6 MARS - Sainte Perpétue et Sainte Félicité, martyres (double)

Le Christ souffre en moi.

1. Les saints : Jour de mort : 7 mars 202 ou 203, à Carthage. — Tombeau : Inconnu. L’épitaphe a été retrouvée récemment à Carthage. Image : On les représente au moment où elles se disent adieu, ou bien quand on les jette devant une vache furieuse. Vie : Vibia Perpetua était une jeune femme et mère, d’une condition distinguée ; Félicité était une esclave qui, trois jours avant son martyre, donna naissance à un enfant. L’une et l’autre étaient catéchumènes. C’est précisément aux catéchumènes qu’on s’en prenait surtout pendant la persécution de Septime Sévère. Elles souffrirent le martyre le 7 mars, à Carthage. Le bréviaire raconte cet épisode émouvant ; Le jour des jeux, pendant lesquels elles devaient être jetées aux bêtes, était imminent.

Félicité était toute triste dans la crainte d’être obligée d’attendre plus longtemps que les autres. Car elle était enceinte de huit mois et, d’après les lois, on n’avait pas le droit de l’exécuter avant la naissance de l’enfant. Cependant la prière des autres martyrs hâta la naissance et elle mit au monde une fille. Comme elle souffrait les douleurs de l’enfantement, un des gardes lui cria ; “ Si tu souffres tant déjà, que feras-tu quand tu seras exposée aux bêtes sauvages ? ” — “ Maintenant c’est moi qui souffres ” répondit-elle, “ mais, là-bas, il y en aura un autre en moi, qui souffrira pour moi parce que, moi aussi, je souffrirai pour lui.” Pendant le travail de l’enfantement, elle laissait échapper des plaintes, mais sa joie éclata quand elle fut exposée aux bêtes” (Martyrologe). Le 7 mars enfin, les héroïques femmes furent conduites à l’amphithéâtre et, d’abord, cruellement fouettées. Elles furent ensuite exposées à une vache très féroce qui les traîna un certain temps, les déchira et finalement les jeta par terre. — Au Canon de la messe, on fait tous les jours mention, avec honneur, de ces deux saintes femmes. — Nous disons la messe du Carême avec mémoire des deux martyres. Les Actes. L’histoire du martyre de ces saintes nous a été conservée par des actes authentiques rédigés en partie par les saintes elles-mêmes, en partie par des témoins oculaires (peut-être Tertullien). Ces Actes sont parmi les plus beaux morceaux de la littérature chrétienne antique. Il en existe des traductions françaises. Citons-en un passage ; “ Comme nous étions encore avec les gardes, raconte Perpétue, mon père, dans son amour pour moi, ne cessait de m’exhorter à apostasier. Alors je lui dis : “ Tu vois, par exemple, ce vase qui se trouve ici, une cruche ou quelque chose de semblable ? ” Il dit : “ Oui, je le vois.” Alors je lui demandais : “ Peut-on le désigner autrement que par ce qu’il est ? ” Il répondit : “ Non. ” “ Je ne puis pas non plus me nommer autrement que par ce que je suis : une chrétienne. ” Mon père, irrité par cette parole, se jeta sur moi pour m’arracher les yeux. Il ne fit cependant que me tourmenter et s’en alla. Pendant les quelques jours où je fus débarrassée de mon père, je remerciai le Seigneur, et pendant son absence, je repris des forces. Dans cet intervalle de quelques jours, nous fûmes baptisées et l’Esprit m’inspira, après le baptême, de ne demander que l’endurance de la chair. Quelques jours après, nous fûmes enfermées dans le cachot et cela me fit horreur, car je n’avais jamais connu encore une telle obscurité. Ô jour effroyable ! une chaleur horrible y régnait, car les soldats y entassaient littéralement les gens ; enfin, j’étais tourmentée à cause de mon enfant. C’est alors que les excellents diacres, Tertius et Pomponius, qui nous servaient, nous obtinrent, à prix d’argent et pour quelques heures, une meilleure place dans la prison et nous pûmes trouver un peu de fraîcheur. Tous sortirent du cachot et se reposèrent. Je nourris mon enfant qui était déjà à moitié mort. Je m’occupai de ma mère et la consolai. J’encourageai mon frère et lui recommandai mon fils. Je souffrais beaucoup de les voir souffrir à cause de moi. Je fus en butte à de telles angoisses pendant plusieurs jours, mais j’obtins que mon enfant restât confié à mes soins dans la prison. Il se rétablit et je me sentis soulagée par les soins que je donnais à mon enfant. La prison me sembla tout d’un coup un palais et je m’y plaisais mieux que n’importe où.

Quelques jours après, le bruit courut que nous allions subir un interrogatoire. Mon père vint aussi de la ville, dévoré de chagrin. Il se rendit auprès de moi pour m’amener à apostasier ; il me dit : “ Ma fille, aie pitié de toute ma maison. Aie pitié de ton père, si tu me juges encore digne d’être appelé ton père. Si ces mains t’ont élevée jusqu’à cet âge florissant, si je t’ai préférée à tous tes frères, ne m’abandonne pas à la raillerie des hommes. Regarde tes frères, regarde ta mère et ta tante, regarde ton enfant qui, après ta mort, ne pourra pas survivre. Fais violence à tes sentiments, ne nous perds pas, car aucun d’entre nous ne pourra parler librement s’il t’arrive quelque chose de mal.” Ainsi parlait-il dans son amour paternel. Il me baisait les mains, se jetait à mes pieds et, en versant des larmes, m’appelait non plus sa fille, mais sa dame. Je m’affligeais du sort de mon père, voyant que, seul de ma famille, il ne se réjouissait pas de mes souffrances. Je le consolais par ces paroles : “ A ce tribunal, il n’arrivera que ce que Dieu veut ; car sache que nous ne sommes pas en notre pouvoir, mais au pouvoir de Dieu.” Et il s’en alla tout triste. ”