10 JUILLET - Les Saints Sept Frères, martyrs, et les Saintes Rufine et Seconde, vierges et martyres (semi-double).

Un jour de martyrs, c’est ainsi qu’est désigné ce jour par une vieille inscription.
     
1. Les saints. — La fête des saints sept frères avec leur mère (+env. 162) figure parmi les plus anciennes fêtes de martyrs de l’Église de Rome. Sept frères, fils de Sainte Félicité, à Rome, au cours de la persécution de Marc-Aurèle (161-180), furent invités par le préfet Publius, d’abord par des flatteries, ensuite sous la menace de terribles supplices, à renoncer à leur foi de chrétiens. Mais comme, forts de leur vaillance personnelle et des encouragements de leur mère, ils demeuraient inébranlables dans la confession du Christ, ils durent subir différentes sortes de martyres. Janvier mourut sous les coups de fouet, Félix et Philippe succombèrent tous deux à la flagellation, Silanus fut précipité du haut d’un rocher, Alexandre, Vital et Martial furent décapités. Quatre mois plus tard, leur mère subit elle aussi le martyre. Leurs corps furent déposés dans différents cimetières. Au VIIIe siècle, Silanus fut placé avec sa mère dans l’église de Sainte Suzanne, à Rome, où ils reposent encore aujourd’hui. Alexandre fut transporté dans l’église abbatiale de Farfa. — Les deux sœurs Rufine et Seconde, s’étant consacrées à Dieu, refusèrent de se marier ; elles furent pour cette raison amenées devant le juge. Rufine fut d’abord frappée de verges ; pendant qu’elle subissait le martyre, sa sœur Seconde dit au juge : “ Pourquoi honores-tu ma sœur de pareilles tortures et me prives-tu honteusement du supplice ? Fais-nous donc subir à toutes deux le même martyre, puisque toutes deux nous confessons la même et unique foi ! ” Elles furent enfin décapitées. Depuis le XIIe siècle, leurs corps reposent dans l’église du Latran.
     
2. La messe (Laudate pueri). — La messe, qui est très ancienne, a un texte propre : elle est en particulier une glorification de la mère énergique qui encourage ses fils au martyre. Déjà, à l’Introït, nous voyons l’heureuse mère au ciel, entourée de ses sept fils. Sans doute elle fut réduite à être sur terre “ une mère sans enfants ”, mais maintenant “ elle est dans la joie à cause de ses fils ” (ce psaume 112, à l’introït, produit un bel effet et se trouve parfaitement à sa place). La leçon est l’éloge bien connu de la “ femme forte ”. “ Ses fils grandissent, c’est pourquoi on la proclame bienheureuse !... Beaucoup de filles ont rassemblé de grandes richesses, mais tu les as toutes surpassées. La grâce féminine est trompeuse, la beauté est éphémère, mais la femme qui craint Dieu mérite d’être louée ”. Au Graduel, nous entendons les sept frères louer Dieu dans le ciel, tels des oiseaux délivrés du filet de l’oiseleur ; leur martyre est une délivrance du. filet de la vie terrestre (nous pensons presque nécessairement aux Saints Innocents). L’alleluia est une hymne métrique sur le thème du véritable amour fraternel qui a persévéré jusque dans la mort subie en commun. Particulièrement belle est l’application de l’Évangile à notre fête. C’est l’épisode suivant de la vie du Christ : on avertit le Seigneur que sa mère et ses frères sont là à la porte et le demandent. Mais lui embrasse du regard ses disciples et répond : “ Ma mère et mes frères, les voici ! Quiconque fait la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère ”. La liturgie veut donc nous faire entendre que la mère des martyrs, ses sept fils et les deux sœurs sont devenus, en mourant pour le Christ (c’est-à-dire pour la volonté du Père), la mère, les frères et les sœurs du Christ ; et nous, qui au Saint Sacrifice nous unissons à ces saints, nous partageons cet honneur : nous aussi nous devenons la mère, les frères, les sœurs du Christ ! Et quand nous participons à la sainte communion, nous entendons encore les mêmes paroles de la bouche du Christ : oui, c’est précisément par l’Eucharistie que nous avons part à l’honneur d’être la mère, les frères et les sœurs du Christ. Nous devenons parents du Christ par le sang, puisque nous nous incorporons son sang. Une messe vraiment magnifique !
     
3. La prière des Heures. — Pour compléter notre joie en cette fête, la prière des Heures nous offre sur l’Évangile du jour une homélie du pape saint Grégoire 1er, qu’il a “ prononcée devant les fidèles dans la basilique de sainte Félicité, le jour de la fête de cette sainte ”. Cette homélie est si belle que j’aurais désiré la reproduire en entier et sans coupures. Mais l’espace limite dont je dispose ne me permet que d’en donner un résumé : “ L’évangile que nous venons de lire, frères bien-aimés, est court, et cependant riche d’un contenu plein de mystères ”. Jésus se comporte comme s’il ne connaissait pas sa mère ni ses parents, et il désigne comme sa mère et ses parents ceux qui lui sont unis non par la parenté du sang, mais par la parenté spirituelle. Saint Grégoire fait l’application de cette attitude à la Synagogue et aux Juifs d’une part, aux païens de l’autre. La Synagogue et les Juifs qui lui sont apparentés par les liens du sang, puisqu’il descend des mêmes ancêtres, se tiennent au dehors, et il ne les connaît pas parce qu’ils ne croient pas en lui ; mais les païens, il les embrasse du regard et les reconnaît pour ses parents, parce qu’ils répondent à son appel. — Nous ne nous étonnons pas que le Seigneur appelle les fidèles qui font la volonté de son Père ses frères et ses sœurs ; il a déjà donné ce nom à ses disciples après sa Résurrection : “ Allez et annoncez à mes frères... ” (Matth., XXVIII, 10). Toutefois il nous semble extraordinaire qu’il puisse appeler quelqu’un sa mère. “ Cependant nous devons savoir que quiconque est le frère et la sœur du Christ par la foi devient sa mère par la prédication de l’Évangile, car il donne pour ainsi dire naissance au Seigneur quand il le rend vivant dans le cœur de ses auditeurs. Sainte Félicité, dont nous célébrons aujourd’hui l’anniversaire, peut nous servir d’exemple. Comme croyante, elle était une servante du Seigneur ; comme messagère de la foi, elle fut la mère du Christ D. Le texte de l’homélie utilisé aux Matines s’arrête ici ; mais plus loin saint Grégoire prononce un éloge de la mère des martyrs qui exhorta ses fils à l’amour de la patrie céleste et qui les engendra à la vie spirituelle, comme elle les avait engendrés selon la chair à la vie de ce monde. “ Contemplez, mes frères, en ce corps de femme un cœur viril... Dois-je appeler cette femme une martyre ? Elle est plus qu’une martyre ; elle a envoyé devant elle sept gages dans le royaume de Dieu ; sept fois elle est morte avant sa propre mort ; elle est allée la première au martyre, elle l’a consommé en mourant la huitième. C’est abreuvée de douleur, mais pourtant ferme dans son intrépidité, qu’elle vit mourir ses fils ; en elle la joie de l’espérance s’unissait à la douleur naturelle... Sainte Félicité l’emporte donc sur les martyrs, car elle mourut pour le Christ autant de fois qu’elle vit mourir ses fils avant elle. Sa seule mort ne suffisait pas à son amour pour le Christ ”.