plantés dans l’atrium de la basilique et nous voyons
notre saint représenté par le palmier fécond et par le cèdre élevé. A l’Épître,
il se tient au milieu de nous comme prédicateur : il établit une
comparaison entre lui et nous ; la conclusion en est triste : comme
nous sommes encore attachés à la terre, ambitieux, cupides, vaniteux ! —
Lui, il passe, raillé comme un fou, en proie à la faim et à la soif, comme un
rebut de l’humanité, à travers le monde. Pourtant le saint semble craindre
d’avoir été trop sévère et trop dur pour nous ; il s’excuse, il ne voulait
que nous ramener au bien, nous, ses enfants bien-aimés. A l’Évangile, le
Christ nous parle : “ Ne crains pas, petit troupeau... ” Quelle
consolation pour nous ! Quiconque veut suivre le Christ sur le chemin
escarpé des cimes est condamné à cheminer seul, tandis que la foule s’écoule
sur la large grand-route. Mais voici l’exhortation : Renonce aux biens de
la terre ; ton trésor doit être en dépôt au ciel. “ Où est votre
trésor, là aussi sera votre cœur ! ” Tandis que les fidèles reçoivent
le Pain du ciel, le Christ parle de la récompense au centuple pour laquelle il
faut tout quitter et le suivre (Comm.). Il donne en ce moment le gage et
les arrhes de cette récompense.
6. Le Commun des Vierges.
“ Au milieu de la nuit retentit le cri :
Voici que l’époux est là ! Sortez à sa
rencontre !
Vierges prudentes, préparez vos lampes ”.
Ce commun comprend quatre formules, deux pour les
Vierges-Martyres et deux pour les simples Vierges.
1. La Messe “ Loquebar ”.
La première messe d’une Vierge-Martyre entrelace les deux
couronnes du martyre et de la virginité. La sainte se présente à nous à l’Introït
et nous parle de son “ témoignage ” : “ Devant les rois
j’ai confessé ton témoignage et je n’ai pas été confondue ” ; mais
elle parle aussi de sa virginité volontaire : “ J’ai médité tes
commandements que j’aimais par-dessus tout ”. Le verset du psaume chante
la vie toute pure de la vierge. La Leçon est un hymne d’action de grâces
après la victoire du martyre : “ Je te glorifie ; Maître et Roi...,
car tu as été mon aide et mon protecteur. Tu as arraché mon corps à la
corruption... aux bêtes rugissantes qui voulaient me dévorer, à la flamme
brûlante qui m’encerclait... C’est pourquoi mon âme veut jusqu’à la mort
glorifier le Seigneur ”. Il nous semble voir le Colisée, à Rome, où la vierge a
précisément consommé son martyre. Dans les deux chants qui suivent et dans l’Évangile
(des vierges sages) auquel ils servent d’introduction, le thème nuptial résonne
clairement. Le cantique nuptial de l’Église, le psaume 44, nous présente
l’Époux, le Christ, et l’Épouse, l’Église ; notre vierge est l’une des
épouses-vierges qui composent la suite du Roi. L’Évangile complète
l’allégorie ; notre sainte est une des cinq vierges sages qui ont rempli
leurs lampes avec l’huile de l’amour du Christ, leur Époux, et qui attendent la
venue de l’Époux. Il est venu à la mort de la vierge et, à la messe, nous
pouvons nous aussi nous porter, sous la conduite de la vierge, avec nos lampes
pleines d’huile, à la rencontre de l’Époux. A l’Offertoire, nous sommes
les vierges présentées et offertes avec la sainte (“ post eam ” —
“ à sa suite ”) — (les anciens textes portent non pas “
afferentur ”, mais “ offerentur ” ; c’est donc un véritable Offertoire).
A la Communion, la liturgie revient à la pensée du martyre ; la
sainte parle encore de sa confession et de sa fidélité à Dieu. Unis à elle et
fortifiés par l’Eucharistie, nous pouvons faire la même promesse.
2. La Messe “ Me
exspectaverunt ”.
Cette seconde messe d’une Vierge-Martyre diffère de la
première en ce que la pensée du martyre y est exprimée avec plus de force. A l’Introït,
la martyre se tient devant nous et nous l’entendons dire : “ Les
pécheurs me guettent..., mais je garde tes commandements dans mon cœur ”. La Leçon
est un hymne d’action de grâces après la victoire du martyre. “ Mon
Seigneur et mon Dieu, tu as élevé ma demeure au-dessus de la terre. J’ai prié
pour que la mort s’éloigne. J’ai fait monter un appel vers le seigneur, afin
qu’il ne m’abandonne pas au jour de ma tribulation… je louerai ton nom…, car tu
m’as arrachée à la corruption… ” Le Graduel compare la sainte à la
ville de Jérusalem, qui, bien qu’entourée d’ennemis, demeure
inébranlable : “ La violence du torrent réjouit la cité de
Dieu ; le Très-Haut a sanctifié sa tente… ” Dieu ne chancelle point
dans l’âme de la sainte. La “ violence du torrent ”, c’est le martyre
suscité par l’enfer. A l’Evangile, nous voyons comment la vierge a
cherché et trouvé le “ trésor unique ”, la “ perle
précieuse ”, le royaume de Dieu ; pour lui, elle a renoncé à tout
bonheur, à toute richesse de ce monde, même à la vie. A l’Offertoire
retentit le thème nuptial ; nous voyons la vierge se présenter dans la
fleur de sa beauté devant son Epoux (l’autel, c’est le Christ ; à
l’offertoire, les fidèles se présentent à l’autel). A la Communion, la
martyre apporte son témoignage. Nous faisons de même à son exemple et avec le
secours de l’Eucharistie : “ J’ai le chemin du péché en abomination ”.
La troisième messe est bien, parmi les messes du commun,
celle qui présente la plus parfaite unité ; une vraie messe nuptiale.
L’Eglise est l’Epouse sans tache du Seigneur, et elle se manifeste dans la
vierge que nous fêtons aujourd’hui et qui est mystérieusement présente parmi
nous en ce moment ; mais celle-ci est aussi notre modèle, et non seulement
nous sommes mystérieusement unis à elle aujourd’hui, mais nous partagerons un
jour réellement son sort. Pour terminer l’allégorie, nous sommes aujourd’hui,
dans la personne de la vierge, l’épouse du Christ, l’Église. Cette allégorie se
développe à travers toutes les parties de la messe ; l’Évangile la
précise et nous offre en même temps le mystère en action : la sainte et
nous, nous sommes les épouses-vierges qui, dans la nuit de cette vie, allons,
avec la petite lampe lumineuse de l’amour du Christ, au-devant de l’Époux
arrivant pour les noces. Cela sera une réalité au second avènement du Seigneur
(et à notre mort) ; pour le moment, à la messe, c’est une anticipation de
la réalité. Maintenant nous comprenons la signification profonde de la messe
d’aujourd’hui. — A l’Introït, nous chantons le cantique nuptial ;
l’arrivée à l’église est aujourd’hui un cortège nuptial : la sainte en
tête, nous à sa suite ; représentons-nous l’arrivée solennelle à l’autel
de l’évêque revêtu des ornements pontificaux ; pendant ce temps, nous
chantons le psaume 44 en entier, le cantique nuptial : le Christ,
l’Époux royal — l’Église, la vierge, — moi : l’épouse du Roi.
Considérons-nous maintenant comme des épouses du Christ. A l’Épître, on
nous adresse de nouveau la parole comme aux épouses du Christ ; l’Époux a
pour son épouse un amour jaloux ; il ne veut partager avec personne la
possession de l’épouse ; c’est en vierge intacte qu’elle doit se présenter
au Christ, son époux. Le thème nuptial se poursuit dans tous les morceaux de la
messe : Quand le diacre, paré des ornements de fête, monte en une
procession solennelle à l’ambon avec l’Évangile (c’est-à-dire le Christ), nous
avons de nouveau une représentation du cortège nuptial. Maintenant, c’est le
chant de l’Évangile avec l’allégorie si expressive des cinq vierges sages (les
cinq vierges folles symbolisent le sombre contraste). Nous sommes ces épouses-vierges
(les acolytes portant des cierges allumés pour le chant de l’Évangile nous
facilitent cette représentation). Au Saint-Sacrifice, l’Évangile devient
réalité. A l’Offertoire, nous nous portons au-devant du Christ comme des
épouses-vierges : l’autel est le Christ ; les dons offerts sont les
lampes garnies d’huile, l’offrande à l’Époux. A l’Offertoire, on chante
de nouveau le cantique nuptial. L’antienne fournit une nouvelle image :
l’autel avec sa riche parure (d’or et de diverses couleurs) rappelle l’Épouse-Reine,
l’Église ; nous, les épouses-vierges, nous l’entourons à l’offertoire. Au
moment du sacrifice (consécration), l’Époux paraît, et, à la Communion, nous
allons de nouveau comme épouses-vierges “ obviam Christo Domino ” — à
la rencontre du Christ, notre Seigneur. “ Ecce sponsus venit — Voici que
vient l’Époux ”. Ouvre-lui ton cœur ! (Remarquons encore que
l’antienne n’a tout son sens qu’en liaison avec la communion). Nous chantons
pour la quatrième fois le cantique nuptial.
4. La Messe “ Vultum tuum
”.
Cette messe ne diffère pas essentiellement de la
précédente. Ici encore se développe pendant toute la messe le cantique nuptial
de l’Église, le psaume 44. A l’Épître, saint Paul donne comme motif
valable de la virginité la proximité du retour du Christ : “ Le délai est
court ”. La vierge peut aller au Seigneur plus facilement et avec moins de
soucis. L’Évangile est l’un des deux messes précédentes : celui des
vierges sages ou celui de la perle.
7. Le Commun des saintes femmes.
Les saintes femmes, c’est-à-dire celles qui ont vécu dans
l’état du mariage, spécialement les saintes veuves, ont, elles aussi, un commun
spécial avec deux formulaires différents, l’un pour les martyres, l’autre pour
les non-martyres.
1. La Messe “ Me
expectaverunt ”.
Cette messe diffère très peu de la messe du commun des
Vierges-Martyres ; on n’y trouve guère de textes nouveaux. A l’Introït,
la martyre se tient devant nous ; nous l’entendons dire : “ Les
pécheurs me guettent... mais je garde tes commandements dans mon cœur ”. L’Epître
est un bel hymne d’action de grâces après la victoire du martyre :
“ Je te glorifie, mon Seigneur et mon Roi..., car tu as été mon aide et
mon protecteur. Tu as arraché mon corps à la corruption... aux bêtes
rugissantes qui voulaient me dévorer, à la flamme brûlante qui
m’encerclait... ; c’est pourquoi mon âme veut jusqu’à la mort glorifier le
Seigneur ”. A ces mots, nous croyons être témoins du martyre. Les deux chants
qui suivent (Grad. et Offert.) sont empruntés au cantique nuptial
de l’Église. Tous deux nous montrent la sainte qui s’avance comme une épouse. A
l’Evangile, nous voyons comment la martyre a cherché et trouvé le
“ trésor incomparable ”, la “ perle précieuse ”, le royaume
de Dieu. Pour la possession de ce bien supérieur, elle a tout donné, bonheur,
richesses de la terre, et même la vie. Ainsi, elle l’a payé au plus haut prix.
A la Communion, nous entendons la sainte qui nous parle. Elle nous
entretient des ; persécutions de ses bourreaux ; mais elle craint
Dieu par-dessus tout. Elle se réjouit d’avoir trouvé le royaume de Dieu comme
d’avoir trouvé un grand trésor. Ces paroles, nous devons nous aussi les dire.
L’Eucharistie nous donne force contre les ennemis du salut ; mais elle est
aussi pour nous le grand trésor.
La messe du commun d’une sainte femme présente les deux
aspects de la vie féminine : la vie intérieure de la vierge et le
dévouement de la mère ; l’amour de l’épouse pour le Christ et l’apostolat
courageux : l’immanence et la transcendance du christianisme (c’est-à-dire
le contact avec les choses du monde, tout en se tenant au-dessus du monde), les
occupations de Marthe et le détachement de Marie. La messe débute, comme
souvent, par une parole de la sainte : Elle jette un regard sur sa vie passée ;
Dieu lui a envoyé mainte épreuve, mainte humiliation (veuvage,
incompréhension) ; maintenant elle reconnaît que tout cela était bien et
elle demande un martyr non sanglant : puisse la crainte surnaturelle de
Dieu l’attacher à la croix. Les deux lectures constituent une opposition
évidente. La Leçon décrit l’ideal de la femme et de la mère de famille
tout entière absorbée par ses devoirs ; elle se dépense pour son époux,
ses enfants, ses serviteurs ; elle a pour les pauvres un cœur plein de
miséricorde ; c’est donc une femme qui de ses deux pieds tient à la terre.
Les deux allégories de l’Évangile (du trésor et de la perle) nous
montrent la femme dont le cœur est tout entier au Christ ; tout ce qui est
terrestre, elle l’abandonne pour la perle précieuse du royaume de Dieu, pour
l’amour du Christ. Et pourtant l’idéal du chrétien est de savoir unir
harmonieusement ces deux devoirs opposés : l’immanence et la transcendance
du christianisme. La Leçon est un magnifique portrait de la femme que
toute femme devrait avoir toujours sous les yeux : “ Une femme forte, qui
la trouvera ? ” Dans notre sainte nous l’avons trouvée. “ La
grâce est vaine, la beauté passe ; une femme qui craint Dieu est digne de
toute louange ”. L’Évangile nous découvre la source de la grandeur et de
la beauté des âmes : c’est le trésor de l’amour du Christ. — L’Eucharistie
nous donne force et grâce pour atteindre ce double résultat : trouver le
trésor et accomplir virilement son devoir. L’Eucharistie maintiendra vivant en
nous le feu de l’amour du Christ, mais nous donnera aussi la force de répandre
ce feu au dehors. A travers les trois morceaux suivants retentit le cantique
nuptial de l’Église (le psaume 44) qui chante l’union du Christ avec
l’Église. Notre sainte n’est-elle pas précisément une figure de l’Église à la
fois mère et vierge ? Les deux lectures ne découvrent-elles pas la nature
intime de l’Église ? Nous devons reproduire les traits de notre mère.
8. La Dédicace.
1. L’anniversaire de la dédicace.
— L’Eglise célèbre très solennellement chaque année l’anniversaire de la
dédicace de ses églises pour rappeler aux fidèles leur haute dignité et leur
sainteté, mais aussi leur profond symbolisme. Elle célèbre l’anniversaire de la
dédicace de l’église paroissiale, de la cathédrale, mais aussi de ses quatre
grandes basiliques romaines, les églises-mères de la chrétienté.
Chaque église paroissiale célèbre donc deux fêtes propres
chaque année, sa fête patronymique (fête du Titulaire) et l’anniversaire de sa
consécration (Dédicace). Pour réagir contre le caractère trop souvent profane
de ces fêtes à notre époque, on doit leur rendre toute leur belle solennité
religieuse et liturgique. L’église, particulièrement l’église paroissiale, nous
est très chère, à nous chrétiens, pour beaucoup de raisons.
a) C’est pour la communauté chrétienne la vraie maison
de prière et le lieu de sacrifice ; c’est là que Dieu, la
Sainte-Trinité, a établi sa présence miséricordieuse ; l’autel représente
le Christ et devrait être pour nous dans l’église le lieu le plus saint. De
plus, au Saint-Sacrifice, le Christ descend en personne dans cette demeure à
qui, par sa visite, “ le salut est arrivé ”.
b) L’église est un symbole du royaume de Dieu sur
terre ; la Sainte Église, disons-nous, c’est la marque ou le signe de l’Église
qui permet de donner deux sens au mot (Eglise = maison de Dieu et réunion de
tous les fidèles). La maison de Dieu est le lieu où notre mère l’Église déploie
sa plus grande activité. C’est là que son cœur bat puissamment pour son Époux,
le Christ, mais aussi pour ses enfants. L’Église est édifiée sur la pierre
fondamentale des Apôtres ; c’est ce que rappellent les douze croix des
Apôtres (les douze places d’onctions sur les parois de l’église). Que le
pasteur porte son attention sur ces croix et les entoure de lumières au jour
anniversaire de la dédicace. Que la solidité, la pureté et la beauté de la
maison de Dieu soient donc un symbole de la majesté, mais aussi de la haute
valeur de notre Mère, la Sainte Eglise.
c) La maison de Dieu est pour nous la porte du ciel,
une portion du ciel, un équivalent sur terre de notre if, maison paternelle
du ciel. La liturgie a aussi souvent un caractère préfiguratif, c’est-à-dire
qu’elle est une figure et une image de la joie du ciel ! Nous trouvons ce
symbolisme dans l’office de la Dédicace, mais souvent aussi dans les messes de
l’année liturgique, surtout dans celles des derniers dimanches après la
Pentecôte. L’arrivée du clergé à l’autel est alors une figure de notre entrée
au ciel (Intr. des 18e, 23e, 24e
dimanches).
d) La maison de Dieu est enfin le symbole de l’âme
chrétienne ; cette comparaison est souvent employée par les Pères de
l’Église pour nous faire comprendre la sainteté du corps d’un chrétien :
“ Ne savez-vous pas que vos corps sont les temples du Saint-Esprit qui
habite en vous ? ” Ce symbolisme est très bien exprimé dans la
consécration des églises : les cérémonies de la consécration se déroulent
conformément à celles du baptême (exorcismes, eau spéciale pour la
consécration, vêtements baptismaux, nappes d’autel) et à celles de la
confirmation (onctions, appel du Saint-Esprit et distribution de la Sainte
Communion à la messe) ; le nom donné à l’église rappelle aussi ces deux
sacrements ; célébrons donc, comme il convient à des chrétiens, l’anniversaire
de la consécration (Dédicace) et la fête patronymique (Titulaire) de l’église.
2. La messe de la Dédicace est
particulièrement riche en pensées. Pour en comprendre le texte, nous devons
faire en sorte d’avoir toujours sous les yeux la véritable consécration de
l’église et de voir dans l’édifice de pierre l’épouse du Christ, l’Église. Chaque
fois que nous célébrons la Dédicace (ce qui arrive quatre fois par an), c’est
la fête de l’Église catholique que nous célébrons. La messe de la dédicace
est une messe d’action de grâces pour les bienfaits et les bénédictions que
nous procure la maison de Dieu ; mais elle nous expose aussi dans son
texte le riche symbolisme de la maison de Dieu. La maison de Dieu, considérée
en soi, est digne de la plus haute vénération (Grad.) : 1° Parce
que Dieu y a établi sa demeure et parce qu’il l’a choisie comme le lieu où, par
sa présence, il nous distribue ses grâces (Intr.) ; parce que c’est
le lieu où le Souverain Prêtre, Jésus-Christ, offre son sacrifice (Év., Or.)
et où Dieu a établi le centre de la prière (Or., Allel., Comm.). 2°
Elle est aussi l’image et le symbole de l’Église catholique ici-bas, de
l’Épouse immaculée du Christ qui est descendue du ciel sur notre sombre terre (Épître),
qui célèbre sans cesse de nouveau, au Saint-Sacrifice, ses noces avec son
Divin Époux. Elle est vraiment l’image de l’âme chrétienne sanctifiée par le
Baptême et l’Eucharistie (Postcommunton).
Nous pénétrons dans le sanctuaire ; nous nous
rappelons qu’il a été solennellement consacré par l’évêque ; deux
sentiments tout différents s’emparent de nous : la crainte et la joie. La
crainte (“ Que ce lieu est terrible !”), quand nous saurions
seulement que Dieu en a fait le lieu de sa présence et de sa grâce. “ Quitte
tes sandales, car ce lieu est une terre sainte ”, c’est la parole qui
retentit dans le buisson ardent. Et pourtant, elle est un “ séjour de délices,
la tente ” de Dieu sur terre parmi les hommes. Tout le psaume 83 a sa
place ici. Ce qu’était le Temple pour les Juifs, l’église doit l’être bien plus
encore pour nous, chrétiens (Intr.). Notre Mère l’Église sait que c’est
ici le lieu de la prière liturgique ; c’est ici que Pieu a promis aussi
d’exaucer nos prières (Or., Comm.). Une autre image se présente encore à
nos yeux : Nous voyons l’Épouse du Christ, richement parée, descendre sur
la terre (Épître). Oui, c’est là le mystère de la maison de Dieu :
ce n’est pas seulement une figure, c’est une portion de l’Église du Christ. “
Aujourd’hui le salut a été apporté à cette maison ” ; ce mot “ aujourd’hui
” doit être pris à la lettre. Ce n’est pas seulement jadis, quand l’évêque a
consacré l’église, c’est encore aujourd’hui, à la messe, que le Seigneur
est venu dans notre demeure terrestre et que nous, pauvres publicains, nous
pouvons le recevoir comme un hôte. Remarquons que l’Église se reporte en esprit
au jour de la consécration ; ce jour revit pendant toute la messe
d’aujourd’hui. — L’écho du chœur, au Graduel, est également
saisissant : Ce lieu est un inexprimable sacrement, ici bat le cœur de l’Église ;
la maison de Dieu est peuplée par les cohortes angéliques ; l’assemblée
des chrétiens rivalise avec elles pour louer Dieu (Sanctus). A l’Alleluia,
nous voyons le Christ venir en Roi ; nous lui offrons nos adorations
et nos louanges. A l’Évangile, mettons-nous dans la posture du
publicain. C’est avec la même humilité, le même dévouement, la même joie, que
nous voulons maintenant venir au Saint-Sacrifice. “ Voici que je donne la
moitié de tous mes biens aux pauvres ”. Faisons notre offrande avec ces sentiments,
et alors l’Offertoire élèvera son chant comme l’oblation de toute notre
vie. La formule remonte à Salomon. Lorsque le Temple fut terminé, c’est en ces
termes qu’il offrit à Dieu le sanctuaire. La Secrète, elle aussi, fait à
Dieu un “ abandon total du corps et de l’âme ”. Au Saint-Sacrifice, le Christ
vient réellement dans notre maison, dans la maison de Dieu, mais aussi dans la
maison de notre âme, et il lui “ apporte le salut ”. A la Communion, le
Seigneur nous donne l’assurance que, dans cette maison, il veut exaucer nos
prières ; mais l’Église réalise aussitôt la parole du Christ et nous donne
la Sainte Eucharistie comme gage de tous les dons et de tous les biens. A la Postcommunion,
nous voyons, sous la figure de l’église de pierre, l’Église spirituelle qui
est formée de “ pierres ” vivantes, choisies ”, et nous demandons que
cette maison “ s’élargisse” et s’agrandisse extérieurement et intérieurement.
[1] Voir pour
l’ensemble le remarquable exposé publié dans “ Betende Kirche ” de
Maria Laach, Éditions Saint-Augustin, Berlin, p. 377 et ss., dont nous avons
fréquemment suivi l’auteur.