2 FÉVRIER - Dernière fête du cycle de Noël - Purification de la Sainte Vierge (Chandeleur) (double de 2e classe)

L’Épouse prépare sa chambre nuptiale. 

La Chandeleur est la dernière fête du cycle de Noël. Les pensées de la fête sont une transition entre Noël et Pâques. Nous voyons encore le divin Enfant dans les bras de sa Mère, mais elle l’offre déjà en sacrifice. 

1. La fête. — L’Église chante : “ Aujourd’hui la bienheureuse Vierge Marie présenta l’Enfant Jésus au temple et Siméon rempli de l’Esprit-Saint le prit dans ses bras et bénit Dieu pour l’éternité. ” La fête est célébrée exactement quarante jours après Noël. L’Église romaine célèbre de préférence ses fêtes d’après la chronologie de l’Écriture (par exemple : la Circoncision, l’Annonciation, l’Ascension, la Pentecôte, la naissance de saint Jean-Baptiste). 

La fête d’aujourd’hui est, en premier lieu,. une fête de Notre Seigneur et, en second heu, une fête de la Sainte Vierge. Pour bien comprendre cette fête, il faut la situer dans la série des grandes fêtes du cycle de Noël : Noël, l’Epiphanie et la Chandeleur sont les points dominants du cycle d’hiver. Nous pouvons même remarquer une belle progression, tant dans le symbole de la lumière que dans la participation de l’humanité à la manifestation de Dieu. A Noël, la lumière “ brille dans les ténèbres ” et bien peu nombreux sont ceux qui “ la reçoivent ” (la Mère de Dieu, les bergers à la Crèche). A l’Épiphanie, la “ lumière ” rayonne sur Jérusalem (l’Église), “ la gloire du Seigneur s’est levée sur Jérusalem ” et le monde païen “ afflue ” des ténèbres vers la ville de lumière. Aujourd’hui, à la Chandeleur, la lumière est dans nos mains, nous la portons en procession et à la messe ; la lumière fait aujourd’hui partie essentielle de la liturgie. Mais, aujourd’hui aussi, l’Église s’avance comme une Épouse au-devant du Seigneur et “ reçoit avec amour la miséricorde (faite Homme) dans ses bras ” (Intr.). C’est précisément cette progression qui donne toute sa beauté à cette fête. A Noël, l’Église est encore à l’arrière-plan, le divin Roi qui vient de naître domine toute la liturgie ; à l’Épiphanie, l’Église apparaît déjà comme l’Épouse “ ornée du vêtement du salut comme une Épouse, parée de joyaux ”. La liturgie célèbre ses noces. Aujourd’hui, la fête marque donc un progrès important : l’Épouse orne sa chambre nuptiale et va au-devant de l’Époux, c’est pourquoi nous chantons le cantique nuptial :
“ Pare ta chambre nuptiale, Sion,
Reçois le Christ, le Roi,
Entoure Marie, la Porte du ciel,
Car elle porte le Roi de gloire, la nouvelle lumière.
Là se tient debout la Vierge, elle porte dans ses mains son Fils
Engendré avant l’étoile du matin,
Siméon le reçoit dans ses mains et annonce aux peuples
Qu’il est le Maître de la vie et de la mort, le Sauveur du monde. 
C’est justement dans cette participation de l’humanité que se trouve le sens principal de la fête. C’est pourquoi les Grecs l’appellent d’une manière très significative, “ la Rencontre ”. L’humanité rencontre le Seigneur dans le temple (dans l’Église). L’Invitatoire de Matines (qui d’ordinaire exprime d’une manière très concise le sens de la fête) nous dit : “ Voici que vient dans son saint temple le Souverain Seigneur ; Sion, va au-devant de ton Dieu, pleine de joie et d’allégresse. ” De même, pendant la messe, nous nous tenons les bras tendus prêts à recevoir l’Époux, c’est pourquoi nous chantons trois fois le psaume 47 avec le verset : “ Nous avons reçu ta miséricorde au milieu de ton temple... ” Ainsi donc le thème de la rencontre domine la fête. Le médiateur de cette rencontre est le vieillard Siméon, c’est pourquoi la liturgie aime à s’arrêter aujourd’hui devant cette figure vénérable. 

Un second thème important de cette fête, c’est la lumière. Nous connaissons déjà le haut symbolisme de la lumière. Elle signifie le Christ et la vie divine du Christ en nous. Les paroles du vieillard Siméon : “ la lumière qui éclaire les nations ” donnent à l’Église l’occasion de célébrer une véritable fête de lumière. (Notre fête fut instituée pour remplacer les Lupercales païennes, fêtes dévergondées qui consistaient dans des processions nocturnes aux flambeaux, c’est pour cette raison que le célébrant et ses ministres portent, à la bénédiction des cierges et à la procession, des ornements violets). L’Église bénit aujourd’hui des cierges pour son usage liturgique, mais elle met aussi des cierges dans les mains des fidèles. Ils doivent faire brûler ces cierges chez eux, dans leurs cérémonies domestiques, au moment de l’orage et du péril, et, spécialement, au moment du Saint-Viatique et de l’Extrême-Onction. — L’Église veut nous faire souvenir en même temps de notre cierge de Baptême, signe de notre titre d’enfants de Dieu et du ministère sacerdotal constant des fidèles. Tous les ans, nous recevons de nouveau le cierge du Baptême, afin que nous puissions aller en hâte “ avec une lampe allumée ” au-devant de l’Époux quand il viendra pour les noces. 

Qu’il est beau ce symbolisme de la lumière ! Nous recevons les cierges des mains de l’Église. (Il faudrait que les prêtres de paroisse, conformément aux prescriptions liturgiques, remettent vraiment les cierges aux fidèles). Quel est le sens de ce rite ? L’Église nous donne sans cesse le Christ et la vie divine. Nous portons aujourd’hui, en procession, la lumière allumée, c’est le symbole de la vie chrétienne ; ainsi devons-nous porter le Christ en nous[1]. Avec la lumière dans nos mains, nous rentrons, après la procession, dans l’église ; c’est la maison de Dieu, symbole du ciel. Ainsi marchons-nous avec le Christ à travers la vie en nous dirigeant vers le ciel. Il est particulièrement beau et significatif de voir les fidèles, pendant le chant de l’Évangile et pendant le Canon jusqu’à la Communion, tenir leurs cierges allumés à la main. Quel est le sens de cette cérémonie ? A l’Évangile et au Canon, le Christ est présent parmi nous. C’est pourquoi, à la grand’messe, on porte à ces deux moments les cierges et l’encens. Mais aujourd’hui, l’Église nous dit : il faudrait qu’à chaque messe, vous portiez des cierges à la main ; d’ordinaire, les acolytes vous remplacent, mais aujourd’hui vous remplirez ce ministère du sacerdoce général. Ainsi la messe d’aujourd’hui est une véritable messe de “ Chandeleur ” presque la seule de l’année. (Aux messes des morts, les fidèles portent souvent aussi des cierges à la main, mais c’est pour une autre raison). 

2. La messe. — a) La bénédiction des cierges et la procession. La couleur violette et l’Exurge, comme aux Rogations, nous étonnent un peu. Une fête de lumière et un cortège nuptial avec cette ombre de tristesse ! Si cette procession fut jadis une protestation contre les débordements païens, elle est aujourd’hui un acte expiatoire pour ceux aux yeux de qui n’a pas brillé “ la lumière pour la révélation des nations ”. Hélas ! cette révélation est loin d’être complète. Suivons attentivement, pendant la procession, le magnifique chant nuptial. 

b) La messe elle-même (Suscepimus). Nous nous tenons comme Siméon et nous avons, en esprit, les bras tendus pour recevoir le Fils de Dieu, c’est l’attitude qui convient pendant l’avant-messe (Intr. Grad.). Considérons que, dans chaque messe, il y a une double “ Rencontre ” : dans l’avant-messe, la parole humaine se rencontre avec la parole divine et, dans le sacrifice, le Pain terrestre se rencontre avec le Pain divin. Dans la Leçon, le dernier Prophète, Malachie, prédit que le Messie paraîtra dans le temple. A l’Évangile, nous assistons à la réalisation de cette prophétie. D’une manière plus haute, cette prophétie se réalise au Saint-Sacrifice : le “ Souverain, le Messager de l’Alliance ” paraît sur l’autel. Il vient, aujourd’hui encore, comme le “ Roi de la nouvelle lumière ”, si brillant qu’aucun regard humain ne peut soutenir son éclat, si ardent qu’il purifie notre or (Leçon). A l’Offrande, nous nous approchons de l’autel avec Marie qui offre des tourterelles, mais aussi le Fils de Dieu (cf. le dernier chant de la procession, au moment de l’entrée dans l’église). A la Communion, nous sommes semblables au vieillard Siméon qui put contempler l’Oint du Seigneur, “ la lumière” (c’est pourquoi nous portons un cierge allumé à la main). La maison de Dieu est aujourd’hui le temple de Jérusalem (c’est pourquoi, dans la messe, il est si souvent question du temple) où le Christ paraît au Saint-Sacrifice. 

3. Pensées de fête. — Recueillons encore quelques pensées de la fête. 

a) Aujourd’hui se réalisent les prophéties de quelques Prophètes qui avaient annoncé que le temple de Jérusalem serait illustré par le fait que le Messie y paraîtrait et s’y manifesterait comme tel. Jésus entre aujourd’hui, pour la première fois, dans la maison de son Père, comme il l’appelait, dans le temple, il s’y manifestera encore souvent comme Messie et Fils de Dieu. Cette pensée domine en grande partie la messe de la fête, elle apparaît dans l’Introït, le Graduel et la Leçon. Le temple est le type de l’Église. 

b) Aujourd’hui le Christ est offert dans le temple en sacrifice à Dieu le Père. D’après la Loi, tout premier-né était consacré à Dieu, il devait être présenté au temple et racheté. Mais, pour Notre Seigneur, la Présentation avait un sens plus profond : Dieu ne Il libère pas son Fils, la Présentation par les mains de Il Marie est, pour ainsi dire, l’Offertoire de sa vie. Si nous comparons la vie rédemptrice de Jésus avec le Sacrifice de la messe, sa Présentation dans le temple est l’Offertoire, et sa mort sur la Croix la Consécration et l’Élévation sanglante. Aujourd’hui, le divin Agneau est en quelque sorte placé sur la patène et présenté à son Père ; dans trente-trois ans, il achèvera son Sacrifice sur la Croix. Oui, c’était l’Offertoire de toute la Rédemption et la volonté de sacrifice de tous les fidèles y était unie. 

c) Aujourd’hui, la sainte Vierge offre un sacrifice de Purification. D’après la loi, toute mère devait, après la naissance d’un enfant, se purifier des souillures lévitiques, car, à tout enfant, s’appliquait la parole du psaume (psaume 50) : “ dans l’injustice j’ai été conçu, et dans les péchés m’a conçu ma mère. ” — A la vérité, Marie n’était pas tenue à cette prescription, car elle était la plus pure des vierges, et son enfant, l’Agneau immaculé de Dieu. Néanmoins, avec humilité et en esprit d’immolation, elle offre le sacrifice des pauvres : un couple de tourterelles. 

En imitation et en souvenir de la Purification de Marie, il y a, dans l’Église, un bel usage, malheureusement trop délaissé : dès qu’une mère, après la naissance d’un enfant, peut quitter la maison, sa première visite est pour l’église. Là, elle remercie Dieu de son heureuse délivrance, elle offre son cher enfant au Seigneur et le prêtre la bénit, elle et son enfant. C’est la cérémonie liturgique des relevailles. Cette cérémonie ne consiste pas, comme dans l’Ancien Testament, en une purification de la mère, chez les chrétiens, il n’est pas besoin de purification après la naissance, — mais, dans cette cérémonie, la jeune mère imite l’acte d’humilité de Marie : elle se tient auprès de la porte de l’église et est conduite par le prêtre à l’autel. 

d) D’une beauté émouvante est la figure du vieillard Siméon. Dans un ardent désir, il a, toute sa vie, attendu le Sauveur. Avec sa foi enfantine, dans le pauvre fils d’ouvriers, il adore le Fils de Dieu ; avec son amour ardent, il sent son cœur rajeuni, quand, dans ses bras de vieillard, il tient l’Enfant Jésus. Désormais il ne demande plus rien à la terre, il a vu le Sauveur et, plein de reconnaissance, il chante la prière du soir de sa vie : “ Maintenant, tu laisses partir ton serviteur, Seigneur... ” 

De ce beau chant, l’Église a fait la prière du soir et la prière de remerciement pour les bénédictions et les grâces du jour de, Rédemption. A Complies, nous trouvons ce chant à la fin. Nous voyons devant nous le vieillard Siméon, il tient dans ses bras l’Enfant Jésus et, le cœur rempli de reconnaissance, il achève le service de Dieu. Quand nous prions, nous sommes dans une situation semblable. Nous sommes tous, nous aussi, au service de Dieu. Maintenant, aux heures de la soirée, nous tenons en esprit le Sauveur dans nos bras, le Sauveur que nous possédons par la foi, par la grâce, par les sacrements ; nous remercions, du fond du cœur, Dieu de tous ses bienfaits et nous sommes prêts, si telle est sa volonté, à quitter la terre : Maintenant, laisse partir ton serviteur, les yeux de ma foi ont vu aujourd’hui et dans ma vie passée le Sauveur Jésus-Christ, j’appartiens moi aussi à la troupe des élus, il est mon salut,. ma lumière qui a éclairé les ténèbres de mon intelligence et de mon cœur, il est ma gloire, ma récompense éternelle. Ah si nous pouvions toujours terminer nos journées sur de telles pensées ! Il n’est pas de pensées plus ferventes pour une prière du soir. — Et quelle beauté n’a pas cette prière dans la bouche d’un chrétien mourant, comme prière du soir de sa vie ! 
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[1] La procession des Rameaux est le pendant de celle-ci. Aujourd’hui nous sommes des porte-flambeau, au jour des Rameaux, nous sommes des martyrs, des chevaliers.