21 AOUT - Sainte Jeanne-Françoise Frémiot de Chantal, veuve. (double).

Fartiter et suaviter.
     
1. Sainte Jeanne de Chantal. — Jour de mort : 15 décembre 1641. Tombeau : dans le couvent des Visitandines d’Annecy. Vie : Jeanne-Françoise Frémiot de Chantal, fondatrice de l’Ordre de la Visitation, naquit en 1572 d’une illustre famille. Son père la donna en mariage au baron de Chantal ; épouse et mère, elle se dévoua entièrement à la formation morale et religieuse de ses enfants, de ses serviteurs et de ceux qui étaient sous sa dépendance. D’une très grande libéralité envers les pauvres, elle vit plus d’une fois la divine Providence multiplier ses modestes ressources ; aussi fit-elle vœu de ne jamais rien refuser à qui lui demanderait l’aumône au nom de Jésus-Christ. Son mari ayant été tué accidentellement à la chasse, elle supporta chrétiennement son deuil et voulut encore donner au meurtrier une marque publique de pardon en devenant la marraine de son fils. Une pieuse affection l’unissait à saint François de Sales, son directeur, et c’est avec son approbation qu’elle dit adieu à son père et à ses enfants, et fonda l’Ordre de la Visitation. — Messe “ Cognovi ” du commun des non Vierges. V. Appendice, p. 796.
     
2. Fortiter et suaviter. — La force et la douceur, l’énergie et la tendresse ; l’union de ces qualités est un des traits essentiels du caractère chrétien. De cette union le Sauveur lui-même donne le plus magnifique exemple :. d’une énergie étonnante en certaines circonstances, et cependant toujours plein d’aménité et de bonté. Lorsqu’il s’arme d’un fouet pour chasser les vendeurs du temple, lorsqu’il déclare à saint Pierre, immédiatement après lui avoir promis les clefs du royaume des cieux : “ Retire-toi de moi, Satan, tu m’es un scandale D, il semble, oserions-nous dire, que nous ne comprenons plus le Sauveur ; mais il montre ailleurs une telle tendresse à l’égard des pécheurs, à l’égard de Marie-Madeleine, de la femme adultère, du bon larron, à l’égard de saint Pierre après son reniement ! Ainsi, devons-nous user de force et"de douceur quand et comme il convient. Sachons être énergiques sans rigueur excessive, sans cesser d’être aimables ; et que notre bonté ne dégénère pas en faiblesse et en apathie. S’agit-il de nos principes, le dogme et la morale sont-ils en cause ? Alors soyons fermes et inébranlables ; point de tolérance admissible en pareille circonstance ; mais, dans nos rapports avec les hommes, ayons assez de douceur et de condescendance pour les comprendre, les excuser, ou leur pardonner. Un chrétien doit être ferme et rigide comme un père, compatissant et tendre comme une mère ! Telles sont les qualités que nous admirons aujourd’hui en sainte Jeanne de Chantal.
       
3. Un trait de la vie de sainte Jeanne de Chantal. — Un des moments les plus pénibles de sa vie fut celui où elle se sépara des siens :
“ Le 19 mars 1610, jour fixé pour les adieux, les parents et les amis de la sainte se réunirent chez M. Frémiot. L’assemblée était nombreuse. Tout le monde fondait en larmes. Mme de Chantal, seule, conservait un calme apparent ; mais ses yeux nageaient dans l’eau, et témoignaient de la violence qu’elle était obligée d’employer pour se contenir. Elle allait de l’un à l’autre, embrassant ses parents, leur demandant pardon, les conjurant de prier pour elle, essayant de ne pas pleurer, et pleurant plus fort. Quand elle arriva à ses enfants, elle n’y put tenir. Son fils, Celse-Bénigne, se pendit à son cou et essaya par mille caresses de la détourner de son projet. Mme de Chantal, penchée sur lui, le couvrait de baisers et répondait à toutes ses raisons avec une force admirable. Nul cœur, si insensible qu’il fût, n’était capable de retenir ses sanglots en entendant “ ce discours filial et maternel si douloureusement amoureux ”. Après que les cœurs eurent été épuisés de tendresse, Mme de Chantal, pour mettre fin à une scène qui l’accablait, se dégagea vivement des bras de son fils et voulut passer outre. Ce fut alors que Celse-Bénigne, désespéré de ne pouvoir retenir sa mère, se coucha en travers de la porte en disant : “ Eh bien ! ma mère, si je ne puis vous retenir, du moins vous passerez sur le corps de votre fils ”. A ces mots., Mme de Chantal sentit son cœur se briser, et, ne pouvant plus soutenir le poids de sa douleur, elle s’arrêta et laissa couler librement ses larmes. Le bon M. Robert, qui assistait à cette scène déchirante, craignant que Mme de Chantal ne faiblît au moment suprême : “ Eh quoi ! Madame, lui dit-il, les pleurs d’un enfant vous pourront ébranler ? – Non ! reprit la sainte en souriant à travers ses larmes ; mais que voulez-vous, je suis mère ! — Et, les yeux au ciel, nouvel Abraham elle passa sur le corps de son fils ” 
Mgr BOUGAUD. — Histoire de Sainte Chantal. Tome premier, p. 411-413.