28 DÉCEMBRE - Les Saints Innocents (double de 2ème cl.)

Station à Saint Paul

Dans leur robe d’innocence et avec la palme du martyre à la main, ils vont au-devant du Roi. 

Après la fête du martyr et celle de l’Apôtre virginal, vient celle des Martyrs innocents. Dans la semaine, nous célébrons cette fête avec la couleur violette, sans Gloria et sans Alleluia. L’Église porte le deuil avec les mères qui ont perdu leurs enfants. Mais si la fête tombe un dimanche, l’Église prend la couleur rouge du Martyre, chante le Gloria, le Te Deum, l’Alleluia, car le deuil ne se concilie pas avec le dimanche. 

La fête d’aujourd’hui a un double aspect. D’un côté elle représente le point culminant des trois fêtes adjointes. Le premier jour, nous allions au-devant du Roi dans la personne d’un martyr, le second jour, en la personne de l’Apôtre vierge :, le troisième jour, en la personne de ces enfants qui sont à la fois vierges et martyrs. D’un autre côté, la pensée de Noël et de la Rédemption se continue. Originairement, ce jour n’était pas une fête de saints, mais on commémorait la fuite en Égypte. 

1. Ils suivent l’Agneau. — Si nous considérons les textes liturgiques et particulièrement les répons où se manifeste le plus clairement l’esprit de la fête, nous constaterons une idéalisation des Saints-Innocents. L’Église ne s’arrête pas à la figure historique des Saints-Innocents, mais elle voit en eux des images de ces figures sublimes des élus qui ont complètement réalisé son idéal, qui sont restés vierges et ont versé leur sang pour le Christ. C’est ce qui nous fait comprendre les nombreux passages tirés de l’Apocalypse (Leçon de la messe et chants). Dans ces enfants, il faut donc voir l’idéal de la chrétienté primitive : parés de la pourpre des martyrs avec le lis blanc de la virginité, ils ouvrent la marche des privilégiés qui formeront l’escorte d’honneur de l’Agneau. Ainsi cette fête nous donne des leçons pratiques, elle contribue à nous faire appliquer, dans notre vie, les pensées de Noël. 

2. Pensées de Rédemption. — La piété nouvelle ne voit dans la fête de Noël que le petit Jésus dans sa Crèche et se préoccupe peu des pensées de Rédemption. Pourtant la Crèche et la Croix vont de pair. C’est pourquoi la liturgie, même dans la joyeuse fête de Noël, laisse entendre des accents de tristesse. Ce ne sont encore que de légers accents, le jour même, à Matines : “ Pourquoi les nations font-elles rage ? ” (Psaume 2) et à l’Évangile de la messe “ les ténèbres ne l’ont pas acceptée ”. Mais cet accent s’élargit les jours suivants, dans la fête de Saint-Étienne, dans celle des Saints-Innocents et le dimanche dans l’Octave. Considérons combien de fois, pendant ces trois jours, il est question de souffrance et de persécution. A la fête des Saints-Innocents, on complote déjà la mort du “Roi des Juifs qui vient de naître ”, les coups n’atteignent cependant que les Saints-Innocents. Dimanche, le vieillard Siméon prophétise au sujet de l’Enfant : “ Celui-ci a été établi... comme un signe de contradiction. ” la fête de la Circoncision, coule, pour la première fois, le sang rédempteur. Désormais le thème de la douleur apparaîtra toujours jusqu’à ce que toute cette douleur aboutisse à la mer de souffrance du Vendredi Saint. Ceci crée la transition avec le prochain cycle festival : le prince de la lumière entre en conflit de plus en plus irréductible avec le monde, il se prépare au combat. Sur la fête de Noël, la Croix projette déjà son ombre. L’Enfant de Bethléem vient pour monter sur la Croix, et pour nous faire prendre notre croix. 

3. La messe (Ex ore infantium). — L’église de Station est Saint-Paul. Dans cette église, depuis les temps reculés, on honore les corps de cinq des Saints-Innocents. Ils reposent en un endroit honorable de l’église, sous l’abside, dans un sarcophage. A l’Introït, nous entendons le chant de louange des petits martyrs, auquel nous prenons pat nous aussi (Psaume 8). Pendant que Dieu ne recevait ni du monde ni même d’Israël l’honneur qui lui est dû, les petits martyrs lui offrirent, dans leurs berceaux, le plus bel hommage L’Oraison contient une pensée liturgique profonde : 

“ Non par des paroles mais par leur mort ”. La liturgie consiste moins en paroles qu’en actes ou plutôt ce sont des paroles qui deviennent des actes. De même nous devons être chrétiens non en paroles mais en actes. Le principal c’est l’acte du sacrifice, les sentiments et les pensées ne suffisent pas. Le leçon nous met devant les yeux l’image du mystère, une représentation de l’Office divin du ciel : l’Agneau de Dieu comme tué repose sur l’autel et, autour de Lui, se tiennent les 144.000 âmes pures, les premiers-nés de Dieu. C’est la véritable image de la messe. En union avec cette troupe choisie, nous recevons aujourd’hui la Sainte Eucharistie. L’Evangile nous fait entendre un accent amer au milieu de la paix de Noël. C’est la réalisation de ce que nous avons entendu à la troisième messe : 

“ Il est venu dans sa propriété et les siens ne l’ont pas reçu. ” Le Rédempteur doit s’enfuir en Égypte d’où il a jadis tiré son peuple. Tout le caractère tragique de la Rédemption, par rapport au peuple juif. apparaît dans cet épisode. Dans les autres chants, on nous montre les Saints-Innocents parlant du haut du ciel. Ils se réjouissent d’avoir, comme des petits oiseaux, échappé aux filets de l’oiseleur Hérode et de jouir de l’éternelle félicité. Il est plus difficile de comprendre tes sentiments de la Communion qui chante les “ pleurs et les gémissements ” de Rachel. Mais justement il faut voir là la vie dramatique de la liturgie qui, même dans le moment le plus solennel, continue son action 

4. Les Heures de la fête. — Nous avons une belle homélie de saint Augustin aux Matines d’aujourd’hui : “ Mes très chers frères, nous célébrons le jour natal de ces petits enfants dont l’Évangile nous raconte qu’ils furent assassinés, victimes de la cruauté inouïe du roi Hérode. Que la terre se réjouisse donc et que l’Église tressaille, elle la Mère féconde de tant de soldats célestes et de si magnifiques vertus. Voyez, cet ennemi impie aurait été moins utile à ces petits enfants par les voluptés les plus raffinées qu’il ne l’a été par sa haine... Mais à bon droit nous célébrons la naissance de ces enfants que le monde a enfantés pour une vie éternellement heureuse plutôt que le sein de leur mère ne les a fait naître pour la terre ; car ils ont reçu la grâce de la vie éternelle avant d’avoir reçu l’usage de la vie présente. La mort précieuse des autres martyrs mérite une haute louange, à cause de la confession publique ; la mort de ces petits est précieuse aux yeux de Dieu à cause de l’accomplissement sitôt atteint. Car dès le premier commencement de leur vie ils sont moissonnés. La fin de la vie présente signifie pour eux le commencement de la gloire. Ainsi donc ces enfants que l’impiété d’Hérode arracha du sein de leur mère sont appelés avec raison les fleurs des martyrs, car ces premiers boutons que l’Église effeuillât, “ont été, en plein hiver, cueillis prématurément par le vent glacé de la persécution. ” 
“ Salut, martyrs, Ô jeunes fleurs
Vous que cueillit, avant l’aurore,
Le glaive des persécuteurs,
Roses que l’ouragan dévore.  
Prémices du Christ immortel,
Petits agneaux, tendres victimes,
Vous jouez au pied de l’autel
Avec vos couronnes sublimes.
(Hymne).  
“ Les enfants innocents ont été mis à mort à cause de Jésus-Christ, des enfants à la mamelle ont été immolés par un roi barbare, maintenant ils suivent l’Agneau sans tache et ils disent sans cesse : gloire à toi, Seigneur ”. (Ant. Magn. II).