31 DÉCEMBRE - Saint Sylvestre, pape

Le Confesseur reçoit le Roi

Je vais aujourd’hui sous les traits du serviteur au devant du Sauveur de Noël qui revient. 

Aujourd’hui est le “ dernier jour de l’année ”. Les enfants de Dieu vivent encore dans le monde, c’est pourquoi les adieux à “ l’année qui finit ” nous font une certaine impression à tous. L’Église, dans sa liturgie, ne célèbre pas de fête du nouvel an, même pas au début de l’année liturgique. Les cérémonies religieuses célébrées en maint endroit à l’occasion du changement d’année, ne sont que de la piété populaire. L’Église, dans ses saints mystères, vit déjà de la vie de l’éternité. 

La fête de saint Silvestre n’a aucun rapport avec le mystère de Noël. C’est une des fêtes les plus anciennes de l’Église et, dans la pensée des chrétiens, elle est inséparable de cette époque. 

1. Silvestre 1er. — Il fut le successeur de saint Melchiade. Il régna de 314-335. C’est sous son pontificat que l’Église commença à sortir des Catacombes et que des églises célèbres furent construites. Saint Silvestre fut l’ami de l’empereur Constantin. C’est lui qui confirma le premier concile œcuménique, le concile de Nicée (325) et qui organisa la discipline ecclésiastique pour le temps de paix. On pourrait l’appeler le premier Pape de la paix. Il est l’un des premiers confesseurs auxquels furent accordés des honneurs liturgiques. Son tombeau est dans l’église dédiée à lui et à saint Martin, à Rome. 

2. La messe (Sacerdotes tui). — Dans l’évêque ou le prêtre qui fait son entrée, nous voyons le saint pape revêtu des ornements de la gloire. A l’Epître nous l’entendons comme docteur, mais nous le voyons aussi recevoir du “ Maître à son retour ” la couronne de vie et nous la recevons avec lui au Saint-Sacrifice. A l’Évangile, notre saint est “ le serviteur vigilant ” qui, la ceinture aux reins et la lampe allumée à la main, attend son Maître quand il vient pour les noces. Remarquons dans ces deux lectures l’insistance sur le retour du Seigneur, retour qui s’accomplit mystiquement à la messe. Nous pouvons rapprocher cette messe (c’est une des plus anciennes messes des confesseurs) de celles de Saint-Étienne et de Saint-Jean, toutes les trois parlent du retour du Christ. Célébrons Noël comme ce Martyr, cet Apôtre virginal, ce Confesseur. 

Quand nous réfléchissons à cette messe, nous pensons, malgré nous, à l’époque de l’année où nous sommes. Est-ce dans l’intention de la liturgie ? Je l’ignore. Quel accent n’a pas l’Évangile d’aujourd’hui, l’Évangile du serviteur vigilant ! Il semble qu’il veuille nous dire : “ rends compte aujourd’hui ” de l’année qui s’achève. Qu’arriverait-il si le Seigneur venait frapper à notre porte, lui ouvririons-nous en hâte ? Et que nous disent aujourd’hui les paroles de l’Epître : “ Le temps de ma dissolution approche, j’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai conservé la foi. Maintenant la couronne de la justice m’est réservée, la couronne que me donnera en ce jour le Seigneur, le juste Juge, non seulement à moi, mais à tous ceux qui aiment son avènement ”. A la Postcommunion nous exprimons à Dieu notre remerciement pour le don eucharistique. Ne pouvons-nous pas aussi faire de cette prière une action de grâces pour tous les dons reçus pendant l’année ? 

3. Lecture de l’Écriture. — Nous continuons l’Épître aux Romains (III, 19-31). Remarquons avec soin le développement de la pensée. Nous avons vu jusqu’ici que les païens et les Juifs sont pécheurs et que, par conséquent, tous les hommes ont besoin de Rédemption (III, 1-20) : Ce préambule sert à établir l’affirmation principale : le chemin du salut est la foi en Jésus-Christ. Mais avant d’en venir à cette pensée principale, saint Paul examine une question intermédiaire : Israël n’a donc pas d’avantage sur les païens ? “ Quel privilège possède donc encore le Juif ou quelle utilité a la circoncision ? Beaucoup en tout sens. D’abord ceci, c’est que les prophéties de Dieu leur ont été confiées. Que dirons-nous si quelques-uns d’entre eux n’ont pas cru ? Est-ce que leur infidélité anéantira la fidélité de Dieu ? Jamais. Dieu reste véridique... ” La route est libre désormais pour établir la pensée principale. Le sacrifice du Christ a apporté la justice ; cette justice n’est possible que par la foi à Jésus Christ. La foi est le fondement de la justification, ce ne sont pas les œuvres de la loi mosaïque dont les Juifs étaient si fiers. L’homme ne peut pas mériter la justification, mais elle lui est donnée quand il croit ; c’est une grâce, une pure grâce. “ Maintenant la justice de Dieu est manifestée sans la loi, cette justice attestée par la loi et les prophètes. C’est la justice de Dieu par la foi à Jésus-Christ, pour tous ceux et sur tous ceux qui croient. Car il n’y a pas de distinction : tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu, mais ils sont justifiés gratuitement par sa grâce en vertu de la Rédemption par le Christ Jésus. Dieu l’a établi comme victime sanglante de rémission par la foi, pour prouver sa justice. Dieu, dans sa patience, avait laissé passer les péchés précédents afin de prouver sa justice dans le présent. de sorte que Dieu lui-même est juste et justifie celui qui croit en Jésus-Christ. Où reste maintenant ta glorification ? Elle a disparu. Par quelle loi ? Celle des œuvres ? non mais par la loi de la foi. Car nous croyons que l’homme est justifié par la foi sans les œuvres de la loi. Ou bien Dieu n’est-il que le Dieu des Juifs ? N’est-il pas aussi le Dieu des Gentils ? Oui, certes, il est aussi le Dieu des Gentils. ” 

4. La fin de l’année. — Nous autres chrétiens, nous sommes les enfants du temps et les enfants de l’éternité. Nous vivons sans doute dans le temps, mais nous vivons aussi au-dessus du temps. Depuis que, dans le Baptême, le Christ nous a donné la vie des enfants de Dieu, nous avons l’assurance définitive que nous ne goûterons pas la mort. C’est pourquoi nous ne sommes pas attachés au temps ; ce n’est pour nous qu’un moyen pour atteindre la fin, un moyen pour obtenir l’éternité. Saint Paul, le meilleur docteur de notre piété liturgique, dit ces belles paroles : “ Ma vie, c’est le Christ, et la mort est pour moi un gain ” (Il veut dire la somme de ma vie sur la terre, c’est le Christ, c’est pourquoi la mort n’est pas une perte, mais un grand gain, car elle m’unit entièrement au Christ). Dans ces semaines précisément (dans l’automne ecclésiastique), l’Église nous a mis au cœur un grand désir du retour du Seigneur. Il faut que ce désir soit véritable chez nous. Le chrétien qui vit avec l’Église doit réellement accomplir son voyage sur terre avec la nostalgie du Christ et ne pas se laisser enivrer par les faux biens terrestres. Notre patrie est dans la cité céleste de Sion. La Jérusalem terrestre, l’Église, n’est qu’une colonie de cette sainte Sion : ses citoyens ont leur droit de cité là-haut. Sur terre, ce sont des étrangers et même, dans ce monde terrestre, ce sont des étrangers indésirables. Parce que l’Église est une colonie du ciel, elle participe, en quelque sorte, à l’éternité. Les fêtes et les solennités de l’Église sont une image du jour de fête éternel, qu’est le ciel, dans lequel les bienheureux célèbrent un dimanche sans fin. La liturgie avec sa stabilité, son équilibre, sa louange de Dieu ininterrompue, est une image de l’éternité. 

O mes frères et mes sœurs, si vous voulez vivre et penser avec l’Église, franchissez les portes éternelles de la liturgie. Mettez-vous en opposition consciente avec le monde d’aujourd’hui qui n’a de pensée que pour la vie au jour le jour. Cette recherche exagérée de ce qui est personnel, cette vie subjective, cet attachement aux bagatelles, cet amour des biens terrestres, cette course après l’argent, tout cela c’est du temporel, tout cela doit passer. Laissez de côté ce temporel et réfugiez-vous dans l’éternité de l’Église, enveloppez-vous dans l’éternité de la liturgie. L’office des Heures nous dit, au premier jour de l’an, une parole brève mais pleine de signification : “ Toute chose terrestre passera, mais toi tu restes le même ; tout vieillira comme un vêtement et comme un manteau, tu le déposeras ; mais toi tu es toujours le même et tes années ne vieillissent point. ” Vivons donc, dès cette terre, une vie d’éternité. 

Cependant nous ne devons pas mépriser le temps. Si c’est un moyen pour atteindre l’éternité, nous devons l’employer. “ La nuit vient dans laquelle personne ne peut travailler. Si le temps est un chemin pour arriver au but, suivons ce chemin. Il faut utiliser le temps, ou, comme dit saint Paul, acheter le temps (un peu comme on achète une marchandise sur le marché). Comment le ferons-nous ? Pensons moins au passé et au futur qu’au présent et à l’instant d’aujourd’hui. Le Christ dit : “ A chaque jour suffit sa peine, demain aura souci de demain. ” Hier est passé, demain est incertain ; mais aujourd’hui, le moment présent, voilà ce que nous avons dans notre main. Voilà ce qu’il faut utiliser. L’Église entoure votre temps d’un triple cercle : l’année, la semaine et le jour. Les époques de l’année liturgique sont les saisons de l’âme. La semaine est sanctifiée par le dimanche. Ayez un grand respect pour le, dimanche. Chaque jour, au Saint-Sacrifice, le divin Soleil se lève pour nous ; nous pouvons chaque jour recevoir la visite festivale du divin Roi.