“ Le Seigneur a magnifiquement glorifié ses saints et il
les exauce quand ils crient vers lui”
La Vigile d’une fête est moins, actuellement, une nuit de
veille qu’un jour de pénitence et de purification ; une purification de la
demeure de l’âme pour la grande fête. Les vigiles sont des jours tout indiqués
pour la confession. Précisément la vigile d’aujourd’hui a un caractère plus
strict aux yeux du peuple à cause du jeûne. Si nous voulions attribuer à la
vigile d’aujourd’hui une formule liturgique, nous choisirions probablement la
première partie du Confiteor : En présence du chœur de tous les saints, je
confesse mes péchés : mea culpa, mea maxima culpa !
1. La Messe (Judicant sancti).
— La messe se distingue de, celle de la fête par les textes, mais non par les
pensées. Les chants glorifient la joie et le triomphe des saints dans le ciel
comme la récompense de leurs souffrances sur la terre (les textes font penser
surtout aux martyrs). C’est une image sublime que saint Jean esquisse dans son
Apocalypse : nous entendons chanter dans le ciel l’éternelle liturgie
devant le trône de l’Agneau : “ Vous avez, par votre sang, racheté pour
Dieu des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute
nation, et vous les avez faits rois et prêtres pour notre Dieu. ” A l’Evangile,
le Seigneur proclame les quatre béatitudes (dans saint Luc) par lesquelles Il
nous trace la voie de la sainteté. L’Evangile est aussi une belle image
de la messe : “ Jésus descend ”, au Saint-Sacrifice, “ de la montagne
” ; la troupe de ses disciples vient à sa rencontre et il les guérit tous.
C’est à nous que cela s’applique.
2. Introduction à la fête. —
Nous pouvons deviner la joie, le bonheur et la félicité de notre Mère l’Église
quand il lui est donné de passer une revue de tous ses enfants qui ont atteint
leur fin éternelle, qui sont entrés dans la céleste patrie et qui jouissent de
l’éternelle vision de Dieu. Elle, la Mère, qui a tant lieu de craindre sur
terre pour le salut de ses enfants, qui doit lutter contre l’ennemi du genre
humain, qui se voit contrainte à tant de désillusions dues à l’infidélité et à
la faiblesse de ses enfants, elle peut entonner aujourd’hui un joyeux Te Deum,
un Magnificat de reconnaissance pour le triomphe de ceux de ses enfants qui ont
combattu le bon combat et remporté la couronne de vie. C’est pourquoi, à la
fête de demain, l’Église tient ses yeux fixés sur les saints ; avec la
joie et la fierté d’une mère, elle ne cesse de parcourir des yeux leurs rangs.
Quand nous considérons la liturgie de demain, nous y trouvons spécialement
trois images par lesquelles l’Église nous présente les saints. Examinons ces
images.
a) La première image est une joyeuse vision du
ciel. L’Église nous prend par la main et nous conduit au ciel, Qu’y
voyons-nous ? C’est la liturgie céleste bien connue que saint Jean
l’évangéliste, le voyant de Pathmos, nous peint en brillantes couleurs. Nous
entrons dans la basilique céleste. Là se trouve un trône élevé, entouré de
Chérubins, ,sur lequel est assis Dieu le Père. Devant le trône il y a. un
autel ; sur cet autel, l’Agneau immolé et glorifié ; c’est Jésus-Christ,
le Rédempteur. Autour de l’autel sont rassemblés vingt-quatre vieillards, les
représentants de l’ancien et du nouveau royaume de Dieu sur la terre ; en
cercle alentour se tient une foule d’élus composée d’un certain nombre de
Juifs, puis d’une multitude innombrable venant du paganisme, de toute race, de
tout peuple et de toute nation. Ils sont vêtus de blanc, portent des palmes
dans leurs mains et chantent un cantique nouveau : “ Vous nous avez
rachetés par votre sang, nous qui venons de toute race, de tout peuple et de
toute nation. Vous nous avez faits rois et prêtres pour notre Dieu, afin que
nous régnions sur la terre. ” Les quatre Chérubins disent Amen et les
vingt-quatre vieillards se prosternent en adorant Dieu et l’Agneau. Et
l’Alleluia retentit sans fin. — A cette troupe nous voulons appartenir, nous
aussi, un jour. Rejetons donc les chaînes qui nous tiennent attachés à la terre
et montons en esprit au ciel...
b) Maintenant l’Église nous montre une autre image
de ses saints enfants. Elle nous ramène sur terre et nous fait voir les saints
dans leur accession à la sainteté, c’est-à-dire dans .la réalisation des huit
béatitudes du sermon sur la montagne. C’est vraiment un tout autre spectacle.
Nous voyons alors les disgraciés de ce monde qui parfois manquent du pain
quotidien, un père, une mère qui gagnent péniblement le pain de leurs enfants,
des esclaves injustement traités pendant leur vie, les héros silencieux de la
vie qui ne protestent pas bruyamment contre leurs souffrances, mais les
supportent courageusement, les malades cloués sur un lit de douleur, ceux qui
se consument de chagrin et dont les joues sont sillonnées de larmes. A vrai
dire, ce n’est pas la souffrance seule qui les a sanctifiés. mais ils l’ont
reçue de la main de Dieu et en ont fait le tremplin de leur sainteté. A côté
d’eux il y a des pacifiques et des miséricordieux, des âmes innocentes et
pures. — C’est un chemin de croix qui se déroule devant nous : ce sont
sans doute des hommes insignifiants aux yeux du monde, mais le monde n’était
pas digne d’eux. Ils sont l’honneur de l’Église, de vrais saints. Voulons-nous,
nous aussi, suivre cette voie ?
c) Mais l’Église a encore une troisième image dans
laquelle elle se plaît à rassembler tous les saints ; c’est ce que l’on
nomme le commun. L’Église range volontiers en groupes les saints qui ont mis en
relief chacun des aspects de l’idéal de la sainteté. Alors quel dans le cours
de l’année, elle éparpille le faisceau de ces couleurs variées, elle veut
aujourd’hui en voir rassemblées toutes les parties dans la claire lumière du
soleil de la Toussaint. Aux Matines, l’Église nous montre précisément cette
image de tous les saints rassemblés. Au milieu d’eux se tient Dieu le Père, “
assis sur un trône haut et élevé ; les franges de sa robe remplissent le
temple ; des séraphins planent au-dessus de lui ” (1er
répons). Devant le trône, la première parmi tous les saints, se tient
Marie, la Mère de Dieu. La milice des anges la salue de l’Ave : “ Je vous
salue. Marie, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ” (2e
répons). Vient ensuite le chœur des anges ; eux aussi font partie de
l’armée des saints : “ En présence des anges nous chanterons pour
vous, et nous vous adorerons dans votre sanctuaire ” (3e
répons). Maintenant se tient devant nous un saint qui n’appartient à aucun
groupe, le précurseur du Seigneur dont le Christ a dit lui-même : “
Personne n’a été plus grand parmi les enfants des femmes que Jean
Baptiste ” (4e répons). Ensuite voici une cohorte
vénérable, la cohorte de ceux qui ont planté l’Église dans leur sang, “ ils ont
bu le calice du Seigneur, ils sont devenus les amis de Dieu. Sur toute la terre
retentit le son de leurs voix et jusqu’aux extrémités du globe leur prédication
” (5e répons). Ce sont les Apôtres du Seigneur, qui ont une
place de choix dans l’Église de Dieu. Après eux vient la milice des martyrs,
vêtus de blanc et des palmes à la main. Dur a été leur combat, magnifique est
leur récompense. Le Christ leur adresse maintenant son invitation : “
Venez, les bénis de mon Père, prenez possession du royaume” (6e
répons). Puis une nouvelle phalange approche à son tour. Ceux-ci ont “ les
reins ceints et une lampe allumée à la main ”. Ils ont veillé et .attendu que
le Seigneur revint de la noce. Ce sont les confesseurs (7e répons).
Enfin un dernier groupe, celui des vierges. Elles aussi ont une ,lampe à la
main et vont à la rencontre du Christ, leur Époux, avec un amour et une ardeur
d’épouses (8e répons). — A quel groupe voulons-nous
appartenir ? Voulons-nous acquérir les roses du martyre, fussent elles non
sanglantes, ou les lis d’une vie pure, ou les violettes de la pénitence ?
Combattons ; ne demeurons pas inactifs, les bras croisés. Nous sommes
encore en route, nous sommes encore dans la lutte, persévérons dans la patience
afin de pouvoir entrer, nous aussi, dans la phalange victorieuse des saints.