7 NOVEMBRE - Dans l’octave de la Toussaint (semi-double)

“ Seigneur, ils ont pratiqué la justice,. ils habitent maintenant dans votre demeure et se reposent sur votre sainte montagne. ” (Antienne)
1. Pensées de la Toussaint. — Aujourd’hui, c’est la “ Bouche d’or ” de l’Église, saint Jean Chrysostome, qui nous parle des saints. Voici la pensée qu’il développe : nous devons ou bien imiter les exemples des saints, ou bien renoncer à les louer. “ Quiconque admire avec un pieux amour les mérites des saints et célèbre la gloire des justes par une perpétuelle louange doit aussi imiter leur conduite et leur justice. En effet celui que réjouissent les mérites d’un saint doit se livrer aussi avec joie au service de Dieu. C’est pourquoi, s’il joue, il lui faut imiter ; ou bien il lui faut cesser de louer, s’il refuse d’imiter. Et ce n’est pas trop difficile pour nous d’imiter les œuvres des saints ; les anciens ont accompli ces actes de générosité sans avoir de modèles sous les yeux ; ils n’ont donc pas imité les autres, mais ils se sont offerts à nous comme modèles des vertus à imiter. Ainsi, dans la Sainte Église, le Christ est toujours loué dans ses saints quand nous sommes entraînés au bien par eux et d’autres par nous. C’est pourquoi, dès l’origine de la création, l’innocent Abel est mis à mort, Enoch, l’ami de Dieu, est enlevé au ciel, Noé est trouvé juste, Abraham est confirmé dans la justice, Moïse est reconnu patient, Josué saint, David doux, Élie bienveillant, Daniel saint ; les trois jeunes gens sont éprouvés et reconnus vainqueurs. Les Apôtres, disciples du Christ, sont considérés comme maîtres des croyants ; instruits par eux, les confesseurs mènent avec courage le bon combat, les martyrs triomphent et l’armée des chrétiens, équipée par Dieu, conduit avec fermeté la guerre contre le Démon. Dans cette guerre, il y a toujours des vertus égales, des combats différents, des victoires glorieuses. Aussi, chrétiens, vous êtes des soldats efféminés, si vous croyez pouvoir vaincre sans combat et triompher sans lutte. Déployez vos forces, luttez courageusement, combattez opiniâtrement dans cette guerre. Considérez le pacte, prêtez attention à la condition imposée, apprenez à connaître votre métier de soldat. Le pacte, vous l’avez accepté ; la condition, vous l’avez adoptée ; "le métier de soldat, vous l’avez assumé. ”
2. La sépulture chrétienne. — Que ce principe soit bien établi pour tous ceux qui veulent enterrer leurs parents en se conformant à l’esprit de la Sainte Église : la sépulture simple, sans pompe superflue, mais, autant que possible, liturgique. Ce principe doit être déjà observé évidemment dans les avis de mort, ce que l’on nomme les lettres de faire-part. Elles ne doivent pas consister en de grandiloquents avis, laissant déjà deviner la pompe des funérailles qui suivront, ni en cartes de visites bordées de noir et mentionnant tous les titres et toutes les fonctions honorifiques du défunt, mais en une invitation correcte à assister à une cérémonie de “ sépulture chrétienne, témoignage édifiant d’une conception vraiment chrétienne de la mort.
Les lettres de faire-part rédigées, il faut s’occuper du corps. Les parents se chargeront eux-mêmes de procéder à la toilette du défunt et de le revêtir des habits convenables. C’est un dernier acte d’affection et de piété naturelle que nous ne laisserons pas aux employés des pompes funèbres. On doit mettre au défunt pour le suprême voyage les vêtements de fête qu’il portait pour se rendre le dimanche à l’église. Le mieux serait certainement que le vêtement de baptême pût être aussi le vêtement mortuaire. A une jeune fille, on peut mettre une couronne et un voile. C’est faire preuve de foi profonde que de placer dans les mains jointes un crucifix. On évitera pour la matière du cercueil et du drap mortuaire de recourir à des imitations. La liturgie n’aime pas le simili. Du bois foncé et uni est plus convenable qu’un placage de papier d’argent ; un simple drap de lin, mieux indiqué qu’une dentelle de papier ou de tulle. Un emblème religieux doit orner la dernière demeure de l’homme. Le lit funèbre sera simple et ainsi plus conforme à l’esprit de l’Église. On évitera de plonger la chambre mortuaire dans d’épaisses ténèbres, car elle doit être un symbole de consolation et d’espérance. On laissera également de côté, du moins dans la mesure du possible, .les tapis et les tentures noires. S’il existe un autel domestique, on placera le cercueil devant cet autel ; s’il n’yen a pas, on donnera à la chambre mortuaire l’aspect d’une chapelle plutôt que celui d’une sombre demeure mortuaire. Les feuillages, avec leur couleur verte symbolisant l’espérance, les fleurs et les lumières — le tout disposé avec discrétion — interpréteront la conception que se faisait de la mort le christianisme primitif, dans le sens d’une victoire et d’un triomphe.
Quand la famille a pris ces premières dispositions pour la sépulture convenable du défunt et a terminé l’installation du lit funèbre, étant débarrassée de ces préoccupations, elle peut de nouveau songer plus facilement à l’âme du défunt. Que ce serait beau de voir, au soir de la mort, la famille et le cercle des amis intimes se réunir autour du lit funèbre pour réciter en commun les vêpres des morts ! Les vêpres — prière vespérale d’action de grâces de l’Église — ont toujours quelque chose de solennel dans leurs accents ; elles font penser à un jour de Rédemption. Le jour de la mort fut pour le défunt un jour de Rédemption ; c’est dans cette assurance que devraient vivre ceux qui restent et c’est elle qu’ils devraient traduire dans le Magnificat des vêpres des morts. Heureux ceux qui sont tellement unis à l’au-delà qu’ils peuvent entonner autour du cercueil le chant de la Rédemption ! Ils possèdent ainsi quelque chose de l’esprit de la primitive Église.
La veille du jour de la sépulture, on pourrait réciter, le soir, dans la chambre mortuaire, les Matines des morts et, le matin même, les Laudes. Notre Mère l’Église a mis toute sa compassion et tout son amour dans cette prière nommée office des morts où elle se substitue au défunt. C’est l’office nocturne des Heures qui prépare et introduit le Sacrifice Eucharistique de la messe d’enterrement. La cérémonie de sépulture se déroule en trois endroits : à la maison mortuaire, à l’église et au cimetière. Son point culminant est, à l’église, la messe des morts. Pour la célébration de cette messe, le corps doit être porté à l’église. Ce transfert ne se fait pas au hasard, mais il est l’objet d’un rite liturgique plein de sens. Parents et fidèles se réunissent à la maison mortuaire d’où le défunt doit être conduit solennellement à l’église. La dernière démarche du chrétien pour se rendre à la messe rappelle en quelque sorte l’antique office de station, célébré jadis conformément aux prescriptions liturgiques. La maison mortuaire est pour ainsi dire l’ecclesia collecta, le lieu où la communauté des fidèles se rassemble. L’église paroissiale, c’est l’église de station à laquelle on se rend en procession liturgique pour la célébration de la messe des morts. Une sépulture organisée d’après les lois de la liturgie ressemble à la procession de station de l’Église primitive. C’est l’Introït solennel de la messe des morts. A la maison mortuaire commencent les rites qui accompagneront le dernier convoi du chrétien. Cette première partie des rites diffère avec les diocèses ; mais, la plupart du temps, elle s’inspire du Rituel Romain. Le convoi est précédé de l’aspersion et de la récitation d’une prière. Le psaume “ De profundis ” nous met de nouveau très bien en harmonie avec les sentiments de l’âme souffrante qui, dans sa culpabilité et sa détresse, attend impatiemment les effets du sacrifice de la Rédemption.
C’est au chant du “ Subvenite... Descendez, saints de Dieu, hâtez-vous de venir au-devant de l’âme... ” que le corps du chrétien entre pour la dernière fois à l’église. Il reposera devant l’autel tandis que sera offert pour son âme le grand sacrifice de la Rédemption et de la réconciliation, la Sainte Messe. A ce moment les rubriques du Rituel Romain prévoient la célébration de l’office des morts. Cet office, chanté par les ministres de la liturgie, devrait toujours précéder la messe. On l’omet dans la plupart des cas. Il est peut-être possible de comprendre les motifs de cette omission qui sont tirés de la longueur de cet office. La Sainte Messe, placée au milieu des rites de la sépulture, marque le point culminant de la liturgie des trépassés. Le sens de cette messe est le suivant : l’âme du défunt doit, grâce à la puissance du sacrifice de la messe, recevoir l’application de la Rédemption et entrer dans la joie du Seigneur. Il faut rappeler ici que la signification profonde des rites de la sépulture est troublée si la célébration de la messe est déplacée et renvoyée au lendemain de la sépulture, quand ce n’est pas plus tard encore. La communauté des fidèles tient alors sa dernière assemblée sur terre avec son frère défunt, en répandant sur son âme et sur les âmes de tous les chrétiens trépassés l’abondance des fruits du Sacrifice de la Messe. Ainsi, une messe de sépulture, comme une messe conventuelle, comme tout office public, présente un caractère vraiment saisissant. Cette messe en commun comporte, cela va de soi, la procession de l’offrande et la communion. Un sermon sur la mort a naturellement sa place tout indiquée à cette messe, après l’Evangile. Il ne doit pas consister en un panégyrique du défunt, mais en une homélie sur la liturgie de la messe des morts, en une explication du mystère de la Rédemption qui porte maintenant ses fruits. Une messe des morts, célébrée conformément à l’esprit de la liturgie de notre Sainte Église, montre combien celle-ci, dans la célébration des saints mystères, s’élève bien haut au-dessus des sectes hérétiques.
La messe des morts est suivie du Libera. A première vue, ce chant, tout imprégné de tristesse, ne semble pas exprimer les effets de la Rédemption pour l’âme. Il nous transporte au jugement dernier. Ce jour-là, le corps ici présent ressuscitera et sera réuni à l’âme pour partager son bonheur ou son malheur éternel. Si la messe profite exclusivement à l’âme, nous pourrions peut-être concevoir ce sombre “ Libera ” plutôt comme l’absolution de son complice dans le péché, le corps. L’aspersion et l’encensement autorisent en quelque sorte cette interprétation. L’Église le purifie avec l’eau bénite et accorde les honneurs de l’encensement à celui qui, pendant sa vie, a été marqué de tant de signes sacrés (huile, saint-chrême, Hostie, eau baptismale, etc.). De même que l’encens se dissipe, ainsi le corps va se décomposer ; de même que l’encens nous environne d’un parfum, ainsi le corps passera de la pourriture et de la mort à la gloire. L’âme est délivrée, le corps est purifié ; le mystère du suprême convoi entre dans sa troisième phase. On sort de l’église pour se rendre au cimetière en chantant : “ In paradisum... que les anges te conduisent au paradis. ”

Comme le cortège de la maison mortuaire à l’église, celui de l’église au cimetière présente un symbole. Le premier représentait la comparution de l’âme devant le Christ ; celui-ci représente l’entrée dans la joie du paradis. Les sentiments exprimés par la prière qui précédait la messe et ceux qu’expriment celles qui la suivent sont foncièrement différents. Les premiers respiraient une gravité profonde, triste, compatissante ; ceux-ci respirent la joie de la victoire, la lumière ; ils ont presque le caractère d’un chant de fête. De même que les Laudes des morts se rapprochent très souvent de la conception de la mort dans la primitive Église, les rites de la sépulture, dans leur troisième phase qui se déroule au cimetière, rappellent l’esprit des catacombes. D’ailleurs il ne peut ni ne doit en être autrement. Si l’âme était susceptible de Rédemption, elle est maintenant et pour toujours en possession de la Rédemption, comme nous l’a clairement montré le mystère de la messe des morts. C’est pourquoi les sentiments de notre prière sont désormais tout différents. Déjà le chant qui accompagnait le corps à sa sortie de l’église résonnait d’un joyeux accent de soulagement. Nous avons appris à le connaître. Il se faisait déjà entendre comme chant d’accompagnement pour le “ racheté ”, à la fin de la recommandation de l’âme. Il retentit de nouveau quand on porte le corps au lieu qui, par comparaison avec l’entrée de l’âme dans l’éternelle félicité, pourrait être désigné par les paroles du Canon : le lieu du repos, de la lumière et de la paix. “ Que les anges t’accompagnent en paradis ; qu’à ton arrivée les martyrs te reçoivent et te conduisent dans la sainte Jérusalem céleste (le ciel). Que le chœur des anges te reçoive, et qu’avec Lazare, qui fut jadis pauvre, tu jouisses du repos éternel. ” L’âme possède la certitude d’être enrôlée dans le chœur des bienheureux. De même qu’ils se pressent à sa rencontre et la reçoivent, ainsi nous, les survIvants ici-bas, sur terre, qui les représentons en qualité de saints, de sanctifiés, nous entourons le corps et nous le déposons dans le lieu de repos. En allant à l’église, la liturgie de la sépulture préférait la prière de la pénitence (les psaumes graduels) ; sur le chemin du cimetière, plus rien de semblable. Nous suivons le cercueil, consolés par une ferme espérance. Au cimetière, il est livré à la terre. Combien belle l’expression usitée en certains pays : le champ de Dieu ! Elle nous rappelle, que nous le voulions ou non, cette signification profonde que les corps des défunts sont des semences d’une vie meilleure. Ils ont été semés dans les sillons d’un champ sacré comme les semences de la vie divine. Le corps ne demeurera pas abandonné à la mort, laissé à la pourriture. “ Vita mutatur, non tollitur ” est-il dit dans la préface si suggestive de la messe des morts, “ notre vie ne nous est pas ravie, mais seulement changée en une autre. ” C’est vrai aussi du corps que l’on dépose maintenant dans la fosse. Transformation en un corps glorieux, tel est le titre à donner à cette dernière scène de la sépulture. La tombe dans laquelle sont ensevelis les restes du chrétien a été bénie avant que nous ne les lui confions. C’est un objet saint que l’on dépose en lieu saint. Le corps sanctifié par les mystères de la Sainte Église repose maintenant en terre sainte. “ Je suis la résurrection et la vie... ” proclame l’antienne de Benedictus ; et c’est alors le chant de notre Rédemption et de notre glorification.