“ Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu,
Bienheureux les pacifiques, car ils seront appelés
enfants de Dieu
Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la
justice, car le royaume des cieux leur appartient. ” (Comm.)
1. Pensées de la Toussaint. —
Nous pouvons maintenant pendant quelques jours contempler les saints au ciel.
Profitons de cette circonstance pour approfondir davantage les pensées du temps
(de l’automne ecclésiastique). Remarquons que la fête de la Toussaint, par
suite de sa translation au 1er novembre, a reçu désormais
l’empreinte des derniers temps. Les saints forment la suite du Roi qui doit
revenir à la fin des temps et apparaître alors “ dans la splendeur de ses
saints. ” C’est ce que montre bien l’Invitatoire (la sonnerie du réveil)
de notre fête : “ Venez, adorons le Roi des rois, le Seigneur ; car
il est en personne la couronne de tous les saints. ” C’est ce que, tout
récemment, Pie XI a proclamé en instituant la fête du Christ Roi et en la
fixant au dimanche qui précède la Toussaint ; ainsi les deux fêtes se
trouvent étroitement unies et nous présentent l’image chère à l’antiquité chrétienne :
le second avènement du Roi, accompagné de ses saints. — Outre cela, la fête est
pour nous une nouvelle occasion de contempler le ciel et de faire connaissance
avec notre patrie et nos compatriotes célestes. Un intime et ardent désir du
ciel remplit notre cœur : “ Ô combien glorieux est le royaume où tous les
saints exultent avec le Christ ; vêtus de blanc, ils suivent l’Agneau
partout où il va ” (Ant. de Magn.).
Saint Bède continue sa prédication et nous encourage à
suivre la trace des saints : “ Ce doit donc être une joie d’accomplir les
œuvres de salut pour obtenir une telle palme. Luttons volontiers et de bon
cœur ; hâtons-nous de combattre pour tout ce qui est juste, sous le regard
de Dieu et du Christ ; et, puisque nous nous sommes déjà élevés au-dessus
du monde et des choses terrestres, n’arrêtons pas notre course par la
convoitise des biens de ce monde. Si notre dernier jour nous trouve dégagés de
tout lien, ardents aux œuvres du bon combat, le Seigneur ne saurait manquer de
nous rétribuer pour notre service. Celui qui donnera, dans le temps de la
persécution, la couronne de pourpre à la mort douloureuse donnera aussi la
couronne de blancheur immaculée à ceux qui auront triomphé dans le temps de la
paix, en récompense des mérites acquis par leurs bonnes actions. Car ni
Abraham, ni Isaac, ni Jacob ne sont morts de mort violente et cependant, à
cause des mérites de leurs vertus, ils sont à l’honneur et ont été jugés dignes
de prendre place au premier rang parmi les Patriarches. Quiconque est trouvé
fidèle dans la foi et dans les œuvres et digne de récompense a part au banquet
éternel dont ils jouissent. Nous devons nous souvenir que notre devoir est de
faire non pas notre volonté, mais celle de Dieu ; car quiconque fait sa
volonté demeure dans l’éternité, comme lui-même demeure dans l’éternité. Soyons
donc prêts, mes bien-aimés, à répondre à toutes les manifestations de la
volonté de Dieu avec un cœur entier, avec une foi robuste, avec une vertu
solide, avec un amour parfait, et à obéir courageusement aux commandements de
Dieu, à obéir dans la simplicité de l’innocence, dans la concorde de la charité
mutuelle, dans la modestie de l’humilité, dans la diligence de notre
administration, dans la vigilance de l’aide à apporter à ceux qui peinent, dans
la miséricorde de la sollicitude envers les pauvres, dans la constance de la
vérité à défendre, dans la circonspection de la sévérité en matière de
discipline, afin que rien ne nous fasse défaut dans l’imitation des bonnes
actions. Telles sont les traces que les saints nous ont laissées en retournant
dans la patrie, afin que, les ayant suivis dans leurs voies, nous les suivions
aussi dans leurs joies. ”
2. L’Extrême Onction et la Bénédiction
Apostolique. Nous savons que les athlètes grecs qui luttaient
dans le stade oignaient leur corps d’huile. Par là, ils acquéraient deux
avantages nécessaires pour la lutte : la force, la vigueur et la souplesse
des membres leur permettant d’échapper à l’adversaire qui n’aurait pas
facilement prise sur cette peau lisse et huilée. La lutte décisive de la vie
chrétienne se livre à l’heure de la mort. Alors notre Mère la Sainte Église
s’approche avec l’ampoule des Saintes Huiles et nous offre l’onction en vue de
la dernière lutte. L’huile des malades, consacrée par l’évêque au cours de la
fonction du jeudi saint, avant la petite élévation de l’Hostie, est destinée à
fortifier l’âme pour la lutte décisive et à empêcher l’adversaire qui s’acharne
contre elle de la saisir au cours de cette violente attaque. C’est pendant la
messe du jeudi saint — nous le soulignons intentionnellement — que l’huile
sainte est consacrée. C’est donc aussi de la messe que l’onction des malades,
la consécration liturgique de la mort, tire sa puissance. La messe du Cénacle
fut une célébration mystérieuse du départ du Seigneur, suivie de la
consécration de sa mort au jardin des oliviers. Quel parallélisme significatif
avec les derniers actes liturgiques de la vie du chrétien ! A la réception
du Viatique, dernière participation à la communion terrestre, succède, dans la
vie du chrétien, la consécration de la mort. L’onction du Saint-Chrême, à la
Confirmation, l’avait consacré soldat du Christ, de même que celle du Baptême
lui avait conféré le sacerdoce commun ; maintenant suit la dernière, celle
qui prépare à la mort héroïque. L’Église préside à la fin du chrétien par la
solennelle célébration d’un mystère. Le Rituel lui donne le nom officiel
d’extrême-onction (extrema unctio). Pour ceux qui ont l’esprit de la liturgie,
qui espèrent et attendent le retour du Seigneur, l’“ extrême-onction ” ne peut
être qu’une cérémonie consolante. De ceux qui vivent unis de cœur avec
l’Église, qui saisissent ses mystères et veulent les faire passer dans leur
vie, nous nous approchons avec l’huile sainte, comme pour donner à leur mort la
consécration liturgique. Ceux,-là ne craignent pas la mort, ils ne voient dans
l’extrême-onction que la suprême sollicitude, pleine d’amour, de l’Église
envers eux, qui enlève à la mort son amertume, ses larmes, son aspect
effrayant, qui l’illumine et en fait la porte qui introduit dans une nouvelle
existence, la seule qui mérite vraiment le nom de “ vie ”. Pour ceux qui ont
l’esprit de l’Église, le sacrement des malades est l’onction qui conduit à la
résurrection et à l’incorruptibilité, la parure et la transfiguration qui
préparent à la parousie du Seigneur, l’appel traduit en langage liturgique du “
Maranatha ” de la primitive Église : “ Venez, Seigneur Jésus ! ” Le
chrétien animé de l’esprit liturgique connaît, dès le temps de la bonne santé,
les rites de l’extrême-onction, en relit de temps en temps le texte — il existe
des traductions qui suffisent — et suit, livre en main, la cérémonie, quand
elle s’accomplit pour lui-même ou quand il la fait accomplir pour ses parents.
Un autre rite, très beau lui aussi, suit ordinairement
l’administration de l’extrême onction. Le Saint Père vient en quelque sorte au
chevet du malade. Le grand nombre de ses brebis ne lui permettant pas de venir
en personne, il se fait représenter auprès du malade par le ministre de la
liturgie. Il le munit des pouvoirs les plus grands et les plus étendus et
répand sur le mourant l’abondance des trésors de grâce de l’Église jusqu’à
l’extrême limite. Le mourant invoque avec confiance le nom de Jésus et fait un
acte de résignation à la mort ; alors le prêtre, tenant en main le signe
de la rédemption et prononçant la formule officielle avec l’Église, lui promet
la rémission de toutes ses dettes temporelles. Vraiment, notre Mère l’Église
rend la mort douce et belle ; elle en fait une délivrance.