2 NOVEMBRE - La Commémoraison de tous les fidèles trépassés (double de 1e cl.)

“ Donnez-leur le repos éternel ”
Le Martyrologe annonce aujourd’hui en premier lieu : “ Aujourd’hui, nous faisons la commémoration de tous les fidèles trépassés. L’Église, notre mère commune, après avoir mis tous ses soins à célébrer par de dignes louanges tous ses enfants qui jouissent déjà du bonheur céleste, veut aussi secourir toutes les âmes qui languissent encore dans le lieu de purification, en intercédant de tout son pouvoir pour elles auprès de Dieu et de son Époux, le Christ, afin qu’elles soient réunies le plus vite possible à la communauté des citoyens du ciel. ”
1. Historique. — L’institution d’un jour commémoratif de tous les fidèles trépassés encore détenus dans le purgatoire remonte au pieux et saint Odilon, Abbé de Cluny (mort en 1048), qui décréta, en 998, que, dans tous les monastères de l’Ordre de Cluny, on célébrerait, après les vêpres du 1er novembre, l’office des morts. Cette coutume fut imitée et enfin adoptée par l’Église universelle. Le pape Pie X a donné au jour des morts le nom de “ grande fête des pauvres âmes ” ; chaque prêtre peut dire trois messes ce jour-là.
2. L’Office des Morts est la prière liturgique de la profonde compassion, de la généreuse assistance, de l’efficace consolation, de la tristesse modérée, dans un esprit de solide charité chrétienne. Notre place dans cet office des Heures se trouve entre le Dieu infiniment juste et miséricordieux et les chères âmes du purgatoire qui nous sont unies. Toutefois, nous ne demeurons pas là inertes, mais nous sommes attirés, tantôt vers Dieu, tantôt vers nos frères et nos sœurs qui souffrent, comme des anges consolateurs. Dieu se montre à nous dans sa souveraineté vengeresse, dans sa sainteté, dans son infinie bonté. C’est avant tout en nous tournant vers Dieu, en nous approchant de Dieu que nous devons réciter l’office des morts. Il veut, par la souffrance vindicative et purificatrice, délivrer de toute souillure et de tout péché ses serviteurs et amis qui sont morts en état de grâce sanctifiante, pour les admettre à la contemplation d’éternelle félicité et à l’union avec lui dans la Jérusalem céleste. Notre union avec les âmes souffrantes est si intime dans l’office des morts que nous y rencontrons les défunts dans les différents états et dans les divers degrés de leurs besoins et de leurs tourments, que nous nous substituons souvent à eux en esprit dans le feu du purgatoire, en prenant sur nous tous leurs châtiments et toutes leurs souffrances, pour gémir à leur place, pour implorer avec instance et confiance l’adoucissement de leurs peines, mais aussi pour remercier Dieu, avec un cœur filial, de son pardon.
L’office des morts ressemble, à divers points de vue, à l’office des trois grands jours de la semaine sainte. Les formules d’introduction et de conclusion habituellement usitées sont la plupart du temps supprimées (verset initial, hymne, Gloria Patri, absolution et bénédiction avant les leçons, conclusion “ tu autem ” après les leçons). Toutes les parties de l’office se développent avec une joie solennelle, traversée par un soufRe de tristesse grave et contenue. Les prières finales de chaque Heure se récitent à genoux ; nous sommes des intercesseurs suppliant en faveur des chers trépassés.
Jusqu’à Pie X, l’office des morts n’avait que les vêpres, les matines et les laudes, les trois Heures canoniques antiques et primitives. Maintenant il est complété pour le jour de la commémoraison de tous les fidèles trépassés par les autres Heures, de sorte qu’il constitue un office propre complet. L’ancien office, qui ne comprenait que les vêpres, les matines et les laudes, est un souvenir de l’office liturgique primitif de l’Église. — Les vêpres des morts produisent une profonde impression sur l’âme. Au lieu de la louange, c’est la supplication qui retentit sans cesse : “ Seigneur, donnez-leur le repos éternel... ” Dans les psaumes, nous chantons avec les âmes souffrantes et pour elles. Dans tous les psaumes de l’office, la pensée du purgatoire nous fait réfléchir à la misère et à la faiblesse de l’homme, à l’angoisse de l’heure dernière et du jugement, aux peines finales, mais aussi à l’infinie bonté de Dieu qui console et conduit au ciel. Au point culminant des vêpres, à Magnificat, l’espérance grandit : alors apparaît en personne le Divin Rédempteur qui nous promet, dans l’antienne, d’attirer à lui dans le royaume des cieux tous ceux que son Père lui a donnés.
Les Matines des morts commencent par le bel invitatoire : “ Venez, adorons le Roi pour qui tout être vit. ” Dans les leçons du premier nocturne, c’est Job, l’homme patient, la figure saisissante de ceux qui souffrent en purgatoire, qui implore la délivrance de ses cruelles souffrances dont il trace le tableau en gémissant et dont il désire connaître la cause. Au second nocturne, nous lisons un passage du livre de saint Augustin sur la sollicitude à témoigner aux défunts. Ce vénérable monument nous expose le prix qu’il faut attacher au corps humain, la piété avec laquelle on doit enterrer les cadavres et le devoir de prier pour les morts, à l’exemple de l’Église qui offre prières et sacrifice de la messe pour ceux envers qui elle peut quelque chose. Dans les leçons du troisième nocturne, l’Apôtre des nations proclame notre foi à la résurrection du Christ. Les antiennes, qui expriment ordinairement les sentiments des âmes souffrantes, produisent une impression particulièrement saisissante. Les psaumes qu’elles encadrent font entendre tour à tour le chant de la pénitence (1er et 3e nocturnes) et l’espérance du pardon (2e nocturne). — Les Laudes des morts expriment les sentiments d’une joyeuse espérance qui sont disséminés dans tout l’office. Elles commencent heureusement par le psaume 50, un psaume de la pénitence, mais elles passent bien vite au sentiment de joyeuse reconnaissance pour la moisson (ps. 64), à l’ardent désir de l’union à Dieu (ps. 62), à la joie de la résurrection (Cantique et ps. 150). Le cantique d’Ezéchias peint justement à merveille le passage des feux du purgatoire à la félicité du ciel.

3. La Messe de tous les fidèles trépassés (Requiem aeternam) contient, comme les autres messes des morts, deux éléments exprimant différentes sortes de sentiments et de pensées. Le premier élément, le plus ancien, remontant à l’antiquité chrétienne, a des accents joyeux et expose le consolant message de la résurrection de la chair. C’est à lui qu’appartient l’Introït avec le joyeux psaume de la moisson (ps. 64) : l’Église pense à la moisson des âmes ; il faut réciter le psaume tout entier pour comprendre son application. C’est encore à ce premier élément qu’appartiennent les deux lectures, deux joyeuses révélations de la glorieuse résurrection des morts. Dans l’Epître, l’Apôtre explique le mode de la résurrection de la chair : la chair ressuscitera, mais ce n’est pas le corps putrescible, mais un corps glorifié qui sera réuni à l’âme. A l’Evangile, le Christ se tient devant nous comme celui qui ressuscite d’une double mort : sur la terre, il ressuscite les hommes à la vie de la grâce ; au jugement dernier, il les ressuscitera, corps et âme, à la vie de la gloire. Ici aussi se place la belle préface des morts (elle est sans doute de date très récente, mais elle remonte à un ancien type de la liturgie mozarabe). Ces courts versets sont d’une beauté inimitable : “ Dans le Christ a lui pour nous l’étoile de l’espérance en la bienheureuse résurrection... A vos fidèles, Seigneur, la vie n’est pas enlevée, mais seulement renouvelée ; quand cet asile de leur pèlerinage tombe en poussière, l’éternelle habitation leur est accordée dans le ciel. ” — Le second élément de la messe des morts remonte au Moyen Age, qui portait davantage son attention sur le péché ; il n’exprime pas la même joie ni le même esprit de victoire, mais il est pénétré de sollicitude pour les pauvres âmes dont il demande la délivrance. Ce second élément peint la mort et le jugement en sombres couleurs. Ce caractère apparaît dans la saisissante Séquence (Dies irae), qui est une peinture très poétique du jugement dernier. Le beau chant de l’Offertoire nous montre en saint Michel le guide des âmes, qui, la hampe de son étendard plantée devant les abîmes de l’enfer, les introduit dans la sainte lumière. Ce morceau est l’unique exemple, dans notre missel, d’un offertoire composé de versets (la procession des offrandes à la messe des morts dure plus longtemps qu’aux autres messes, d’où le développement plus considérable du chant). Cet antique chant s’inspire de la conception que se faisait l’antiquité païenne de la conduite des âmes. La supplication, deux fois répétée, demandant que les âmes “ ne tombent pas dans l’oubli ”, rappelle aussi la conception païenne (du fleuve de l’oubli). La foi à la résurrection de la chair et la prière pleine de sollicitude pour la délivrance des chers défunts, tel est donc le contenu de la messe d’aujourd’hui. — A remarquer que, pendant toute la durée de la messe, les fidèles tiennent des cierges allumés ; ceux-ci ne symbolisent plus, comme d’ordinaire au cours de l’année, la grâce du baptême, mais les âmes souffrantes au lieu et place desquelles nous sommes là et pour lesquelles nous aspirons à “ l’éternelle lumière ”.