25 DÉCEMBRE - La Sainte Fête de Noël (double de 1re classe)

Roi et Enfant

L’ami de la liturgie fera bien de préparer quelques jours auparavant l’Office de nuit, particulièrement les Matines de Noël ; une si grande fête mérite une préparation de plusieurs jours. 

1. La Sainte Nuit. — a) Les Matines. Un Office religieux pendant la Nuit ! L’ancienne Église en avait fait une institution permanente. La nuit ne devait pas être consacrée seulement au sommeil, mais encore à la prière et à la méditation. Les vigiles (veilles de nuit) ou matines étaient, dans l’ancienne Église, la prière nocturne de la Parousie, dans laquelle on attendait celui “ qui se lève sur les hauteurs ”, c’est-à-dire le retour du Seigneur. Dans l’esprit de la liturgie, l’Heure de prière des matines est encore assignée à la nuit et il y a des Religieux qui, toutes les nuits, se lèvent de leur couche, pour prier et chanter au nom de l’Église. Mais, en fait, pour le peuple, il ne subsiste qu’un Office de nuit, celui de la nuit de Noël. Nous devons d’autant plus l’apprécier. Vers dix heures et demie ou onze heures, les cloches de Noël nous appellent à Matines. Les amis de la liturgie tiendront à réciter les Matines pendant la nuit, autant que possible en commun. 

Après l’Invitatoire solennel : “ Le Christ est né, venez, adorons-le ” et le chant de l’hymne, commencent les trois Nocturnes. Les trois psaumes du premier Nocturne, malgré leur caractère et leur contenu différents, se ramènent à une seule idée : la naissance du Christ. Psaume 2 : Engendré éternellement par le Père, né dans le temps de la Vierge Marie. Psaume 18 : Le divin Soleil quitte comme un Époux la chambre nuptiale et vient nous éclairer de ses rayons (ce psaume :nous est connu, nous l’avons rencontré pendant l’Avent). Psaume 44 : La divinité et l’humanité célèbrent leur union dans le divin Enfant qui vient de naître.

Dans les Leçons, le prophète de l’Avent, Isaïe, achève ses prophéties, il annonce le rétablissement du royaume de Dieu par le Christ (première leçon), il console Jérusalem (l’Église) et l’exhorte à revêtir des vêtements de fête, car l’Époux royal vient pour célébrer ses noces (troisième leçon). 
“ Lève-toi, lève-toi, prends ta parure, Ô Sion,
Prends tes vêtements de gloire, Jérusalem, cité sainte,
Lève-toi de la poussière, Jérusalem captive,
Déliées sont les chaînes de ton cou, Sion captive ! ” 
Les répons sont d’une grande beauté, tout remplis de l’impression immédiate et de l’expression lyrique de la merveille de Noël, les deux premiers avec la répétition constante de “ hodie ”, aujourd’hui, et le troisième avec son dialogue dramatique. (C’est là qu’il faut chercher l’origine des mystères médiévaux de Noël et de la Crèche). 

“ Aujourd’hui la véritable paix est descendue pour nous du ciel, 
Aujourd’hui, par tout l’univers, les cieux ont distillé du miel, 
Aujourd’hui a brillé pour nous le jour de la Rédemption nouvelle, de la réparation depuis longtemps annoncée, de l’éternelle félicité (Rép.).

“ Qui avez-vous vu, bergers ? 
Dites-le-nous, annoncez-nous qui a paru sur la terre. 
C’est un Enfant que nous avons vu et les chœurs des anges qui louaient le Seigneur. 
Dites-nous ce que vous avez vu, 
Annoncez-nous la naissance du Christ. 
C’est un Enfant que nous avons vu... ” (Rép.). 

Le premier Nocturne considérait la naissance du Christ, le second nous entretient de ce que le Christ veut nous apporter : le royaume de Dieu, la paix, la Rédemption, la réconciliation avec Dieu. Ces pensées apparaissent dans plusieurs passages des psaumes. Dans le psaume 47, la ville de Dieu, qui fête aujourd’hui la fête de la Nativité de son Roi, rend grâces dans une procession solennelle, pour sa délivrance du pouvoir des ennemis ; le psaume 71, un vrai psaume de Noël et de l’Épiphanie, chante le Roi pacifique, le dispensateur de la justice, le Père des pauvres, dans l’Enfant royal qui vient de naître. Le psaume 84 est un chant de joie saluant la Rédemption (nous connaissons déjà ce psaume, cf. p. 111). 

Les Leçons nous apportent une homélie de Noël du pape saint Léon. Ses discours éloquents causèrent dans l’Église de Rome, au cinquième siècle, une grande joie. Dans les répons, l’Église commence par s’étonner devant le mystère de la Crèche, puis elle fait entendre un chant de gloire en l’honneur de Marie, qui retentit à travers quatre répons. 

Dans le troisième Nocturne, la psalmodie après une méditation calme de la miséricorde de Dieu et de sa fidélité, s’abandonne à la joie : le psaume 88 raconte d’une manière saisissante les promesses faites à David, promesses qui se réalisent aujourd’hui : le descendant de David doit être Roi éternellement. Ensuite les deux derniers psaumes terminent dans la joie les Matines. D’ordinaire les leçons du troisième Nocturne sont une explication scripturaire de l’Évangile qui est rappelé par une seule phrase, mais à Noël, comme on célèbre trois messes et qu’on lit par conséquent trois Évangiles, ces trois Évangiles sont ici brièvement expliqués. Trois grands docteurs de l’Église prennent la parole : Grégoire le Grand, Ambroise et Augustin. Ainsi, en comptant saint Léon le Grand, au second Nocturne, quatre docteurs de l’Église latine nous adressent la parole aux Matines de Noël. 

b) Les messes de Noël : Le saint jour de Noël est caractérisé par un triple Sacrifice eucharistique. L’ancienne Église de Rome a, en cela, suivi l’exemple vénérable de l’Église de Jérusalem. Les fidèles se rassemblaient, la nuit, dans la grotte de la Nativité et sanctifiaient l’heure de la naissance du Seigneur par la célébration de la messe. A la fin de cette messe ils retournaient à Jérusalem. Que pouvaient-ils faire de mieux que de commémorer l’heure de la Résurrection, dans l’église de la Résurrection, et d’y célébrer en même temps Noël avec les bergers ? C’était la seconde messe. Pendant le jour, ils se réunissaient dans l’Église pour l’Office solennel. Ainsi naquit l’usage de célébrer trois messes le jour de Noël. Cet usage fut imité à Rome. La première Messe était célébrée pendant la nuit dans l’église de la Crèche de Sainte-Marie Majeure (Sainte-Marie Majeure était considérée comme le Bethléem des Romains) : la seconde messe était célébrée dans l’église romaine de la Résurrection, dans l’église palatine grecque dont le nom était Anastasis (c’est-à-dire Résurrection). La troisième était célébrée dans la basilique de Saint-Pierre. De Rome l’usage se répandit dans tout l’Occident. Depuis que les prêtres occidentaux célèbrent la messe tous les jours, la coutume s’est établie que chaque prêtre puisse célébrer la messe trois fois, à Noël. 

Trois considérations s’unissent dans chaque messe ; la divine lumière, le temps correspondant du jour ou de la nuit et l’événement évangélique de ce temps. Il y a, dans les trois messes, un développement progressif de la pensée de la fête. L’impression de l’Avent se remarque encore dans la première messe. Le Dieu de Majesté, environné de lumière, s’y manifeste, des anges lumineux volent au-dessus de la terre, et la Mère. la Vierge très pure, est le seul être terrestre qui approche l’enfant divin. L’humanité est encore dans l’attente dans les ombres de la nuit. La pensée de Noël progresse à la seconde messe qui est célébrée à l’aurore, au lever du soleil. La lumière divine qui a paru mystérieusement sur la terre, sous les voiles de la nuit, s’élève pour nous comme un soleil d’une force créatrice puissante, elle entre en relation active avec nous comme “ notre Sauveur ”. Dans la troisième messe, la pensée de Noël atteint son développement le plus élevé et se manifeste dans toute son efficacité “ à tous les hommes ”. 

Noël est une fête de lumière. Ce qui le montre déjà ç’est son origine. La date (25 Décembre) n’est pas le jour historique de la naissance du Seigneur (ce jour nous est inconnu). Si on a choisi pour cette fête le solstice d’hiver ce fut plutôt pour supplanter la fête païenne de la naissance du dieu Soleil (sol invictus) et lui substituer Une fête chrétienne. Le Christ est le vrai Dieu-Soleil qui lutte contre les ténèbres de l’enfer et en triomphe. C’est pourquoi la fête de sa naissance est très bien placée au moment où le soleil recommence son ascension. La pensée de la lumière, qui trouve aussi chez le peuple chrétien une touchante expression dans l’arbre de Noël illuminé, se poursuit à travers les trois messes. Le symbolisme de la lumière est particulièrement saisissant pendant la messe de minuit ; à la seconde messe le soleil qui se lève nous offre un -symbole vivant et c’est pourquoi l’Introït chante avec. allégresse : “ Une lumière brille aujourd’hui pour nous. ” A la troisième messe le symbole de la lumière se trouve dans l’Évangile lui-même : “ La lumière brille dans les ténèbres ”. 

c) La messe de minuit (Dominus dixit). La pensée principale de la messe de minuit est celle-ci : L’Enfant de Bethléem, né de la Vierge Marie, est le Fils consubstantiel de Dieu, engendré de toute éternité, en un mot : la naissance éternelle et la naissance temporelle du Seigneur. Nous sommes réunis en esprit avec tout la chrétienté dans le petit sanctuaire de Sainte-Marie Majeure dont la crypte, derrière l’autel, représente la grotte de Bethléem. L’Introït fait pendant à l’Évangile. L’Évangile nous dit : “ Marie enfanta son Fils premier-né ” ; l’Introït chante : “ Le Père a dit : dans l’éternel aujourd’hui, je t’ai engendré de mon essence. ” Le Gloria convient particulièrement aujourd’hui. La Collecte remercie Dieu de la divine lumière dans la foi, mais elle demande aussi la jouissance de cette lumière dans la vision béatifique. L’éclat lumineux des anges et l’illumination de l’église ne sont qu’une faible image de la splendeur de la divinité que nous contemplerons au ciel. — La prière liturgique s’est élevée de la nuit de l’Avent (Kyrie) jusqu’aux plus hautes lumières du ciel. Maintenant, dans l’Epître, l’Apôtre des nations s’adresse à nous. Il a connu la nuit de l’Avent et la lumière de Noël autant que personne au monde. C’est le don de Dieu fait homme, le Sauveur lui-même, qui lui apparut sur le chemin de Damas. Depuis ce jour, il n’y a plus de nuit dans son âme mais la claire lumière. La lumière demande une vie de lumière et c’est ce qu’il nous recommande. L’Epître et l’Évangile nous parlent de l’humanité du Christ. Intercalé entre les deux, le Graduel chante de nouveau le Fils éternel de Dieu. La nuit avant le lever de l’étoile du matin est l’image de l’éternité. Nous sommes dans “ la lumière du sanctuaire ”, environnés des ombres de la nuit. Voici maintenant le point culminant de l’avant-messe, le merveilleux Évangile de la nuit sainte : la naissance du Seigneur. Les bergers font la garde de nuit (nous aussi ; tout l’Office est en réalité une garde de nuit, une vigile). La clarté céleste les environne, elle nous environne, nous aussi, au moment de l’apparition de l’ange. L’Offertoire nous est déjà connu par les Matines, c’est un écho de l’Évangile. Les anges du ciel entourent la crèche et se réjouissent, mais la terre elle-même encore plongée dans l’obscurité tressaille de joie. C’est dans ces sentiments que nous nous approchons de l’autel : donnons joyeusement en cette fête où nous recevons le don de Dieu. La secrète nous parle d’un merveilleux échange ; Dieu s’est fait Homme pour que l’homme devienne semblable à Dieu. Puis le mystère de la fête se réalise dans le sacrifice. Le Christ naît de nouveau pour nous et en lui nous renaissons. A la table du Seigneur, nous entendons chanter l’éternelle naissance du divin Pontife et notre propre renaissance (Psaume 109, Communion). 

d) La triple nuit de la naissance. Les grands actes de l’histoire du monde et de l’humanité s’accomplissent d’ordinaire en jour et le monde en fête aussi le souvenir en plein jour. L’Église, par contre, a préféré, dès le début, le silence solennel de la nuit et, dans l’antiquité, elle a célébré toutes ses fêtes pendant la nuit. En agissant ainsi elle se rappelait les saintes prières de son divin Fondateur qui se prolongeaient pendant toute la nuit. La nuit était aussi le symbole de son éloignement du monde et de son ardent désir de la Parousie. Et c’est pourquoi, aujourd’hui encore, elle fait, de sa plus longue prière, une prière nocturne. Ce sont les Matines. Elle sait aussi que les plus grands événements de la Rédemption se sont accomplis dans l’obscurité de la nuit, loin des regards du monde. Et même la figure de la Rédemption : la délivrance de la servitude d’Égypte, la mort des premiers-nés, l’immolation et la manducation de l’agneau pascal, était déjà une vraie nuit sainte. Le Christ, Notre Seigneur, a institué son sacrement d’amour, l’Eucharistie, le soir, c’est-à-dire déjà dans la nuit. Sans doute, il est mort pendant le jour, sur le Golgotha ; mais le soleil s’obscurcit, ce fut la nuit pendant le jour. C’est avant l’aurore du matin de Pâques, alors qu’il était nuit encore, qu’il ressuscita. Quand il vint au monde, il ne choisit pas la clarté du jour, mais la nuit. La liturgie le dit d’une manière très belle : “ Pendant que le silence enveloppait la terre et que la nuit était au milieu de son cours, ta “ Parole ” toute-puissante, Seigneur, est descendue du ciel, du trône royal. ” Quand les chrétiens devinrent plus tièdes, l’Église romaine abandonna l’office de nuit, qui consistait dans la vigile, et passa à l’Office de jour. Même la vigile des vigiles, la nuit de Pâques, n’est plus célébrée actuellement. Mais il nous est resté une nuit sainte, avec tout son charme : c’est cette nuit que nous appelons la nuit de Noël, la nuit de la naissance du Sauveur. Et si cette nuit impressionne si fortement les hommes qui ne connaissent le christianisme que par l’extérieur, que ne doit-elle pas être pour nous, chrétiens, qui pouvons retrouver les pensées et les sentiments de l’Église dans sa liturgie ! Les matines ont rempli la nuit de chants sacrés. Nous avons entendu les prophéties et assisté à leur accomplissement ; nous avons écouté les paroles des quatre Pères de l’Église les plus illustres, qui nous ont expliqué la grandeur de cette nuit. Et maintenant nous sommes sur le point de réaliser en nous tout ce qui a été annoncé dans l’office de la parole de Dieu. La messe nocturne d’aujourd’hui nous parle d’une triple naissance, disons d’une triple naissance nocturne.

1. La première nuit. — L’Église nous conduit dans l’éternité, dans la nuit, avant que se levât “ l’étoile du matin ”. Dans cette nuit de l’éternité, la seconde Personne divine procède substantiellement du sein du Père. “ Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu. ” La petite intelligence humaine reste stupéfaite devant ce mystère insondable : le Fils de Dieu né du Père avant tous les temps. Et pourtant cette éternité s’approche maintenant mystérieusement de nous, car, dans la sainte Eucharistie, ce Fils éternel est tout près de nous, l’éternité entre dans notre temps. Oui, dans cette nuit, nous sommes remplis d’un saisissement sacré en face de cette nuit éternelle de la naissance du Fils de Dieu. 

2. Cependant le souvenir de cette nuit éternelle n’est que le prélude de cette seconde nuit de naissance qui se passa dans le temps et que nous célébrons. Notre sainte Mère l’Église nous prend par la main et nous conduit dans l’étable de Bethléem ; elle nous montre, au milieu de la nuit, le petit Enfant nouveau-né, qui est en même temps le Roi de la paix ; elle nous montre la Vierge-Mère dans son bonheur maternel. Mais maintenant, à la messe, il y a plus qu’un souvenir et une image de cette sainte nuit de naissance. Le mystère de la messe de minuit c’est que ce Roi, ce Fils de Dieu éternellement engendré, paraît aujourd’hui devant nous comme nouveau-né ; bien plus, choisit notre cœur pour crèche et nous permet de participer aux joies maternelles de Marie. 

3. Mais où se trouve la troisième nuit de naissance ? La première était la naissance dans la nuit de l’éternité ; la seconde, la naissance temporelle à Bethléem ; tolites les deux rendues présentes. La troisième naissance est notre renaissance. Chrétiens, cela est si émouvant ! Le Christ s’est fait Homme pour faire de nous ses frères et ses sœurs, afin que nous devenions avec lui des enfants de Dieu, des régénérés. Aujourd’hui c’est la nuit de notre renaissance. Pâques est notre nuit baptismale. Mais, tous les ans, à Noël, l’Église voit se lever de nouveau notre nuit de naissance spirituelle. Nous sommes redevenus de nouveau des enfants de Dieu, après avoir crié vers le ciel, pendant quatre semaines, comme des non rachetés : “ Cieux répandez votre rosée, faites pleuvoir le Juste. ” Aujourd’hui, à la Communion, quand notre cœur est devenu ta crèche, l’Église ne pense pas seulement au Christ quand elle dit : “ Dans les splendeurs de ma sainteté. je t’ai engendré avant l’étoile du matin ” ; elle pense aussi à nous et fait entendre à chacun : Dans la nuit de l’éternité, tu as été choisi par le Père ; dans la sainte nuit de la naissance du Christ, tu avais place dans le Cœur du Fils de Dieu nouveau-né qui faisait de toi son frère ou sa sœur ; et maintenant le Père te presse de nouveau sur son sein en te disant : Avec mon Fils qui est né dans l’étable, tu es devenu mon enfant bien-aimé. Tu célèbres, avec le Christ, ta nuit de naissance, une vraie nuit sainte. 

e) Les Laudes. La première prière du matin qui suit maintenant immédiatement la messe de minuit est, à proprement parler, une préparation à la seconde messe, “ la messe de l’aurore ”. Les Laudes et la messe se complètent, la messe est une louange eucharistique, c’est pourquoi nous chantons comme psaume principal le psaume 92. Les antiennes des Laudes nous racontent dans un dialogue dramatique l’histoire des bergers pendant la nuit sainte. 

f) La messe de l’aurore ou messe des bergers (Lux fulgebit) : “ L’aurore ” indique le temps mais aussi le symbole de la seconde messe. Les deux pensées principales de la messe sont le lever du soleil de Noël et J’événement historique des premières heures du matin (les bergers à la Crèche). A l’Introït, nous contemplons avec étonnement, au lever du soleil, le Roi du monde -qui vient de naître (le psaume 92 convient tout à fait ici : à l’arrière-plan, Dieu nous apparaît mettant un frein à la fureur des flots). L’Oraison est une magnifique prière de lumière. “ Environnés des flots de la nouvelle lumière du Verbe incarné ”, nous demandons la lumière dans la foi et dans les œuvres. L’Épître complète l’oraison. Le bon Sauveur, le Dieu fait homme, est la lumière qui nous a été communiquée au Baptême. Au Graduel, nous louons ce divin Sauveur “ qui est venu, qui brille devant nous et qui est admirable à nos yeux ”, lui le Maître de tout. Puis à l’Évangile, nous suivons, pleins de joie, les bergers dans l’étable. A l’Offrande, nous sommes nous-mêmes les bergers qui nous approchons du Roi nouveau-né que nous sommes admis à contempler. Avec les bergers, nous lui offrons nos présents (ce n’est pas en vain que, dans les représentations des bergers, on les montre les mains chargées de présents) et nous nous retirons le cœur rempli de la joie de Dieu. L’antienne de la Communion nous montre le Roi nouveau-né faisant son entrée dans son Église, dans l’âme. L’attente de l’Avent est remplie : “ Tressaille de joie, fille de Sion, jubile, fille de Jérusalem, voici que ton Roi vient, le Saint, le Sauveur du monde. ” Cette messe est toute remplie de cette pensée de la lumière et c’est une des plus belles de l’année liturgique. 

2. L’Office solennel. — a) La troisième messe (Puer natus est). La messe “ du jour ” est la messe proprement dite de la fête. L’église de Station était primitivement et est encore, conformément à l’idée de la messe, l’église des Gentils, Saint-Pierre de Rome. Cette église est pour les Romains le symbole de la domination du Christ sur le monde païen. Telle est aussi la pensée dominante de la messe : la royauté universelle du Christ. 

A l’Introït, nous chantons le petit Enfant dans sa crèche comme l’Imperator (au sens de la Rome antique) du monde, celui “ sur les épaules duquel repose la souveraineté ”. Au psaume 97 que nous avons déjà rencontré aux Matines, nous chantons : “ Le Seigneur a manifesté son salut, devant les yeux des Gentils, il a dévoilé sa justice. ” “ Toutes les régions de la terre voient maintenant le salut de notre Dieu. ” Dans l’Oraison, nous demandons que “ la nouvelle naissance ” nous fasse secouer “ l’antique joug du péché” et nous donne la liberté. Epître s’adapte merveilleusement à la pensée principale. Devant nos yeux apparaît l’image du souverain de l’univers : “ Dieu l’a établi héritier et Seigneur du monde qu’il a créé par lui. Comme splendeur de la gloire du Père et image de sa divine essence, le Fils porte et soutient l’univers par sa parole toute-puissante... maintenant il siège dans le ciel, à la droite de la majesté divine. Le Père dit à son Fils : ton trône, ô Dieu, est établi d’éternité en éternité, un sceptre d’équité est le sceptre de ta royauté... ” L’Alleluia est un prélude à l’Évangile de lumière, c’est un chant de lumière : le jour sacré a brillé. Le soleil, le symbole du Sauveur du monde, est, au ciel, dans tout son éclat. Nous entendons alors l’Évangile. Quel n’est pas alors l’effet du Prologue de saint Jean ! Le Logos est la divine lumière qui brille dans les ténèbres du monde, mais le monde ne la comprend pas. Mais pour nous, les enfants de Dieu, elle brille aujourd’hui ; bien plus, elle établit aujourd’hui sa demeure parmi nous. L’Offertoire développe le thème de la souveraineté universelle du Christ : “ A toi est le ciel, à toi est la terre..., le droit et la justice sont les soutiens de ton trône. ” Quand maintenant, à l’Offrande, nous nous approchons de l’autel, nous venons devant son trône et nous chantons la puissance du grand Roi. A la Communion, nous chantons une fois encore le psaume de l’Introït (psaume 97) : “ Toutes les régions de la terre voient maintenant (dans l’Eucharistie) le salut de notre Dieu. ” Dans la Postcommunion, après avoir rappelé l’un des objets importants de la fête : “ Le Sauveur du monde qui vient de naître est l’auteur de notre naissance divine ”, nous appuyons sur cette considération notre demande : qu’il nous accorde aussi l’immortalité. Le dernier Évangile est déjà une transition avec l’Épiphanie. Nous avons ainsi dans les trois messes un développement progressif de la pensée de Noël : 
La nuit — l’aurore — le soleil de midi
Marie seule — les bergers (quelques privilégiés) — le monde entier
Le Rédempteur — notre Rédempteur — le Rédempteur du monde. 
b) les Vêpres sont les derniers échos de la fête. Ces secondes Vêpres de Noël prêtent leur psalmodie à toute l’Octave. Quelles en sont les pensées dominantes ? J’en trouve deux. 

a). La personne du Christ. – “ Engendré du sein du Père avant l’étoile du matin ”, “ la lumière qui s’est levée dans les ténèbres ”, “ le Seigneur miséricordieux et juste ”. La promesse faite à David que son descendant occuperait son trône royal s’est accomplie dans le Christ (psaume 131 ; c’est pour la même raison qu’on trouve le psaume 88 à Matines). 

h). La Rédemption. — Noël est la fête de la Rédemption : “ Il a envoyé la Rédemption à son peuple, il a conclu avec lui une alliance éternelle. ” Ce qui nous surprend le plus dans ces Vêpres, c’est le sombre psaume “ De profundis ”. Nous avons coutume de le chanter à l’Office des morts et il faut en faire aujourd’hui un psaume de fête et de joie ? La raison de son choix est la pensée de l’“ abondante Rédemption”. Cependant il faut nous efforcer de voir son rapport organique avec la fête. La prière chorale est la prière du Christ mystique. Le Christ crie des profondeurs de l’humiliation où il est descendu “ à cause de nous, les hommes ” ; petit Enfant, il crie de sa Crèche, il crie du sein de la misère humaine, au nom de l’humanité qui a besoin d’être rachetée : Des profondeurs, je crie vers toi, Seigneur ”. On s’en rend compte alors : le Roi a revêtu ses haillons. La belle antienne de Magnificat résume toute la fête : “ Aujourd’hui le Christ est né, aujourd’hui le Sauveur est apparu ; aujourd’hui les anges chantent sur la terre, les archanges tressaillent ; aujourd’hui les justes exultent et chantent : Gloire à Dieu dans les hauteurs, Alleluia. ” 

3. Saints du jour. — Sainte Anastasie. A la seconde messe, on fait mémoire de cette Rainte. On lit dans le martyrologe : “ Jour de mort de sainte Anastasie. Elle vécut au temps de l’empereur Dioclétien. Elle eut à souffrir de la part de son mari Publius des traitements durs et cruels, mais elle fut maintes fois consolée et encouragée par le confesseur du Christ Chrysogone. Plus tard elle fut emprisonnée longtemps par le légat d’Illyrie Florus. Enfin on lui lia les mains et les pieds et on l’attacha à un poteau autour duquel on alluma du feu. Elle mourut ainsi de la mort du martyre. Cela se passait dans l’île Palmaria. ” 

Martyrs de Noël. — “ A Nicomédie (Asie Mineure), mémoire de la mort de plusieurs milliers de martyrs. Ils s’étaient rassemblés, le jour de la Nativité de Notre Seigneur, pour célébrer la sainte Eucharistie. Alors l’empereur Dioclétien fit fermer les portes de la maison de Dieu et entasser tout autour des matières inflammables. Devant l’entrée on plaça un trépied avec un brûle-parfums et le héraut fut chargé d’annoncer : “ Ceux qui veulent échapper à la mort par le feu doivent sortir et brûler de l’encens devant Jupiter. ” Mais tous, d’une seule voix, répondirent qu’ils aimaient mieux mourir pour Jésus-Christ ; alors on alluma le feu qui devait les faire mourir. Ils eurent ainsi le bonheur de naître à la gloire du ciel le jour même où le Christ avait daigné naître comme Sauveur sur la Terre ” (Martyrologe).