30 DÉCEMBRE - Dans l’Octave de Noël

O grand mystère, Ô sacrement admirable,
Les animaux contemplent le Seigneur nouveau-né, couché dans sa Crèche ;
Heureuse Vierge dont le sein a mérité de porter le Christ, le Seigneur,
Salut, Ô Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi (Rép.). 
C’est précisément au temps de Noël que nous aurions le désir de trouver, après la fête, quelques jours d’Octave pendant lesquels nous pourrions méditer à loisir et approfondir le mystère si consolant mais si profond de l’Incarnation. Or la plupart des jours qui suivent Noël sont occupés par des fêtes. Nous n’en devons que plus apprécier la journée d’aujourd’hui. C’est un jour qui appartient tout entier à Noël. La messe est la troisième de la fête. Nous pourrons aujourd’hui lui consacrer une étude plus complète. 

1. Considérations sur Noël. — Il est une pensée qui a vivement frappé l’Église ancienne et que nous rencontrons chez les Pères et dans les textes liturgiques ; elle se présente sous forme d’antithèse : Dieu s’est fait homme afin que [‘homme devienne Dieu. Dieu a pris la nature humaine afin de nous faire participer à la nature divine. Dieu est devenu enfant des hommes pour que nous devenions enfants de Dieu. Ainsi la fête de la Nativité du Christ est le commencement de notre naissance divine. Nous sommes devenus aujourd’hui avec le Christ enfants de Dieu. 

Dieu s’est fait Homme. C’est là une chose tout à fait incompréhensible. Le Dieu éternel que le ciel et la terre ne peuvent contenir, qui porte dans sa main l’univers comme une coque de noix, devant lequel mille ans sont comme un jour, ce Dieu éternel, infini devient Homme ! Ne serait-ce pas déjà une condescendance s’il avait envoyé un ange pour racheter l’humanité ; ne serait-ce pas déjà une œuvre de miséricorde, s’il était apparu un instant devant le monde, dans l’éclat de sa majesté, dans le tonnerre et les éclairs comme sur le mont Sinaï ? Non, cela était trop peu pour son amour et sa bonté, il voulut être un enfant des hommes comme nous et de plus un enfant des hommes pauvre, un fils de pauvres artisans, né dans une étable, à l’étranger, sans un toit hospitalier. Le vent glacial, la paille nue, des animaux sans raison, voilà tout ce qu’il trouva à son arrivée parmi l’humanité. Quand nous songeons à tout cela, nous ne pouvons que garder un silence de stupeur et tomber à genoux, dans un acte d’adoration, devant la Crèche. 

Ce n’est qu’au ciel que nous connaîtrons tout le sens profond d s actes rédempteurs du Christ. Ce sera l’une des plus grandes joies de notre béatitude éternelle. Mais la Sainte Église : notre Mère nous en laisse déjà pressentir quelque chose, elle qui est éclairée des lumières de l’Esprit-Saint. Elle est cette Mère sensée qui “ réfléchit sur toutes les paroles de Dieu et les conserve dans son cœur ”. Elle nous dit : Dieu s’est fait homme pour nous faire participer à la nature divine. C’est le rêve millénaire de l’humanité : “ Vous serez comme des dieux ”, chuchotait Satan à l’oreille de nos premiers parents, “ connaissant le bien et le mal ” ; et ses paroles ont trouvé un écho. L’homme fut honteusement trompé. Sans doute Il a connu le bien et le mal, mais il n’est pas devenu dieu. Des millénaires d’éloignement de Dieu durent lui apprendre qu’il s’égarait dans la recherche de la divinité. Ce n’était pas par l’orgueil qu’il pouvait devenir Dieu, mais par l’obéissance et l’humilité. La nuit de Noël le lui a montré. Dieu s’est revêtu de haillons, il est devenu un petit Enfant vagissant, afin de nous montrer le chemin que nous devons suivre pour devenir Dieu. 

Au paradis terrestre, l’ange tombé disait à l’homme : mange de ce fruit et tu seras Dieu. Il mangea et devint un enfant de l’enfer. Aujourd’hui un ange (l’Église) se tient devant nous et nous dit en nous présentant une nourriture : mange de cette nourriture et tu seras Dieu. La divine nourriture, la chair du Fils de Dieu abaissé jusqu’à nous, nous rend “ participants de la divine nature ”. 

2. Thèmes de Noël. — Le jour même de la fête nous avons pu à peine saisir toutes les belles et grandes choses que nous présentait l’Église. Aujourd’hui nous pouvons revenir sur nos pas et laisser nos pensées errer autour du berceau du Roi nouveau-né. 
“ O Roi du ciel que tout sert !
Il est couché dans l’étable et il mesure l’univers,
Il est couché dans la Crèche et en même temps il règne au ciel.
Aujourd’hui nous est né le Sauveur, qui est le Christ, Le Seigneur, dans la ville de David ” (Rép.). 
“ Que les cieux se réjouissent, que la terre tressaille, que la mer bouillonne, et tout ce qui est en elle, que la plaine exulte et tout ce qu’elle porte, que les arbres de la forêt bondissent devant la face du Seigneur, car il est venu” (Psaume 95, aux Matines et à la Messe de Noël). 

La créature inanimée salue le Rédempteur, car elle aussi désire être délivrée de la malédiction à laquelle elle est assujettie depuis le péché de l’homme (Rom. VIII, 22). L’hommage de la nature au Fils de Dieu qui vient de naître, est décrit ici avec une grande beauté. Le ciel, la terre, la mer, la plaine, tout rend hommage au Seigneur. Oui, dans la sainte nuit de Noël, un murmure et un frémissement parcourent les arbres de la forêt de Bethléem et se propage jusque dans les antiques forêts de chez nous : “ Il est venu. ” Et l’arbre qui, trente-trois ans après, devait servir de Croix, frémit de toutes ses branches. 

3. Lecture de l’Écriture (Rom. Chap. II). — Dans le premier chapitre, saint Paul a tracé un tableau impressionnant de la banqueroute morale du paganisme. Maintenant il montre que les Juifs eux-mêmes n’ont aucune raison de s’élever au-dessus des païens. Eux aussi, ils ont mérité le courroux de Dieu parce qu’ils n’ont pas observé la loi de Moïse : “ C’est pourquoi tu es inexcusable, ô homme (Juif) qui juges. Car par ce fait même que tu juges les autres, tu te condamnes toi-même : car toi, juge, tu fais de même... Affliction et détresse viennent sur toute âme qui fait le mal, sur les Juifs d’abord et ensuite sur les païens. Par contre" gloire et honneur et paix à toute âme humaine qui fait le bien, aux Juifs d’abord et ensuite aux païens. Car pour Dieu il n’y a pas d’acception de personne. Quiconque pèche sans la loi sera perdu sans la loi, et quiconque possédant la loi pèche, sera condamné par la loi. Car ce ne sont pas les auditeurs de la loi qui sont justes aux regards de Dieu, mais se sont les observateurs de la loi qui seront justifiés. En effet, quand les païens qui sont sans la loi remplissent, de par la nature, les prescriptions de la loi, ces hommes sans loi sont à eux-mêmes leur loi. Ils montrent en effet que les exigences de la loi sont inscrites dans leur cœur, car leur conscience leur rend témoignage... ” Ce que saint Paul dit ici trouve aussi son application parmi nous quand il s’agit de juger les nombreux incroyants et indifférents de nos jours. Avec la même sévérité que saint Paul apportait à juger les Juifs zélateurs de la loi, nous devons nous juger nous-mêmes : “ N’est pas un vrai Juif celui qui l’est extérieurement et la vraie circoncision n’est pas celle qui se fait dans la chair extérieurement ; le vrai Juif est celui qui l’est intérieurement et la vraie circoncision est celle du cœur, non selon la chair mais selon l’Esprit.. Remplaçons ces mots : Juif et circoncision par chrétien et baptême et nous pourrons prendre ces paroles pour nous.