11 JANVIER - Sixième jour de l’Octave de l’Épiphanie (semi-d.)

Par un autre chemin. 

1. Prière des Heures. - Au second Nocturne, nous entendons un sermon très instructif de saint Fulgence, évêque de la petite ville maritime de Ruspe dans l’Afrique du Nord : “ Dieu qui, dans l’Ancien Testament, a ordonné de lui offrir les prémices, a consacré lui-même, quand il est devenu Homme, les prémices des Gentils à son culte. Les bergers étaient les prémices du judaïsme, les Mages furent les prémices de la gentilité. Les premiers furent amenés du voisinage, les autres furent ramenés des pays lointains. “ Où est ”, demandent-ils, “ le Roi des Juifs qui vient de naître ? ” A Hérode, le roi des Juifs, plusieurs fils étaient déjà nés. Archelaüs naquit dans un palais, le Christ dans un abri de passage. Archelaüs fut placé à sa naissance dans un berceau d’argent, le Christ dans une étroite crèche ; et pourtant celui qui est né dans un palais est négligé, celui qui est né dans un abri de passage est recherché ; le premier n’est même pas nommé par les Mages, mais le Christ, dès qu’ils l’ont trouvé, est adoré humblement et à genoux. Qui est ce Roi des Juifs ? Il est pauvre et riche, abaissé et sublime. Qui est ce Roi des Juifs que l’on porte dans les bras comme un nourrisson et qui est adoré comme Dieu, petit dans sa crèche, immense dans les cieux, sans apparence dans ses langes, glorifié parmi les étoiles ? D’où vient, Hérode, que tu te troubles tant ? Ce Roi qui vient de naître, ne vient pas dans le monde pour vaincre les rois, dans le combat, mais pour les subjuguer merveilleusement par sa mort. Il n’est pas né pour être ton successeur, mais pour que le monde croie fidèlement en lui. Il ne vient pas pour exposer sa vie dans les combats, mais pour triompher dans sa mort. Ce petit Enfant que les Mages nomment le Roi des Juifs est aussi le Créateur et le Seigneur des anges. Tu trembles à la venue d’un enfant qui ne parle pas encore, il te faut pourtant craindre bien davantage la toute-puissance du Juge. Ne crains pas en lui le successeur de ton royaume, mais le juste Juge qui condamnera ton incrédulité. ”

L’Antienne de Benedictus a aujourd’hui un accent inattendu : “ Ils viendront vers toi ceux qui te blasphèment et ils adoreront la trace de tes pas ” (Is. LX, 14). Nous songeons à la conversion des païens, mais aussi à celle des persécuteurs du Christ, par exemple : de Saul. Le soir nous chantons : “ Les Mages, avertis dans leur sommeil, s’en retournèrent dans leur pays par un autre chemin. ” 

2. La messe. — Hier nous avons vu que la démarche des Mages symbolisait l’Offrande des fidèles. Mais dans la secrète, l’Église nous donne une interprétation plus profonde des “ dons royaux ”. Ils symbolisent l’Offrande ta plus précieuse, le Fils de Dieu. Quelle est donc notre véritable offrande à la messe ? Ce ne sont pas les dons de l’Offrande, le pain et le vin, mais le corps et le sang de Jésus-Christ dans lesquels sont changés le pain et le vin. Les fidèles n’offraient ces dons que pour exprimer par là que le corps et le sang du Christ étaient leur sacrifice. Oui, telle est l’essence du Saint-Sacrifice de la messe : le corps du Seigneur sacrifié dans la mort, l’Agneau immolé est placé dans nos mains, nous pouvons l’offrir au Père céleste en expiation de nos fautes, pour le remercier de ses bienfaits, pour lui demander ses grâces. Et cet Agneau du sacrifice y est symbolisé par les dons des trois Mages. Il est l’or. Y a-t-il quelque chose de plus précieux pour nous sur la terre ? Il convient de lui offrir de l’or, car il est le Roi des rois. Il est l’encens qu’on offre à Dieu en sacrifice. Le Christ n’est pas seulement l’Agneau du sacrifice, il est aussi le grand Prêtre dont la prière s’élève comme un encens. Il est la myrrhe, car la chair qui fut vraiment immolée et le sang qui coula vraiment sur la Croix sont devant nous sur l’autel. 

Les trois parties du Sacrifice de la Messe trouvent aussi un beau symbole dans les trois dons. L’Offertoire est l’or. La signification de l’Offrande est en effet le don de soi-même et ce don doit être vrai et pur comme l’or. La Consécration ressemble à l’encens ; c’est en effet l’action sacerdotale par excellence tant pour les prêtres consacrés que pour le sacerdoce général des fidèles. Car le peuple exerce en premier lieu son sacerdoce royal par la participation active à la messe. La Communion enfin ressemble à la myrrhe. Le corps du Seigneur fut jadis déposé, avec de la myrrhe, dans le tombeau taillé dans le roc. Aujourd’hui le même corps descend dans le tombeau de notre cœur, conservé par la myrrhe de la grâce, pour ressusciter dans notre vie vertueuse et chrétienne. 

3. Considérons aujourd’hui la démarche des Mages et comparons-la avec celle que nous faisons pour aller à l’église. Le voyage des Mages, tant à l’aller qu’au retour, leur ménagea des joies et des peines. Ce ne fut certes pas une décision facile que de quitter leur pays pour s’en aller dans des pays étrangers, inconnus et dangereux et de se confier à la conduite d’une étoile. Ce voyage dura peut-être des semaines et rencontra bien des difficultés, quand ce ne serait que le séjour auprès d’Hérode. Quelle dut être l’impression des Mages quand, à Jérusalem, l’étoile disparut et qu’Hérode prit une attitude si énigmatique ! Mais leur joie n’en fut que plus grande quand ils revirent l’étoile qui les conduisit au but désiré : “ ils se réjouirent d’une très grande joie. ” Leur retour dans leur pays ne fut pas, non plus, exempt de difficultés (Saint Jean Chrysotome décrit, dans le bréviaire, les difficultés de la foi) ; le retour précipité, la fuite devant Hérode, dont ils avaient trompé l’attente, rendit leur retour pénible. Mais la joie du grand événement, ils la portèrent continuellement, toute leur vie, dans leur cœur. 

Nous aussi, nous faisons souvent, peut-être tous les jours, un voyage semblable pour aller à l’église et pour en revenir : ce voyage a bien des rapports avec celui des Mages. Pour nous aussi, le voyage pour aller à l’Église nous demande des sacrifices mais nous apporte aussi beaucoup de joie. Il s’agit de se lever à temps, de marcher parfois par le vent et le mauvais temps, par la pluie et la neige, le froid et l’obscurité. Il y a souvent un Hérode qui veut nous retenir : notre propre paresse qui nous empêche de nous lever, notre famille qui trouve insensé d’aller tous les jours à la messe. Cependant si nous triomphons de tous ces obstacles, nous goûterons quelque chose de la “ très grande joie ” des Mages. Estimons notre voyage vers l’église, c’est un voyage liturgique. Dans l’ancienne Église, les fidèles se réunissaient dans l’ecclesia collecta et de là se rendaient en procession, en priant et en chantant, à l’église de station où avait lieu le Saint-Sacrifice. Nous pouvons nous représenter quelque chose de semblable. Notre demeure est l’église de réunion, nous l’avons justement fait bénir le jour de l’Épiphanie, comme une église, avec de l’encens et de l’eau bénite. Là, nous nous sommes rassemblés en esprit, maintenant commence la procession. Malgré notre isolement nous ne sommes pas seuls ; notre ange gardien nous accompagne et les saints nous précèdent. C’est donc une vraie procession. — En chemin, méditons l’Introït qui nous donnera le symbolisme de notre démarche. Récitons l’un ou l’autre verset du psaume : “ Comme mon cœur s’est réjoui à la joyeuse nouvelle, c’est à la maison de Dieu que nous allons ! ” Pensons aux dons royaux que nous déposerons sur l’autel, à l’intention pour laquelle on offrira le Saint-Sacrifice. Cette démarche doit être une démarche sainte. Notre retour aussi doit être recueilli, rempli du bonheur de la visite du divin Roi, accompagné de réflexions sur l’œuvre journalière qui commence. Établissons un pont d’or entre le mystère du jour et nos obligations quotidiennes. Le souvenir constant du voyage des Mages sanctifiera celui que nous faisons pour nous rendre à l’église. 

4. Lecture d’Écriture. — Saint Paul continue d’exposer ses idées sur le support mutuel (Rom. XV, 1-16). (Ces pensées sont particulièrement opportunes en cette fête de la réconciliation générale des peuples qu’est l’Épiphanie). L’exemple du Christ éclaire ces pensées. “ Nous devons, nous qui sommes forts, supporter les faiblesses des faibles, sans chercher à nous plaire à nous-mêmes. Chacun de nous doit chercher à faire plaisir à son prochain pour le bien et pour l’édification. Car le Christ lui-même ne rechercha pas son bon plaisir comme il est écrit : les injures de ceux qui t’injuriaient sont tombées sur moi. ” Dans la suite nous entendons l’Apôtre expliquer les relations des Juifs et des Gentils avec le Christ. Nous avons déjà : entendu ce passage, comme Épître, le second dimanche de l’Avent, nous le lisons ici dans une nouvelle lumière : “ Le Christ a été Juif à cause de la fidélité de Dieu (car telle était la promesse). Quant aux Gentils, ils peuvent louer Dieu à cause de sa miséricorde parce que, sans mérites et sans promesses, ils ont été appelés. ” Paul est arrivé à la conclusion de son Épître, il développe maintenant ses plans d’avenir. Après son travail missionnaire dans l’Orient, il aspire à se rendre dans l’Occident lointain. “ J’espère, quand je me mettrai en route pour l’Espagne, vous voir en passant et, après avoir un peu joui de votre présence, prendre congé de vous pour aller là-bas... Mais je sais que si je viens vers vous j’y viendrai avec l’abondance des bénédictions du Christ. ”