1er JANVIER - La Circoncision de Notre Seigneur (double de 2e classe)

Station à Sainte Marie du Transtévère

Le Roi offre les prémices de son sang rédempteur.
Aujourd’hui la liturgie commémore la Circoncision du Seigneur. 

“ Quand huit jours furent passés et que l’Enfant dut être circoncis, on lui donna le nom de Jésus. Ainsi l’avait déjà nommé l’ange avant qu’il fût conçu dans le sein de sa Mère ” (Év.). 

1. La fête a quatre thèmes principaux : a) la nouvelle année, b) l’Octave de Noël, c) la Circoncision du Seigneur, d) Marie Mère de Dieu.

a) Aujourd’hui est le premier jour de l’année civile. L’Église en tient compte, elle a fait de ce jour une fête d’obligation (dans l’Église universelle). L’Église veut qu’au seuil de l’année civile, nous apportions à Dieu le tribut de nos hommages. Dieu est le Maître du temps. Puissions-nous employer tout le temps précieux de l’année nouvelle selon les vues de la divine Providence, comme une voie qui nous mène à l’éternité. 

b) Nous fêtons aussi aujourd’hui l’Octave de la fête de Noël. Dans l’esprit de l’Église, les grandes fêtes ne doivent pas durer un jour seulement, mais se prolonger pendant huit jours. L’Église est psychologue et sait comment est fait notre esprit. Le premier jour, notre âme admire, incapable de pénétrer plus avant dans le sens du mystère ; les jours suivants, elle médite le mystère sous toutes ses faces, avec son intelligence et son cœur, et le huitième jour elle réunit toutes ses impressions dans une vue d’ensemble. Pour la fête de Noël, il n’en est pas entièrement ainsi : l’âme ne peut pas s’attarder tranquillement à la méditation des pensées de Noël, parce que, pendant l’Octave, on célèbre d’autre fêtes. Le jour Octave n’en a que plus d’importance. L’Église nous conduit pour la dernière fois devant l’Enfant divin. 

c) Cependant, à côté de ces pensées générales de Noël, il y a dans la liturgie, un progrès : la Circoncision du Seigneur. C’est la pensée spéciale du jour. Huit jours après sa naissance, l’Enfant fut circoncis selon la loi de Moïse et on lui donna le nom de Jésus qui lui avait déjà été attribué par l’ange, avant sa conception. Ce mystère de la fête peut être considéré d’un double point de vue, par rapport au Seigneur et par rapport à nous ; ces deux considérations ont leur fondement dans la liturgie. Le Christ est venu sur la terre pour nous sauver ; il aurait pu accomplir la Rédemption par une parole ou par un acte. Mais il voulut accomplir l’œuvre rédemptrice par une série d’actes particuliers et les couronner enfin par un grand acte, sa mort et sa résurrection. Ces actes particuliers sont accomplis à cause de nous, pour nous faire reconnaître l’importance et l’efficacité de la Rédemption. A ces phases de l’œuvre rédemptrice appartient la Circoncision. Aujourd’hui coulent les premières gouttelettes du sang rédempteur. C’est le premier sacrifice, le sacrifice du matin que suivra, un jour, le sacrifice du soir (sacrificium vespertinum) sur la Croix ; aujourd’hui une goutte de sang et dans trente-trois ans, tout le sang jusqu’à la dernière goutte. La fête d’aujourd’hui est donc un intermédiaire entre Noël et Pâques, entre la Crèche et la Croix : l’enfant est encore couché dans sa Crèche et déjà il verse son sang pour l’humanité. 

Mais la Circoncision a aussi des conséquences pour nous. Nous avons pu dire à Noël : le Christ est né. nous sommes nés avec lui (nous le prions à la Postcommunion comme l’auteur de notre naissance divine) ; de même nous pouvons dire aujourd’hui : le Christ a été circoncis, nous prenons part à sa Circoncision. Telle est la tâche de notre Rédemption, il faut que nos passions mauvaises soient mortifiées. Bien que nous ayons été sanctifiés au Baptême, nous portons toujours notre nature corrompue avec nous, nous avons besoin d’une “ circoncision du cœur ” continuelle. Cela se fait intérieurement par la participation aux saints mystères. extérieurement par la poursuite personnelle de la perfection. 

d) Aujourd’hui est aussi une fête de la Sainte Vierge, peut-être la plus ancienne des fêtes de Marie. L’Église est reconnaissante à Marie à cause de la grande part qu’elle a prise à l’Incarnation de Notre-Seigneur. Comment la liturgie considère-t-elle aujourd’hui Marie ? Comme Mère de Dieu et comme Vierge. Il faut citer en premier lieu les antiennes de Vêpres qui sont tout à fait sur le modèle occidental. Elles sont riches de pensées et parcourent tout l’Ancien Testament pour lui emprunter ses prophéties : Gédéon et la toison, le buisson ardent, la racine de Jessé, l’étoile de Jacob. La liturgie ne s’abandonne pas à des discussions sentimentales, elle ne se demande pas si, au moment de la circoncision, Marie a souffert ou pleuré. Non, Marie est la Vierge-prêtre ; joyeuse et grave, elle offre avec Notre-Seigneur les prémices de son sacrifice. Marie est aussi le modèle de l’Église et nous indique sa part et notre part dans l’œuvre de la Rédemption. Aujourd’hui et dans tous le$ temps, notre Mère virginale, l’Église, est là Elle fait couler par les mains de ses prêtres le sang rédempteur dans le cœur de ses enfants. Mais notre âme aussi peut et doit prendre la place de Marie et faire couler à la messe le sang du Sauveur pour elle-même et pour les âmes de ses frères et de ses sœurs. 

2. La messe (Puer natus) est en grande partie empruntée aux messes de Noël : les chants sont de la troisième, l’Épître est de la première. Une importance particulière s’attache à la phrase : “ il s’est livré pour nous, afin de nous sauver. ” Les oraisons sont mariales, une preuve que Marie est aujourd’hui au premier plan. L’Évangile seul est propre, c’est le plus court de l’année. L’église de Station est actuellement Sainte-Marie au-delà du Tibre (Santa Maria in Transtevere), mais primitivement c’était la vénérable église de Sainte-Marie des Martyrs, l’antique Panthéon. Ce choix d’une église de la Vierge est très significatif : la première effusion de sang de Jésus fait songer à la dernière effusion sur la Croix. Dans les deux cas, Marie “ était là, debout ”. — Le sang précieux qui brille sur l’autel dans le calice est le sang que Notre Seigneur versa pour la première fois, c’est le sang de la Vierge Marie. 
“ Tu es glorifiée et digne d’honneur, Vierge Marie ; sans violation de ta virginité, tu es la Mère du Rédempteur.
Il était couché dans la Crèche et resplendissait au ciel.
Seigneur j’ai entendu ta voix et j’ai craint ; j’ai considéré tes œuvres et j’ai tremblé :
Au milieu de deux animaux il était couché dans la Crèche et resplendissait au ciel. ” (Rép.). 
3. Lecture de l’Écriture (Rom. Chap. IV). — Il se trouve aujourd’hui que l’Écriture occurrente concorde avec les pensées de la fête. Le lien c’est la circoncision. Saint Paul a montré que la justification ne se produit que par la foi au Christ. Il doit alors répondre de nouveau à une objection des Juifs : la loi et la circoncision n’ont donc aucune valeur ? Il répond : non, la loi n’est qu’un pédagogue dont le rôle est de nous conduire au Christ, elle nous adresse au Christ. “ Supprimons-nous la loi par la foi ? Jamais, mais nous confirmons la loi. ” De cela saint Paul donne une double preuve, en s’appuyant d’abord sur l’histoire d’Abraham (IV, 1-12) puis sur les promesses de Dieu à Abraham (13-25). Dans la première partie, saint Paul montre que la foi d’Abraham s’affirma avant sa circoncision. Il est par conséquent le père de tous les Juifs, circoncis comme des païens incirconcis. “ Si Abraham a été justifié par les œuvres, il a une raison de se glorifier mais pas devant Dieu. Que dit, en effet, l’Écriture ? Abraham crut à Dieu et cela lui fut imputé à justice... De quelle manière cela lui fut-il imputé ? Quand il était déjà circoncis ou bien avant d’être circoncis ? Ce n’est pas en tant que circoncis mais en tant qu’incirconcis. Il reçut le sceau de la circoncision comme signe de la justification de la foi qu’il avait reçue comme incirconcis, afin qu’il fût le père de tous les croyants qui sont incirconcis, afin aussi que la foi leur soit imputée à justice, et le père des circoncis, de ceux qui sont non seulement circoncis mais encore ont imité notre père Abraham dans la foi qu’il avait comme incirconcis. ” 

Dans la seconde partie, saint Paul prouve la foi d’Abraham par la promesse que Dieu lui fit qu’il serait le père de beaucoup de peuples. Cette foi est d’autant plus brillante chez lui que cette promesse lui fut faite avant la naissance d’Isaac. “ Il est écrit : je l’ai établi père de nombreux peuples, car il a cru à Dieu qui réveille les morts à la vie et appelle à l’existence ceux qui ne sont pas. Contre toute espérance, il a eu une foi pleine d’espérance qu’il serait le père de nombreux peuples d’après la parole : Ainsi sera ta descendance. Et il ne fut pas faible dans la foi en considérant son corps déjà mort — il avait pourtant près de cent ans — et le sein déjà mort de Sara. Aux promesses de Dieu, il n’opposa pas le doute et l’incrédulité, mais il fut fort dans la foi, rendant honneur à Dieu. Il était persuadé que Dieu est assez fort pour accomplir ses promesses. C’est pourquoi cela lui fut imputé à justice. ” 

4. Les noms du Seigneur. Le Sauveur a plusieurs noms ; comment se distinguent-ils ? Le prophète Isaïe le nomme Emmanuel. Cependant ce n’est pas à proprement parler un nom de Notre Seigneur, on ne l’appelle jamais ainsi. Le Prophète voulait simplement dire que Jésus habiterait parmi nous comme Dieu. Mais Notre Seigneur a encore un autre nom en plus de Jésus, il s’appelle aussi Christ. Christ veut dire : l’oint, le Messie, le Rédempteur. Ce n’était donc pas à l’origine un nom, mais seulement un titre désignant le ministère de Notre Seigneur. C’est pourquoi dans saint Paul le mot Christ est placé le premier : Christus Jesus, c’est-à-dire le Messie Jésus. Cependant peu à peu ce titre est devenu le second nom de Notre Seigneur et nous disons de préférence : Jésus-Christ. Nous employons aussi ces deux noms séparément. Il y a entre les deux une nuance délicate qui, pour nous, les amis de la liturgie, est d’importance. Jésus est le nom personnel de Notre Seigneur, le nom qu’emploie de préférence la piété personnelle et subjective. Par conséquent, quand nous sommes au pied du tabernacle et que nous nous entretenons familièrement avec Notre Seigneur, le nom de Jésus vient naturellement sur nos lèvres. Les trois derniers siècles ont été surtout des siècles de piété subjective, c’est pourquoi on aimait tant à employer le nom de Jésus. La fête d’aujourd’hui en est une preuve. Mais “ Christ ” est par excellence le nom ministériel de Notre Seigneur, c’est le nom qu’aime employer la liturgie, la piété objective. C’est pourquoi les anciens textes liturgiques emploient plus souvent le nom de Christ que le nom de Jésus ; par exemple : dans le Canon nous trouvons cinq oraisons qui se terminent ainsi : par le Christ Notre Seigneur. Le nom de Jésus se trouve très rarement seul dans la liturgie, il est presque toujours uni à Christ [1]. 

Nous comprenons maintenant le contenu des deux noms saints. Quand nous disons le “ Christ ”, nous voyons apparaître devant nos regards le divin Grand-Prêtre qui renouvelle son sacrifice sur l’autel ou bien le divin Roi qui est assis sur le trône de Dieu et qui reviendra au dernier jour ; en un mot Dieu fait Homme. Mais quand nous disons : “ Jésus ”, nous voyons l’Homme qui a parcouru les chemins de Judée, nous le voyons avec son Cœur si bon, sa douceur et son amour, nous voyons ses souffrances ; nous avons devant nous toute sa vie, c’est l’Homme-Dieu, Jésus. C’est pourquoi la liturgie nous prescrit d’incliner la tête au nom de Jésus et non à celui de Christ. 
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[1] L’auteur est loin de vouloir minimiser le nom de Jésus ; il se contente de constater et de commenter un usage qui a pour lui l’autorité de saint Paul et de la Tradition. Il ne veut pas non plus réprouver la piété subjective. Il préfère la piété objective, tout en admettant fort bien que l’Eglise ait donné à certaines fêtes nouvelles un caractère subjectif. L’Eglise tire de son trésor “ du nouveau et de l’ancien ”.