5 NOVEMBRE - Dans l’octave de la Toussaint (semi-double)

“ Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu,
Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés enfants de Dieu
Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient. ” (Comm.)
1. Pensées de la Toussaint. — Nous pouvons maintenant pendant quelques jours contempler les saints au ciel. Profitons de cette circonstance pour approfondir davantage les pensées du temps (de l’automne ecclésiastique). Remarquons que la fête de la Toussaint, par suite de sa translation au 1er novembre, a reçu désormais l’empreinte des derniers temps. Les saints forment la suite du Roi qui doit revenir à la fin des temps et apparaître alors “ dans la splendeur de ses saints. ” C’est ce que montre bien l’Invitatoire (la sonnerie du réveil) de notre fête : “ Venez, adorons le Roi des rois, le Seigneur ; car il est en personne la couronne de tous les saints. ” C’est ce que, tout récemment, Pie XI a proclamé en instituant la fête du Christ Roi et en la fixant au dimanche qui précède la Toussaint ; ainsi les deux fêtes se trouvent étroitement unies et nous présentent l’image chère à l’antiquité chrétienne : le second avènement du Roi, accompagné de ses saints. — Outre cela, la fête est pour nous une nouvelle occasion de contempler le ciel et de faire connaissance avec notre patrie et nos compatriotes célestes. Un intime et ardent désir du ciel remplit notre cœur : “ Ô combien glorieux est le royaume où tous les saints exultent avec le Christ ; vêtus de blanc, ils suivent l’Agneau partout où il va ” (Ant. de Magn.).
Saint Bède continue sa prédication et nous encourage à suivre la trace des saints : “ Ce doit donc être une joie d’accomplir les œuvres de salut pour obtenir une telle palme. Luttons volontiers et de bon cœur ; hâtons-nous de combattre pour tout ce qui est juste, sous le regard de Dieu et du Christ ; et, puisque nous nous sommes déjà élevés au-dessus du monde et des choses terrestres, n’arrêtons pas notre course par la convoitise des biens de ce monde. Si notre dernier jour nous trouve dégagés de tout lien, ardents aux œuvres du bon combat, le Seigneur ne saurait manquer de nous rétribuer pour notre service. Celui qui donnera, dans le temps de la persécution, la couronne de pourpre à la mort douloureuse donnera aussi la couronne de blancheur immaculée à ceux qui auront triomphé dans le temps de la paix, en récompense des mérites acquis par leurs bonnes actions. Car ni Abraham, ni Isaac, ni Jacob ne sont morts de mort violente et cependant, à cause des mérites de leurs vertus, ils sont à l’honneur et ont été jugés dignes de prendre place au premier rang parmi les Patriarches. Quiconque est trouvé fidèle dans la foi et dans les œuvres et digne de récompense a part au banquet éternel dont ils jouissent. Nous devons nous souvenir que notre devoir est de faire non pas notre volonté, mais celle de Dieu ; car quiconque fait sa volonté demeure dans l’éternité, comme lui-même demeure dans l’éternité. Soyons donc prêts, mes bien-aimés, à répondre à toutes les manifestations de la volonté de Dieu avec un cœur entier, avec une foi robuste, avec une vertu solide, avec un amour parfait, et à obéir courageusement aux commandements de Dieu, à obéir dans la simplicité de l’innocence, dans la concorde de la charité mutuelle, dans la modestie de l’humilité, dans la diligence de notre administration, dans la vigilance de l’aide à apporter à ceux qui peinent, dans la miséricorde de la sollicitude envers les pauvres, dans la constance de la vérité à défendre, dans la circonspection de la sévérité en matière de discipline, afin que rien ne nous fasse défaut dans l’imitation des bonnes actions. Telles sont les traces que les saints nous ont laissées en retournant dans la patrie, afin que, les ayant suivis dans leurs voies, nous les suivions aussi dans leurs joies. ”
2. L’Extrême Onction et la Bénédiction Apostolique. Nous savons que les athlètes grecs qui luttaient dans le stade oignaient leur corps d’huile. Par là, ils acquéraient deux avantages nécessaires pour la lutte : la force, la vigueur et la souplesse des membres leur permettant d’échapper à l’adversaire qui n’aurait pas facilement prise sur cette peau lisse et huilée. La lutte décisive de la vie chrétienne se livre à l’heure de la mort. Alors notre Mère la Sainte Église s’approche avec l’ampoule des Saintes Huiles et nous offre l’onction en vue de la dernière lutte. L’huile des malades, consacrée par l’évêque au cours de la fonction du jeudi saint, avant la petite élévation de l’Hostie, est destinée à fortifier l’âme pour la lutte décisive et à empêcher l’adversaire qui s’acharne contre elle de la saisir au cours de cette violente attaque. C’est pendant la messe du jeudi saint — nous le soulignons intentionnellement — que l’huile sainte est consacrée. C’est donc aussi de la messe que l’onction des malades, la consécration liturgique de la mort, tire sa puissance. La messe du Cénacle fut une célébration mystérieuse du départ du Seigneur, suivie de la consécration de sa mort au jardin des oliviers. Quel parallélisme significatif avec les derniers actes liturgiques de la vie du chrétien ! A la réception du Viatique, dernière participation à la communion terrestre, succède, dans la vie du chrétien, la consécration de la mort. L’onction du Saint-Chrême, à la Confirmation, l’avait consacré soldat du Christ, de même que celle du Baptême lui avait conféré le sacerdoce commun ; maintenant suit la dernière, celle qui prépare à la mort héroïque. L’Église préside à la fin du chrétien par la solennelle célébration d’un mystère. Le Rituel lui donne le nom officiel d’extrême-onction (extrema unctio). Pour ceux qui ont l’esprit de la liturgie, qui espèrent et attendent le retour du Seigneur, l’“ extrême-onction ” ne peut être qu’une cérémonie consolante. De ceux qui vivent unis de cœur avec l’Église, qui saisissent ses mystères et veulent les faire passer dans leur vie, nous nous approchons avec l’huile sainte, comme pour donner à leur mort la consécration liturgique. Ceux,-là ne craignent pas la mort, ils ne voient dans l’extrême-onction que la suprême sollicitude, pleine d’amour, de l’Église envers eux, qui enlève à la mort son amertume, ses larmes, son aspect effrayant, qui l’illumine et en fait la porte qui introduit dans une nouvelle existence, la seule qui mérite vraiment le nom de “ vie ”. Pour ceux qui ont l’esprit de l’Église, le sacrement des malades est l’onction qui conduit à la résurrection et à l’incorruptibilité, la parure et la transfiguration qui préparent à la parousie du Seigneur, l’appel traduit en langage liturgique du “ Maranatha ” de la primitive Église : “ Venez, Seigneur Jésus ! ” Le chrétien animé de l’esprit liturgique connaît, dès le temps de la bonne santé, les rites de l’extrême-onction, en relit de temps en temps le texte — il existe des traductions qui suffisent — et suit, livre en main, la cérémonie, quand elle s’accomplit pour lui-même ou quand il la fait accomplir pour ses parents.

Un autre rite, très beau lui aussi, suit ordinairement l’administration de l’extrême onction. Le Saint Père vient en quelque sorte au chevet du malade. Le grand nombre de ses brebis ne lui permettant pas de venir en personne, il se fait représenter auprès du malade par le ministre de la liturgie. Il le munit des pouvoirs les plus grands et les plus étendus et répand sur le mourant l’abondance des trésors de grâce de l’Église jusqu’à l’extrême limite. Le mourant invoque avec confiance le nom de Jésus et fait un acte de résignation à la mort ; alors le prêtre, tenant en main le signe de la rédemption et prononçant la formule officielle avec l’Église, lui promet la rémission de toutes ses dettes temporelles. Vraiment, notre Mère l’Église rend la mort douce et belle ; elle en fait une délivrance.