1er DIMANCHE DE CARÊME

Station à Saint-Jean De Latran
     
Suivons le Christ dans sa mortification et ses combats.
     
1. Premières impressions. — Le dimanche de la Septuagésime, nous nous rendions au tombeau de saint Laurent ; le dimanche de la Sexagésime, à celui de saint Paul ; et le dimanche de la Quinquagésime, à celui de saint Pierre. Aujourd’hui, la liturgie nous conduit dans le sanctuaire du “ Saint Sauveur “, dans la première église de la chrétienté romaine. Cela nous indique, déjà, que ce jour est d’une grande importance. Il est très important, en effet. C’est dans l’église du Baptiste, l’homme du désert, que nous accompagnons le Seigneur au désert pour son jeûne de quarante jours. C’est dans cette église baptismale, que nous reviendrons, dans quarante jours, célébrer, dans la nuit pascale, le mystère de la Résurrection. Nous venons y demander, aujourd’hui, la grâce pour le temps de la préparation. L’église de station est donc le cadre qui convient pour célébrer aujourd’hui le commencement du Carême.
     
La liturgie de ce jour est très ancienne. Nous ne trouvons qu’un petit nombre de ces messes antiques et classiques, dans le missel. L’Église nous propose aujourd’hui trois choses : 1. L’invitation au Carême et le programme de ce saint temps ; 2. Un modèle, et 3. Un chant de combat.
      
a) L’invitation a un ton très solennel. Je la compare il, celle du premier dimanche de l’Avent. L’Église considérait tout le cycle de Noël comme un seul jour, dont l’aurore est le premier dimanche de l’Avent, alors que le jour de Noël en est le lever du soleil et l’Épiphanie, le plein midi. Il y a quelque chose de semblable dans le cycle pascal. Tout ce temps est “le jour du salut ” qui se lève aujourd’hui. A Pâques, le soleil monte il, l’horizon et, il, la Pentecôte, il est il, son zénith. L’Église nous rappelle notre devoir de “ ne pas recevoir en vain la grâce de Dieu “). Maintenant, le programme de Carême. Il est vrai que nous avons déjà dit bien des choses, pendant l’avant-Carême, sur notre travail de Carême : l’invitation à se rendre dans la vigne, à prendre part il, la lutte ; la préparation du sol pour recevoir la semence ; la primauté de la charité. Aujourd’hui, l’Église nous donne de nouveau un programme de Carême :Ce qui est encore plus important que le jeûne, la prière et l’aumône, c’est une bonne vie chrétienne qui surmonte toutes les difficultés. L’Église formule ce programme dans l’antienne de Magnificat : “ Voici le temps de grâce, voici les jours du salut ; dans ces jours, montrons-nous les serviteurs de Dieu dans beaucoup de patience, dans le jeûne, dans la vigilance, dans la charité non feinte. “ Le travail principal, c’est une vie chrétienne véritable, une vie sanctifiée, un cœur purifié du péché et de l’amour-propre. — Saint Paul nous expose d’une manière merveilleuse sa propre vie chrétienne et nous la propose en exemple : “ traités d’imposteurs et pourtant véridiques ; d’inconnus et pourtant bien connus ; regardés comme mourants bien que nous vivions, comme châtiés et nous ne sommes pas mis à mort, comme attristés nous qui sommes toujours joyeux, comme pauvres nous qui enrichissons plusieurs, comme dépourvus de tout nous qui possédons tout. “ C’est là le sort du chrétien dans sa pauvreté extérieure et sa richesse intérieure. C’est ce double état que doit nous faire acquérir le Carême, le dépouillement (par le jeûne) et la possession de tout (nous serons d’autant plus riches dans notre âme).
     
b) L’Évangile nous montre le Christ sous un double aspect : le Christ mortifié et le Christ combattant. Nous suivons maintenant le Christ mortifié, dans le désert du renoncement, pour y jeûner quarante jours avec lui. Son jeûne sanctifie le nôtre, parce que nous jeûnons en union avec lui et participons à son propre jeûne. Cette pensée doit nous rendre le Carême plus vénérable ; les membres sont unis à leur Chef. Le jeûne du Christ appartient à son œuvre rédemptrice ; de même, notre jeûne de quarante jours contribue à édifier le royaume de Dieu sur la terre. C’est peut-être le temps le plus important de toute l’année. Ainsi donc, le Chef et les membres entrent dans la grande période de la pénitence. — Le Seigneur nous précède aussi comme combattant. Nous voyons le divin héros remporter la victoire dans trois passes d’armes. Les deux princes sont en face l’un de l’autre, le prince du monde et le prince du royaume de Dieu. lis se mesurent dans le combat. Le prince de ce monde fait avancer toute son armée : le monde avec toutes ses pompes, l’enfer, le moi avec ses désirs insatiables. Le Christ est vainqueur. Le champ de bataille où nous entrons n’est pas loin de nous, il est dans notre âme ; l’homme inférieur y lutte contre l’homme supérieur. Mais le Christ, qui est en nous, doit vaincre. C’est là, pour nous, une force et une consolation. Nous ne sommes pas seuls au combat : le Chef et les membres combattent, le Chef et les membres doivent remporter la victoire. Ainsi l’Évangile nous mène à l’école de combat du Christ ; aujourd’hui, nous ne sommes encore que des recrues ; à Pâques, nous devons être des vainqueurs.
Autrefois, nous nous sommes peut-être représenté notre travail de Carême comme une œuvre purement personnelle et nous l’avons accompli sans tenir compte de la grande communauté. Aujourd’hui, nous apprenons et nous comprenons, d’une manière toujours plus profonde, que nous devons accomplir ce travail comme membres de l’Église et membres du Christ. L’oraison nous dit, d’une manière caractéristique, que Dieu, “ par l’exercice du jeûne de quarante jours, purifie son Église ”. Tout péché que nous commettons souille aussi l’Église, toute vertu qui orne notre âme ajoute une parure à la robe de l’Église. Disons plus. L’Église est le Christ mystique dont nous sommes les membres. Nous devons ressembler en tout au Christ, ici-bas dans l’humiliation, là-haut dans la gloire. Le travail du Carême nous rend semblables au Christ.
     
c) Nous comprendrons mieux maintenant le troisième morceau liturgique, le psaume directeur du jour, le psaume 90. C’est notre char de combat pendant tout le temps de Carême. Le psaume décrit le champ de bataille horrible ; des milliers tombent à droite et à gauche, les flèches sifflent ; il faut marcher sur des aspics et des dragons. Néanmoins, la troupe des héros ne craint rien : elle est enveloppée des ailes de Dieu et les anges la gardent sur son chemin. Son épée est la confiance en Dieu.
     
Voici le texte du psaume :
Celui qui se tient sous la protection du Très-Haut, qui habite sous la garde du Roi du ciel,
Il peut dire au Seigneur : “ Tu es mon refuge et ma forteresse, mon Dieu, en toi je me confie. ”
Car c’est lui qui te délivre des filets de l’oiseleur et de la peste funeste.
Il te couvrira de ses ailes et, sous ses plumes, tu trouveras un refuge ;
Sa fidélité est un bouclier et une cuirasse.
Tu n’auras à craindre ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole pendant le jour, ni la peste qui se glisse dans les ténèbres, ni l’attaque du démon en plein midi.
Que mille tombent à ton côté et dix mille à ta droite, tu ne seras pas atteint.
Mais de tes yeux tu regarderas et tu verras la rétribution des méchants.
“ Tu es mon refuge, ô Dieu “ ;
Oui, tu as fait du Très-Haut ton refuge.
Aucun malheur ne t’atteindra, aucun fléau n’approchera de ta tente,
Car il ordonnera pour toi à ses anges de te garder dans toutes tes voies.
Ils te porteront dans leurs mains, pour que tu ne heurtes pas ton pied à la pierre.
Tu marcheras sur l’aspic et le basilic et tu fouleras aux pieds les lions et les dragons.
“ Puisqu’il a espéré en moi, je le délivrerai, je le protégerai, car il honore mon nom ;
Il m’invoquera et je l’exaucerai, je serai avec lui dans la détresse,
Je le délivrerai et le glorifierai, je le rassasierai de longs jours et je lui ferai voir mon salut. “
Ce que l’on chante ici déborde de cœur et de sens. Entrons donc avec courage dans le combat. L’Église nous donne t’arme la plus puissante ; c’est le “ Saint Sauveur “ lui-même, dans l’église duquel nous nous trouvons. Nous nous y sentons sous sa protection. Le divin Maître de maison se tient à la porte et nous parle ainsi : “ Il m’invoquera et je le délivrerai et je le glorifierai, je le rassasierai de longs jours “ (Introït). Quand, aujourd’hui, à l’Offertoire et à la Communion, nous nous approchons de l’autel (l’autel est le Christ), nous sentons bien que, dans le Saint-Sacrifice, le Christ est notre bouclier protecteur, l’aile qui nous couvre.
     
2. La messe (Invocabit). — La messe a la simplicité d’un monument classique. A l’Introït, le Christ nous accueille comme ses compagnons de combat et nous adresse cette parole de consolation : Après le combat de Carême viendra la “ gloire” du Baptême et le “ rassasiement de la vie éternelle “. L’oraison nous dit que Dieu, par le jeûne de quarante jours, “ purifie “ son Église. C’est donc la grande purification du temple de Dieu. Elle nomme en même temps deux moyens de purification : l’abstinence et la pratique des bonnes œuvres. L’Épître est l’invitation solennelle de l’Église, ainsi que son programme pour le temps qui commence. Aujourd’hui, l’Église prend les candidats au baptême sous son aile tutélaire. Alors même que tout l’enfer est déchaîné contre eux, ils sont protégés ; l’armée céleste les accompagne. Au Trait, nous chantons presque en entier le psaume 9° comme introduction à l’Évangile. Dans les deux processions eucharistiques (l’Offertoire et la Communion), nous entrons dans le combat héroïque du Christ, protégés par les ailes et le bouclier de Dieu, c’est-à-dire l’Eucharistie.
     
3. La prière des Heures. — La prière des Heures d’aujourd’hui nous apparaît comme un monument d’antiquité. Peu de jours présentent une pareille unité et une telle beauté classique. Les leçons du premier nocturne nous annoncent le programme du Carême, c’est l’Épître, plus développée ; au second nocturne, nous entendons un beau sermon de Carême du pape saint Léon 1er. Au troisième nocturne, c’est saint Grégoire-le-Grand qui est notre docteur ; il nous donne une explication édifiante de l’Évangile. Saint Paul, saint Léon, saint Grégoire, trois voix qui nous viennent de Rome ! Les répons qui suivent les neuf leçons sont riches de pensées et de sentiments ; ils chantent le caractère sérieux de la pénitence et disent notre travail de Carême.
     
Voici quelques-uns de ces répons :
“Corrigeons-nos fautes commises dans l’ignorance, de peur que, surpris soudain par le jour de la mort, nous cherchions le temps de la pénitence, sans pouvoir le trouver.
Fais attention à nous, Seigneur, et aie pitié, car nous avons péché contre toi.
Aide-nous, Ô Dieu, toi notre salut ; à cause de ton nom, délivre-nous Seigneur. “
“ Déchirez vos cœurs et non vos vêtements et convertissez-vous au Seigneur votre Dieu,
Car il est bon et miséricordieux.
Que le pécheur abandonne sa voie de péché, et l’injuste ses mauvais desseins ; qu’il se convertisse au Seigneur et Dieu sera bienveillant pour lui,
Car il est bon et miséricordieux. “