2 JUILLET - La Visitation de la Très Sainte Vierge. (double de 2e classe).

Mon âme glorifie le Seigneur.
     
1. La fête de la visite de Marie à Sainte Elisabeth remonte au Moyen Age ; l’Église orientale célébrait déjà au même jour (2 juillet) depuis de nombreux siècles une fête de la Sainte Vierge (la déposition du vêtement de Marie dans le faubourg des Biachernes à Constantinople). Cette circonstance et la proximité de la nativité de saint Jean-Baptiste légitiment la fixation de notre fête à cette date. La visite de la Mère de Dieu à Élisabeth est en relation intime avec la naissance de saint Jean-Baptiste. Aussitôt après l’Annonciation, Marie se rendit chez sa cousine Élisabeth dans les montagnes de Juda, où eut lieu la mémorable rencontre des deux saintes femmes. C’est en cette circonstance que prit naissance le Magnificat, cantique si souvent employé et tenu en si haute estime par la liturgie. Marie demeura environ trois mois chez Élisabeth ; elle s’y trouvait peut-être encore au moment de la circoncision de Jean quand Zacharie chanta son cantique d’action de grâces, le Benedictus Elle retourna ensuite à Nazareth où l’attendait une pénible épreuve.
     
2. La messe (Salve). — La messe comporte, avec le commun des messes de la Sainte Vierge, quelques parties propres : la leçon évoque sous les traits imagés d’un amour virginal la divine maternité de Marie et son amour pour son divin Fils ; le voyage de Marie à travers les montagnes est préfiguré dans les versets suivants : “ Écoute ! voici mon bien-aimé qui vient ; il bondit sur les montagnes et franchit en toute hâte les colline ”. — A ces mots répond, dans l’Évangile, le texte suivant : “ Marie se leva et partit en toute hâte dans la montagne, dans une ville de Juda ”. Au Saint-Sacrifice nous partageons le bonheur de l’Épouse bénie du Saint-Esprit et nous lui ressemblons : “ le Seigneur nous visite” nous aussi, comme Jean-Baptiste et Élisabeth, de sa grâce et de sa lumière.
3. La lecture d’Écriture est tirée aujourd’hui du Cantique des cantiques. Ce choix est fait en raison de la fête (II, 1-17). Le Cantique des cantiques est l’un des trois livres de la Sainte Écriture qui nous sont parvenus sous le nom de Salomon ; au sens littéral, il chante la liaison du roi Salomon avec une jeune bergère ; en voici les phases principales : les deux personnages éprouvent l’ardent désir d’une union matrimoniale, ils expriment par des chants et des dialogues leur passion mutuelle, ils se plaignent des obstacles qui s’opposent à leur union. Toutefois, au sens complet et chrétien, le Cantique des cantiques peint l’amour du Christ pour son Église, pour les âmes unies à Dieu, et réciproquement. Nous-mêmes, occidentaux, ne soyons pas choqués par la passion et le réalisme contenus dans les images du Cantique des cantiques. Les leçons de l’office d’aujourd’hui nous donnent un extrait de ce livre.
“ Écoute ! voici mon bien-aimé qui vient ; il bondit sur les montagnes, franchissant en toute hâte les collines ; mon bien-aimé est semblable à la gazelle ou au faon des biches ; vois ! il est là derrière le mur, il regarde par la fenêtre, il regarde par le treillis. Maintenant mon bien-aimé prend la parole et me dit : “ Lève-toi, mon amie ; hâte-toi, ma colombe, ma belle ; viens ! L’hiver est fini ; la pluie a cessé, elle a disparu ; les fleurs paraissent sur la terre, le temps est venu de tailler la vigne ; la voix de la tourterelle se fait entendre dans nos campagnes. Le figuier développe déjà ses fruits naissants, la vigne en fleur exhale son parfum ”.
4. Les saints Processus et Martinien. — Au temps où saint Pierre et saint Paul étaient enfermés dans la prison mamertine, sur la colline tarpeïenne, les deux geôliers Processus et Martinien, touchés par la prédication et par les miracles des deux Apôtres, embrassèrent la foi chrétienne et furent baptisés aussitôt avec l’eau qui jaillit tout à coup d’une roche. Ils voulurent alors aider les apôtres à s’échapper de leur prison. Ils subirent le martyre pour leur foi (en 67 environ). Les reliques des deux martyrs sont actuellement à Saint-Pierre de Rome.
     
5. Le Magnificat. — Notre fête est l’anniversaire de la composition du Magnificat, le cantique d’action de grâces de la Sainte Vierge si vénéré dans l’Église.
Mon âme glorifie le Seigneur,
Et mon esprit tressaille de joie En Dieu, mon Sauveur,
Parce qu’il a jeté les yeux sur son humble servante.
Voici, en effet, que désormais m’appelleront bienheureuse toutes les générations,
Parce qu’il a fait en moi de grandes choses,
Celui qui est puissant et dont le nom est saint,
Et dont la miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.
Il a déployé la force de son bras,
Il a dissipé ceux qui s’enorgueillissaient dans les pensées de leur cœur ;
Il a renversé de leur trône les potentats
Et il a élevé les petits ;
Il a comblé de biens les affamés ;
Et les riches, il les a renvoyés les mains vides.
Il a pris par la main Israël, son enfant,
Se souvenant de sa miséricorde,
Ainsi qu’il l’avait promis à nos pères,
Envers Abraham et sa descendance pour toujours.
Le Magnificat est le chant d’action de grâces de la Sainte Vierge pour l’honneur de la maternité divine qu’elle a reçu et pour la rédemption de l’humanité. Pour bien comprendre aujourd’hui cette prière, nous devons nous reporter au grand moment où elle a pris naissance ; Marie reçoit de l’ange la nouvelle qu’elle est fut appelée à devenir la mère du Fils de Dieu ; elle ne peut encore concevoir la grande grâce qui lui est faite et il n’y a personne à côté d’elle en qui elle puisse épancher l’émotion de son cœur ; alors, elle se rend dans les montagnes de Juda, chez sa cousine Élisabeth qui avait été honorée d’une grâce du même genre. Celle-ci, éclairée par Dieu, salue et reçoit Marie comme la Mère de son Dieu. Alors Marie ne peut plus contenir les sentiments de son âme, elle laisse parler son cœur débordant de reconnaissance ; le Magnificat s’échappe comme un chant et une prière pour remercier Dieu de l’honneur de la maternité divine et de la rédemption du genre humain. Le cantique se divise en trois strophes :
1re str. :
a) Remerciement pour la grâce et l’honneur qui lui sont faits,
b) Glorification des trois attributs de Dieu : toute-puissance, sainteté, miséricorde.
2e str. : Glorification du règne de Dieu sur l’humanité (les orgueilleux et les humbles).
3e str. : Dieu accomplit les promesses messianiques.
Paraphrase et suite des idées :
1. a) Je remercie d’un cœur débordant de joie te Seigneur ; pourquoi ? Il a exercé envers moi, son humble et indigne servante, une œuvre de grâce exceptionnelle (c’est-à-dire la grâce de la maternité divine). Conséquence de cette grâce : je serai distinguée entre toutes par l’humanité entière ;
b) Il m’a élevée bien haut, le Dieu tout-puissant, très saint et très miséricordieux. L’incarnation du Fils de Dieu et la Rédemption, qui commence avec mon élévation, voilà la plus grande œuvre de la toute-puissance divine ; par-là Dieu manifeste sa Sainteté, son horreur pour le péché, et son immense Miséricorde envers l’humanité pécheresse.
  
2. Par l’énumération des attributs de Dieu, Marie a passé de sa personne au plan divin de salut, et elle expose dans la strophe centrale les traits essentiels de la prédestination et de l’économie du salut : la puissance de Dieu se manifeste en vouant à l’échec le vain orgueil des puissants et en appelant à la gloire ceux qui sont petits et bas aux yeux du monde.
  
3. Après avoir fait ces réflexions, Marie constate avec joie que Dieu peut délivrer Israël, et cela parce que Dieu est miséricordieux et fidèle ; miséricordieux, parce qu’Israël ne peut pas se sauver tout seul ; fidèle, parce que Dieu a promis le salut aux ancêtres de son peuple.
   
Comme toute la poésie de l’Ancien Testament et des premiers temps du christianisme, notre cantique révèle un art très simple. Le rythme des pensées et le parallélisme bien connu des phrases y sont évidents. Peut-être le cœur de Marie a-t-il trouvé, pendant le séjour de trois mois qu’elle fit dans la maison sacerdotale, la dernière forme poétique de son inspiration. — Notre cantique prit place de bonne heure dans la liturgie ; dès le IVe siècle on le récitait à l’office, et il fut sans doute introduit dans les vêpres par saint Benoît.